Appel aux dons lundi 18 mars 2024



https://www.lesclesdumoyenorient.com/988



Décryptage de l'actualité au Moyen-Orient

Plus de 3000 articles publiés depuis juin 2010

lundi 18 mars 2024
inscription nl


Accueil / Repères historiques / Analyses historiques

Expédition d’Egypte (1798-1801)

Par Clémentine Kruse
Publié le 02/03/2012 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 6 minutes

NAPOLEON Bonaparte, 1769-1821 Emperor of France, disembarking in Egypt, 19th century engraving Photo Credit : [ The Art Archive / Museo del Risorgimento Rome / Gianni Dagli Orti ]

AFP

Les origines de l’expédition et ses préparatifs

L’expédition d’Egypte a avant tout un but militaire et stratégique : affronter de façon indirecte la Grande-Bretagne. Le Directoire, à la tête de la France, estime qu’il est difficile de l’attaquer de front et de remporter la victoire. Une autre solution est alors trouvée, proposée par Talleyrand : empêcher les Britanniques d’accéder à la route des Indes et de contrôler la Méditerranée en prenant l’Egypte, partie de l’Empire ottoman et contrôlée en grande partie par le pouvoir concurrent des Mamelouks. Outre ces considérations militaires et stratégiques, des considérations culturelles sont également à l’origine de l’Expédition d’Egypte, faisant de celle-ci non pas une simple campagne militaire mais également une expédition scientifique et culturelle, porteuse d’une dimension civilisatrice. Il existe en effet à cette époque en France une culture de l’orientalisme et une véritable fascination pour l’Orient et plus particulièrement pour l’Egypte, considérée comme le berceau de la première grande civilisation. Certains envisagent d’y apporter les Lumières et les acquis de la Révolution.

Les préparatifs de l’expédition se font dans le plus grand secret afin de garder l’avantage de la surprise. Bonaparte, auréolé de ses succès militaires en Italie et de la signature du traité de paix de Campo-Formio avec l’Autriche le 17 octobre 1797, et partisan d’une intervention en Egypte plutôt qu’en Angleterre, est choisi pour mener cette expédition. Cela permet également au Directoire de l’écarter du pouvoir et de toute velléité de coups d’Etat. Bonaparte s’entoure de huit officiers dont Kléber et arrive à Toulon le 9 mai 1798, où doit embarquer la flotte française. Bonaparte dispose d’une flotte importante composée de 13 vaisseaux de ligne, de 6 frégates et de 35 autres bâtiments ainsi que de cinquante-quatre mille hommes. La flotte quitte Toulon le 19 mai et débarque à Malte 10 juin 1798. Bonaparte en prend facilement le contrôle, permettant ainsi aux Français de conserver un avant-poste en Méditerranée, et arrive en vue d’Alexandrie au début du mois de juillet.

Le déroulement de l’expédition

Le 2 juillet 1798, Bonaparte débarque à Alexandrie avec son armée : commence alors l’expédition d’Egypte. Par une proclamation adressée aux Egyptiens, il se pose en libérateur du peuple oppressé par les Mamelouks et en ami du sultan ottoman, afin d’éviter que ce dernier n’entre en guerre contre la France. Dans un premier temps, cette tactique de dissociation entre les deux pouvoirs concurrents opère, d’autant plus que Bonaparte veille à se montrer respectueux de l’islam et à donner le sentiment qu’il s’érige en protecteur de la foi des Egyptiens. Une fois la ville d’Alexandrie prise, Bonaparte en laisse le commandement à Kléber, fait installer la flotte dans la rade d’Aboukir et se met en marche pour rejoindre le reste de l’armée. Le 8 juillet, celle-ci est réunie à Demenhour et s’apprête à marcher vers Le Caire. Le 21 juillet a lieu la bataille des Pyramides, première victoire de taille de Bonaparte, durant laquelle ses hommes repoussent les attaques des Mamelouks et des Egyptiens. L’expédition connaît cependant des difficultés : les soldats de Bonaparte se trouvent en terre inconnue et souffrent de la chaleur et de la soif. Au Caire, avant que les troupes françaises ne livrent bataille, les notables, qui n’ont pas fuit la ville, se rendent pour éviter des combats meurtriers : Bonaparte s’empare donc du Caire, la plus grande ville d’Egypte. Il cherche alors à mettre la flotte à l’abri mais le fait trop tard : les Britanniques, ayant découvert la flotte dans la rade d’Aboukir, l’attaquent et la détruisent lors de la bataille navale d’Aboukir menée par l’amiral Nelson le 1er août. Les pertes sont importantes pour la France : 4 vaisseaux sont coulés et 9 sont pris par les Britanniques.

Pendant ce temps, Bonaparte entreprend de transformer Le Caire en ville européenne malgré les révoltes populaires, déclenchées à la suite de l’augmentation des impôts destinés à entretenir l’armée française. L’administration du Caire est confiée à un Divan constitué de notables égyptiens choisis dans l’Egypte entière. De plus, Bonaparte crée le 22 août l’Institut d’Egypte qui regroupe de nombreuses institutions culturelles, ainsi que deux journaux : la Décade Egyptienne et le Courrier de l’Egypte. Le 21 octobre, une révolte éclate au Caire, appelée la Fitna, violemment réprimée par Bonaparte : tous les révoltés sont enfermés dans la grande Mosquée du Caire où ils sont massacrés. Les Cheiks suspectés d’avoir pris part au complot sont également exécutés.

Commence alors la deuxième phase de l’Expédition d’Egypte, c’est-à-dire le départ de Bonaparte pour la Syrie. Début janvier 1799, Bonaparte apprend que le Pacha de Syrie et ses troupes se sont emparés du fort d’el Arich, situé à quelques kilomètres de la frontière égyptienne : il décide alors de se rendre en Syrie afin de consolider son pouvoir en Egypte. Dans le même temps, la sublime Porte a déclaré la guerre contre la France le 9 septembre, montrant ainsi que la tentative de Bonaparte de dissocier le pouvoir des Mamelouks (auquel il s’opposerait) du pouvoir de l’Empire ottoman (dont il serait l’ami et même le protecteur) a échoué. Avec environ 13 000 hommes, Bonaparte entre en Syrie. La ville de Jaffa est prise en deux jours de combats. Sur les 5 000 hommes qui défendaient la ville, près de la moitié sont tués. Bonaparte y fait installer un Divan comme au Caire et y crée un hôpital pour les soldats pestiférés. L’armée se dirige ensuite vers Saint Jean d’Acre. La ville, tenue par Jazzar Pacha, résiste durant un long siège en mars 1799 et, au moment où les Français parviennent à le briser, les troupes britanniques arrivent en renfort, permettant à la ville de continuer à résister. Bonaparte décide de renoncer et de rentrer en Egypte plutôt que de s’engager dans une guerre longue et coûteuse dont la victoire n’est pas assurée.

Le départ de Bonaparte et la fin de l’expédition

En Egypte, Mourad Bey qui contrôle la Haute-Egypte, décide de descendre vers Le Caire en même temps que les Britanniques menacent Aboukir et Alexandrie. Le 25 juillet 1799 a lieu la bataille terrestre d’Aboukir, qui se solde par une victoire française. C’est alors que Bonaparte prend la décision de rentrer en France : il considère en effet que son œuvre en Egypte est terminée et qu’il est auréolé des succès qu’il a souhaités. De plus, il se rend compte du rôle qu’il peut jouer en France s’il réussit à s’emparer du pouvoir. Le 23 août 1799, il transmet ses pouvoirs à Kléber. Il arrive à Fréjus le 8 octobre 1799, ayant évité les Britanniques qui sillonnent la Méditerranée. Le 9 novembre, c’est-à-dire le 18 brumaire de l’an VIII, Bonaparte instaure le Consulat à la suite d’un coup d’Etat.

En Egypte, Kléber poursuit les combats contre les Ottomans et remporte la victoire le 20 mars 1800 à Héliopolis. Il est assassiné le 14 juin 1800 et Menou prend le commandement de l’expédition. Suite à un long siège du Caire, seule ville d’Egypte dont les Français étaient réellement maîtres, ces derniers capitulent le 31 août 1801. Ils acceptent de rentrer en France à la condition que la flotte britannique leur assure le transport.
Outre les opérations militaires destinées à concurrencer le pouvoir des Britanniques en Orient, l’Expédition d’Egypte a également été l’occasion d’une expédition scientifique composée de savants tels que Monge, Berthollet et Fourier, qui ont fait parti de l’Institut d’Egypte fondé par Bonaparte. De cet aspect scientifique de l’expédition, on retient notamment la pierre de Rosette découverte dans le village de Rachid en juillet 1799, qui permit à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes mais aussi un ouvrage intitulé la Description de l’Egypte, publié sous les ordres de Bonaparte.

L’expédition d’Egypte, qui visait à la fois à couper la route des Indes aux Anglais et à apporter l’Influence Française en Egypte et les Lumières « civilisatrices » en Orient, a eu plusieurs conséquences. Menée en grande partie par Bonaparte, les succès militaires de celui-ci, qui voulait suivre les traces d’Alexandre le Grand, lui ont permis de revenir en France victorieux, et de créer les conditions favorables à sa prise de pouvoir. En Egypte, le départ des Français après quatre ans de domination et de combats, a laissé place à une situation politique compliquée, où le pouvoir restait divisé entre les Mamelouks et l’Empire ottoman et où les Britanniques cherchaient à maintenir leur influence. Le principal bénéficiaire de cette situation est Méhémet Ali qui arrive à s’imposer au terme de plusieurs années en tant que Pacha d’Egypte.

Bibliographie :
 Henry Laurens, L’expédition d’Egypte 1798-1801, Editions du Seuil, 1997.
 Robert Solé, Bonaparte à la conquête de l’Egypte, Editions du Seuil, 2006

Publié le 02/03/2012


Clémentine Kruse est étudiante en master 2 à l’Ecole Doctorale d’Histoire de l’Institut d’Etudes politiques de Paris. Elle se spécialise sur le Moyen-Orient au XIXème siècle, au moment de la construction des identités nationales et des nationalismes, et s’intéresse au rôle de l’Occident dans cette région à travers les dominations politiques ou les transferts culturels.


 


Diplomatie

Egypte

Histoire