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En privilégiant les compagnies pétrolières américaines par rapport aux compagnies britanniques dans l’exploitation de ses ressources, le roi saoudien Abd Al Aziz (1880-1953) lie durablement son pays aux Etats-Unis. A partir de 1945, l’avenir et l’unité du Royaume d’Arabie Saoudite sont dorénavant fortement liés à Washington.
Le 14 février 1945, le président des Etats-Unis Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) reçoit à bord du croiseur Quincy le roi d’Arabie Saoudite sur le lac Amer, dans le canal de Suez en Egypte. Roosevelt propose alors au régime saoudien le soutien américain et la garantie de la sécurité de son territoire contre l’exploitation de ses richesses pétrolières. Le roi accepte d’attribuer des concessions pétrolières à la société ARAMCO (Arabian American Oil Company), contrôlée principalement par des compagnies américaines, sur 1 500 000 km² pour une période de soixante ans. L’accord entre les deux chefs d’Etats prévoit qu’entre 18 à 21 cents par baril exporté de cette zone doivent être reversés au royaume. Le soutien américain permet alors au roi Abd Al Aziz d’asseoir confortablement son pouvoir sur l’ensemble du territoire et de s’assurer un revenu nécessaire à la modernisation du pays. Les Etats-Unis peuvent quant à eux contrôler les ressources saoudiennes et s’appuyer sur un allié de poids dans la région. En effet, le pétrole prend une importance considérable pour la croissance économique américaine et le Moyen-Orient devient progressivement le centre de l’industrie pétrolière. Les intérêts entre les deux pays convergent donc dans les années 1940. Le rapprochement entre les deux pays se renforce tout au long de la Guerre Froide, période durant laquelle l’Arabie Saoudite devient un allié important contre la propagation du communisme dans la région.
En 1947, l’ARAMCO ouvre son capital à d’autres compagnies américaines concurrentes : la Standard Oil of New-Jersey (futur Exxon) et à la Socony Vaccum (futur Mobil) confirmant ainsi l’importance des compagnies américaines en Arabie Saoudite.
Le gouvernement saoudien comprend que l’or noir constitue un atout essentiel pour l’avenir de son pays qui détient 42 % des réserves mondiales. Ses champs pétroliers lui assurent encore un siècle d’exploitation. L’Arabie Saoudite devient le premier producteur et le premier exportateur mondial de pétrole brut et cherche alors à augmenter son contrôle sur l’ARAMCO.
Le 30 décembre 1950, le système dit de fifty-fifty est mis en place : la société doit dorénavant payer 50 % des bénéfices nets au gouvernement saoudien. Les revenus du pétrole permettent de moderniser le pays et de mettre en place une révolution sociale ; la majorité de la population est dorénavant sédentarisée et urbanisée. A partir de 1972, le gouvernement étend son emprise sur l’ARAMCO en s’appropriant 25 % de son capital avec la création de la société saoudienne Petromin. La compagnie est finalement entièrement nationalisée en 1980 et prend le nom de Saudi Aramco. Le pays prend alors en charge l’ensemble de l’exploitation du pétrole, de la prospection à son acheminement, et assure à l’Occident un approvisionnement en pétrole à bas prix. Il est le seul pays producteur à pouvoir influer directement sur le cours du pétrole : en effet, grâce à ses réserves pétrolières, il peut augmenter très rapidement sa production et avoir un impact sur les prix du pétrole. L’Arabie saoudite peut ainsi équilibrer les cours du baril en cas de besoin. Elle joue donc un rôle majeur dans le cadre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) créée en 1960 et dont elle est membre fondateur. L’Arabie Saoudite cherche à favoriser une certaine stabilité des prix et joue au sein de l’organisme un rôle modérateur avantageux pour l’Occident, cherchant à fixer les prix du baril entre 22 et 28 dollars. On constate que même durant les chocs pétroliers, le royaume cherche finalement à baisser les coûts du baril en augmentant sa production.
L’Arabie Saoudite ressent donc un important besoin de maintenir sa productivité en entretenant de bonnes relations avec son allié américain.
Dans les années 1990, la dynastie saoudienne est de plus en plus critiquée par certains milieux d’affaires et d’intellectuels, par des jeunes universitaires et surtout par des milieux d’extrémistes religieux pour son alliance avec les Etats-Unis. Ils l’accusent d’avoir favorisé la mise en place d’un « protectorat américain » en Arabie Saoudite. De plus, les multiples dépenses de la monarchie pour sa sécurité endettent fortement l’Etat au milieu des années 1990, période durant laquelle le coût du pétrole est bas. Le mécontentement de l’opposition augmente et la tension s’exprime de manière violente. En novembre 1995, cinq Américains sont victimes d’un attentat à Ryad. Le 25 juin de l’année suivante, la base aérienne de Khobar est également la cible d’une attaque entrainant la mort de 19 Américains. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les Twin Towers à New York et contre le Pentagone jettent un froid dans les relations américano-saoudiennes. 15 des 19 terroristes identifiés sont de nationalité saoudienne. L’Arabie est alors perçue par l’opinion publique américaine comme une terre d’extrémisme religieux, un foyer du terrorisme international et la méfiance s’installe.
Mais en tant que premier consommateur de pétrole au monde, les Etats-Unis ne peuvent se détacher réellement de l’Arabie Saoudite qui représente un allié économique et stratégique de taille dans la région. Le pétrole reste donc un enjeu essentiel pour les deux pays, d’autant plus que les troubles et les difficultés rencontrées pour pacifier l’Irak empêchent l’exploitation du pétrole irakien et augmentent l’intérêt du pétrole saoudien pour les économies occidentales. L’Arabie Saoudite et les Etats-Unis restent donc interdépendants. Ainsi si les exportations du pétrole saoudien vers les Etats-Unis tendent à diminuer, le royaume reste leur premier fournisseur devant le Mexique, le Canada et le Venezuela. Malgré l’instabilité de la région, le Moyen-Orient détient 65,4 % des réserves mondiales et fournit 41,4 % des exportations. Les Etats-Unis ont alors un réel intérêt à « pacifier » la région et à maintenir de bonnes relations avec son allié traditionnel saoudien.
En 2005, 40 % des investissements étrangers en Arabie Saoudite sont américains. Le partenariat avec Washington est alors critiqué pour son développement économique et pour sa protection militaire. Les deux pays s’associent également dorénavant dans la lutte contre le terrorisme, le royaume étant également la cible d’attentats en 2003 et en 2004.
L’Arabie Saoudite investit également dans le raffinage et la distribution de carburants aux Etats-Unis à travers Motiva, filiale à 50/50 de Saudi Aramco et Shell. Motiva investit notamment dans la raffinerie de Port Arthur au Texas afin d’en faire la plus grosse raffinerie américaine.
L’énergie pétrolière est d’une importance stratégique dans les relations entre les deux pays.
Bibliographie :
Paul Bonnenfant (dir.), La Péninsule arabique d’aujourd’hui, Paris, Editions du CNRS, 1982.
Guillaume Fourmont-Dainville, Géopolitique de l’Arabie Saoudite, la guerre intérieure, Paris, Ellipses Editions, 2005.
Henry Laurens, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Paris, Armand Colin, 2005.
Pascal Mémoret, L’Enigme saoudite, les Saoudiens et le monde 1744-2003, Paris, Editions La Découverte, 2003.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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