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Marc Valleur est médecin psychiatre, chef de l’hôpital Marmottan à Paris, spécialiste en addictologie ainsi que membre de la Commission interministérielle des stupéfiants et des psychotropes. Il est également l’auteur de nombreux articles scientifiques pour, entre autre, les revue Psychotropes, Revue internationale des toxicomanies et des addictions ; Topique, Revue freudienne, et Etudes, Revue de culture contemporaine, ainsi que co Auteur avec Jean-Claude Matysiak, du livre Les Addictions, paru aux Editions Armand Colin en 2007.
Depuis quelques mois, une drogue dure appelée captagon, circule dans la région du Moyen-Orient. Quels sont les effets et propriétés du captagon ? Quelle importance prend ce trafic au sein de la région ? Cette drogue est-t-elle un indicateur pour comprendre le comportement des groupes jihadistes (Etat islamique ou al-Nosra…) ?
Le captagon, ou fénéthylline est une drogue dure à base d’amphétamine, un produit de synthèse agissant sur l’organisme ainsi que sur le psychisme humain. C’est d’abord une substance psychotrope agissant sur le système nerveux central, c’est-à-dire sur les neurones, influant sur la perception, la conscience, le comportement, ainsi que sur les sensations. Le captagon est ensuite un excitant pour le système nerveux central et un stimulant des activités psychiques et physiques.
Ce produit est connu depuis très longtemps, puisqu’il fut utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale par les différents belligérants. Les amphétamines ont permis en particulier aux aviateurs de rester éveillés lors de la bataille d’Angleterre. Cependant, il fut retiré de la vente dans les années 1980, une fois reconnu en tant que drogue aux effets addictifs, et non plus comme médicament. Il est étrange d’avoir conservé le terme de « captagon » qui se réfère au médicament mais qui ne correspond en aucun cas au nom chimique de la molécule. Celle dernière est inscrite sur la liste des substances psychotropes en 1986 par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Absorbé par voie orale ou à l’aide d’une seringue, le captagon est principalement utilisé, comme toutes les amphétamines, en tant qu’excitant, stimulant et anorexigène. En effet, cette drogue a pour effet principal d’être un stimulant, ainsi qu’adrénergique, c’est-à-dire qu’il augmente la pression artérielle mais également les battements du coeur. Il est possible de comparer les mécanismes neurobiologiques du captagon avec les autres composants du grand groupe des excitants : cocaïne, crack… Ses propriétés sont également proches de celles de l’ecstasy. Les amphétamines provoquent entre autre une sécrétion de dopamine (en vidant les vésicules de dopamine dans la fente synaptique) et également adrénergique (qui augmentent l’adrénaline).
Les stimulants sont également connus pour donner du courage à un individu, endurcir sa volonté ainsi que lui donner de l’énergie. Le comprimé donne un sentiment subjectif de toute puissance, d’invulnérabilité ainsi que d’euphorie. Les effets sont dans un deuxième temps anorexigènes, c’est-à-dire que le comprimé est destiné à diminuer les sensations d’appétit.
Pris à petite dose et ponctuellement, le captagon maintient éveillé, enlève la sensation de fatigue physique et psychique, de sommeil, de faim, donne l’impression d’augmenter les capacités physiques et intellectuelles. Cependant, lorsque l’on augmente les doses, apparaissent des effets secondaires, c’est-à-dire des états quasi psychotiques voire de vraies psychoses amphétaminiques, avec sentiment de persécution… Des effets provoquant parfois des hallucinations visuelles, sonores, qui se traduisent souvent par une violence intérieure et psychologique, conduisant par la suite à un déchainement d’actes de violence. A long terme, le « médicament » rend complètement « cinglé ». Il existe en outre d’autres effets secondaires : troubles psychiatriques aigus, cardiovasculaires, digestifs, qui dans des cas extrêmes conduisent à la mort.
Le captagon ferait aujourd’hui l’objet d’une fabrication clandestine, principalement dans les pays de l’Est comme la Bulgarie : ce sont des laboratoires clandestins. Cette substance gangrène aujourd’hui le Moyen-Orient et inquiète fortement certaines autorités de la région, comme ce fut le cas il y a quelques moins des Saoudiens, venus en visite à l’Institut Marmottan pour tenter de remédier au problème.
Il est en effet intéressant de souligner que la responsabilité des amphétamines est tout à fait compatible avec les actes de violences perpétués par l’Etat Islamique s’apparentant à une folie ou barbarie destructrice. Il y a quelques années, le captagon était principalement utilisé pour son effet coupe faim pour ceux qui voulaient maigrir, mais également par les supporters de football, sur le modèle des Skinheads, qui cherchaient à développer leur violence lors de manifestations sportives. C’est un peu comme Docteur Jekyll et Mister Hyde, en petite dose tout va bien mais c’est avec ce qui arrive ensuite que tout bascule.
Marc Valleur
Marc Valleur est médecin psychiatre, chef de l’hôpital Marmottan à Paris, spécialiste en addictologie ainsi que membre de la Commission interministérielle des stupéfiants et des psychotropes. Il est également l’auteur de nombreux articles scientifiques pour, entre autre, les revue Psychotropes, Revue internationale des toxicomanies et des addictions ; Topique, Revue freudienne, et Etudes, Revue de culture contemporaine, ainsi que co Auteur avec Jean-Claude Matysiak, du livre Les Addictions, paru aux Editions Armand Colin en 2007.
Louise Plun
Louise Plun est étudiante à l’Université Paris Sorbonne (Paris IV). Elle étudie notamment l’histoire du Moyen-Orient au XX eme siècle et suit des cours sur l’analyse du Monde contemporain.
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