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Ce mardi 9 avril, quelque 6,3 millions d’Israéliens sont invités à voter pour élire de nouveaux parlementaires, qui formeront à leur tour un gouvernement. Cette campagne, qui s’est progressivement axée autour d’un clivage pro vs anti Benyamin Netanyahou, a vu émerger de nouvelles figures politiques comme Benny Gantz ou encore Moshe Feiglin. Elle montre aussi une perte de vitesse de la gauche israélienne.
Le chercheur Assaf Sharon, l’un des responsables du centre d’études Molad pour le renouveau de la démocratie israélienne, revient sur les différents courants politiques en présence et analyse les élections législatives du 9 avril pour Les clés du Moyen-Orient.
Cette question se pose pour de nombreux dirigeants à travers le monde, qui ont choisi de développer le même profil d’« homme fort ». Ces dirigeants possèdent toujours une base très solide sur laquelle ils peuvent compter.
C’est bien sûr le cas de Benyamin Netanyahou. Sa base ne le quitte pas, malgré les affaires de corruption. Les électeurs du Likoud (Droite) ne croient pas que ces affaires soient avérées, et même, certains n’y accordent pas d’importance. Par ailleurs, Benyamin Netanyahou sait jouer de son charisme, il sait parler à ses électeurs, créer un récit autour de son projet et de sa personne.
A cela s’ajoute son talent de politique et sa longue expérience en tant que Premier ministre. Se confronter à Benyamin Netanyahou est un obstacle de taille. Benny Gantz (1) (formation “Bleu et blanc”, Centre), nouveau venu dans l’arène politique, a montré que ce challenge pouvait être relevé. Mais cet ancien Chef d’état-major de l’armée israélien a pourtant du mal à s’imposer. Pour gagner les élections, il faut se créer une identité politique et faire face aux sujets sensibles. C’est un défis que le leader de “Bleu et blanc” a eu du mal à relever, particulièrement sur la question du règlement du conflit israélo-palestinien : il a évité le sujet et s’est montré flou sur ses intentions à l’égard des Palestiniens.
Ces 20 dernières années, cette peur de l’engagement politique ferme devient habituelle pour les représentants du centre et du centre gauche. C’est du pain béni pour Benyamin Netanyahou.
Le personnage de Benny Gantz est fascinant. Ancien chef d’état-major, il a attiré les Israéliens qui gravitent autour du centre. Mais son manque de clarté, notamment sur la question du conflit, lui porte préjudice. Ceux qui le connaissent personnellement savent qu’il est favorable à la solution à deux Etats. Sa position est celle d’un politicien classique de centre-gauche. Mais le leader “Bleu et blanc” n’assume pas ces idées. Durant la campagne, il a mis en avant ses atouts en matière de sécurité, de manière radicale. Il s’est par exemple vanté d’avoir tué des gens à Gaza et d’avoir « renvoyé Gaza à l’âge de pierre ». Son objectif est de montrer qu’il est fort, capable de mener une politique sécuritaire ferme, car Benyamin Netanyahou l’accuse de laxisme avec les Palestiniens. Cette stratégie est très classique chez les politiciens de centre-gauche, mais elle ne fonctionne pas.
Ces dernières années, le parti travailliste a tenté de paraître plus à droite qu’il ne l’est réellement. L’actuel dirigeant Avi Gabbay n’échappe pas à la règle. Son manque de mobilisation et d’engagement clair a fait fuir des électeurs. Certains se sont réfugiés vers Benny Gantz. En comparaison aux anciens du Parti travailliste, le leader de “Bleu et Blanc” semble renouveler la classe politique.
C’est principalement la seconde Intifada (2000-2004/2005) qui a amené le centre-gauche à se positionner plus à droite qu’il ne l’est politiquement. Cette période a été un second événement le plus destructeur (après l’assassinat d’Yitshak Rabin en 1995) pour le parti travailliste. Mais la seconde Intifada s’est déroulée au début des années 2000. Le centre-gauche a eu près d’une vingtaine d’années pour se reconstruire, sans succès.
Le Meretz est aujourd’hui un regroupement d’activistes issus de la société civile. Leurs combats sont divers, allant de la légalisation du cannabis, en passant par le droit des LGBT, ou encore le droit des femmes et le droit à exprimer les diversités religieuses. C’est un mélange de nombreuses idées qui ne s’organisent pas autour d’une idéologie forte. Les membres du Meretz n’osent pas entrer dans le jeu politique. Ils n’essayent même pas de gagner. Selon moi, leur campagne a comporté des lacunes. Il y a un problème de leadership dans ce parti. Je ne cible pas les dirigeants, mais plutôt la solidité de l’idéologie de cette formation.
Moshe Feiglin a commencé à émerger il y a une quinzaine d’années. A l’époque, des organismes qui partagent son idéologie apparaissent, grâce à des financeurs américains. Leur but est de promouvoir à la fois la sécurité nationale et une société libertaire. Moshe Feilgin est un mélange de ces idéologies.
Les fondateurs du parti La nouvelle droite, Ayalet Shaked (Ministre de la Justice, Gouvernement Benyamin Netanyahou) et Naftali Bennett (Ministre de l’Education, Gouvernement Benyamin Netanyahou), ne sont pas non plus éloignés de cette idéologie. Mais Moshe Feiglin en est réellement l’incarnation.
Le leader de Zehut dénonce régulièrement la corruption étatique et l’inefficacité des institutions de l’Etat. Ce sont des idées qui attirent autant à gauche qu’à droite. Il aurait réussi à capter des électeurs de centre-gauche, mais selon les dernières enquêtes, la majorité de ses partisans sont issus de la droite radicale.
Ce mélange de sécuritaire et de libertarisme est nouveau en Israël. C’est une idéologie de plus en plus populaire, surtout chez les plus jeunes.
Lire également :
– En lien avec les élections législatives du 9 avril en Israël : retour sur le parti travailliste israélien. Vers la fin d’une époque ? (1/3)
– En lien avec les élections législatives du 9 avril en Israël : retour sur le parti travailliste israélien. Vers la fin d’une époque ? (2/3)
– En lien avec les élections législatives du 9 avril en Israël : retour sur le parti travailliste israélien. Vers la fin d’une époque ? (3/3)
– Elections législatives israéliennes : les partis et les candidats en lice
Note :
(1) Benny Gantz était chef d’état-major pendant l’opération “Bordure Protectrice” qui a entraîné la mort de 66 Israéliens et de plus de 2000 Palestiniens à Gaza.
Assaf Sharon
Le chercheur Assaf Sharon est l’un des responsables du centre d’études Molad pour le renouveau de la démocratie israélienne.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
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