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L’Institut du monde arabe de Paris expose du 6 décembre 2011 au 26 février 2012 les œuvres des dix finalistes de l’édition 2011 du Jameel Prize. Ce prix international, fondé en 2009 par Mohamed Abdul Latif Jameel, récompense un art et un design qui rassemblent sublimement tradition islamique et modernité.
Les différentes créations ont d’abord été présenté au Victoria & Albert Museum de Londres où le Jameel Prize a été décerné, le 12 septembre dernier, à Rachid Koraïchi.
Le concours est organisé tous les deux ans et regroupe des artistes contemporains venus du monde entier. Près de deux cent candidats se sont présentés lors de cette dernière édition. Leurs œuvres évoquent et revisitent alors avec brio la richesse, la complexité et la diversité du patrimoine islamique en confrontant des motifs, des symboles et des matériaux typiques à des techniques et des matières contemporaines. L’exposition se tient sur le parvis de l’Institut du monde arabe, dans le Mobile Art créé durant le printemps 2011 par l’architecte irakienne Zaha Hadid. Cette architecte de prestige, lauréate du prix Pritzker de 2004, supervise d’ailleurs elle-même le Jameel Prize.
L’exposition s’ouvre sur deux tableaux de Soody Sharifi, Femmes s’ébattant dans un bassin (2007) et La Fashion Week (2010). L’artiste, née en Iran et travaillant actuellement aux Etats-Unis, souhaite mettre en avant « le déchirement » de la société iranienne en présentant ces deux collages numériques constitués à partir de miniatures persanes. Les figures anciennes côtoient ainsi des photographies de personnes prises par l’artiste, jouant ainsi sur le réel et sur l’imaginaire.
En face, trois vêtements en feutre composent l’œuvre de Bita Ghezelayagh. Bita Ghezelayagh choisit de remplacer les enseignes religieuses aux vertus protectrices qui ornent d’ordinaire ces costumes par de multiples broderies et des motifs peints. Elle utilise des motifs en métal, représentant des clés, des couronnes, des tulipes ou le portrait d’un héros de la guerre Iran-Irak (1980-1988), et embrasse ainsi toute une symbolique populaire de l’Iran post-révolutionnaire.
On découvre ensuite une impressionnante étole en pashmina ornée de motifs traditionnels dessinés avec 300 000 aiguilles en acier plaqué, allusion à la douleur des habitants du Cachemire. Elle est l’œuvre de l’artiste pakistanaise Aisha Khalid qui présente également ici sa création intitulée Nom, prénom, classe, matière, rappelant un cahier d’écolier dans un pays où l’on pratique officiellement aussi bien l’ourdou que l’anglais, vestige d’un passé colonial important.
On admire ensuite les sept tapisseries qui composent Les Maîtres invisibles (2008) de Rachid Koraïchi, lauréat du Jameel Prize de 2011. Toujours entre tradition et innovation, Rachid Koraïchi s’inspire de la symbolique soufie, de l’art de la calligraphie et de la numérologie en brodant différents motifs noirs sur une toile en coton blanche. Cette série fait honneur à la tolérance et à la pensée des 14 grands maîtres soufis.
Monir Shahroudy Farmanfarmaian emploie quant à elle la mosaïque des miroirs, fréquemment utilisée en décoration depuis le XVIIème siècle et propose ici deux panneaux composés de motifs géométriques représentant ses Oiseaux de paradis (2008).
On découvre par ailleurs deux compositions réalisées par Hadieh Shafie intitulées 22 500 pages, de forme carrée et dans des tons assez bleutés, et 26 000 pages de forme circulaire plus dans des nuances de rouge et de violet. Ces deux agencements ont été effectués en rassemblant des milliers de rouleaux de papiers colorés sur lesquelles ont été retranscris des textes soufis en langue persane. Ses œuvres font ainsi référence au savoir ésotérique difficile d’accès dont les derviches ont le secret.
Hayv Kahraman, artiste irakienne, vivant en exil depuis ses 11 ans, propose trois grandes huiles sur bois qui s’inspirent du dessin des figurines d’un jeu de cartes et des ornements islamiques. Son œuvre dénonce le sort de la diaspora irakienne, de la femme et des victimes de la guerre d’Irak de 2003 qui a entrainé la chute du régime de Saddam Hussein au pouvoir depuis 1979.
La visite se poursuit avec les créations du jeune artiste pakistanais Noor Ali Chagani qui présente pour le Jameel Prize deux sculptures composées de briques miniatures reliées par du fil de nylon. Noor Ali Chagani explore le thème de l’habitat et de l’abri nécessaire aux civilisations tout en s’interrogeant sur la symbolique du mur qui s’érige entre les hommes.
L’œuvre de Babak Golkar nous plonge ensuite au cœur de la complexité des relations entre les différentes cultures et entre son pays d’origine, l’Iran, et l’Amérique du Nord où il vit et travaille. Dans son installation Faire une place pour des coexistences possibles, n°5 (2010), deux gratte-ciels en polystyrène semblent jaillir de deux tapis persans.
L’exposition s’achève sur Pont, une composition en papier journal et cartons recyclés de Hazem El Mestikawy, symbolisant les liens entre le Nord et le Sud, l’Occident et l’Orient.
Le Jameel Prize réunit, autour de la tradition islamique, un nombre important d’artistes de grand talent venus d’univers fort différents. Chacun revisite ainsi à sa manière l’identité et la culture orientale au riche patrimoine artistique en y ajoutant des messages contemporains forts. L’exposition Jameel Prize permet ainsi au visiteur de s’interroger sur son passé et sur la diversité, la modernité et la richesse du patrimoine islamique.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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