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A la suite des attaques du 14 septembre d’une ampleur sans précédent qui ont dévasté deux grands sites pétroliers d’Arabie saoudite - réduisant la production de l’or noir de 5% - les tensions entre l’Iran et les Etats-Unis sont à leur comble. Si Ryad et Washington ont accusé la République islamique d’Iran d’être à l’origine de ces attaques, les Européens, et en particulier la France, tentent de se poser en médiateur afin de favoriser une désescalade au Moyen-Orient. Analyse de Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
La stratégie de l’Iran a changé depuis fin mai 2019. Le pays, qui respectait pourtant l’accord signé en 2015 sur le nucléaire, a décidé de changer sa stratégie, voyant que les Européens étaient passifs et que les Etats-Unis mettaient en place une politique de pression maximum. Les Iraniens ont considéré qu’ils étaient « perdants » puisqu’ils respectaient l’accord sans percevoir les bénéfices économiques prévus par ce même accord. Ils ont donc décidé de changer les règles du jeu en faisant en sorte que le rapport de force évolue en leur faveur. Les incidents dans le Golfe ainsi que les trois mesures mises en place par l’Iran pour sortir de l’accord (comme l’annonce, début septembre, de la remise en route des centrifugeuses avancées dont la production augmentera le stock d’uranium enrichi produit par le pays, ndlr) illustrent ce changement de stratégie.
Les Etats-Unis n’ont pas l’intention de riposter aux attaques contre les deux grands sites pétroliers saoudiens. En revanche, le changement de stratégie de l’Iran, qui veut établir un rapport de force en sa faveur, l’accroissement des troupes américaines dans le Golfe persique ainsi que le courant de pensée des Etats-Unis, qui défend toujours l’idée que l’Iran est une menace et qu’il faut lui donner une leçon depuis l’affaire des otages (en 1981, 56 diplomates et civils américains ont été retenus en otage par des étudiants iraniens dans l’ambassade des Etats-Unis de Téhéran, ndlr), sont des éléments qui rendent le contexte défavorable. Les observateurs redoutent un incident ou un mauvais calcul qui pourraient conduire à l’intervention de l’un des intervenants, notamment les Etats-Unis. Ce risque motive par ailleurs les efforts de la France pour atténuer les tensions.
Pas vraiment. La situation est de plus en plus tendue depuis les attaques de gisements pétroliers en Arabie saoudite. Officiellement, les Etats-Unis n’ont pas changé de politique et ils ont même accru leurs sanctions envers l’Iran. De leur côté, les autorités iraniennes n’ont pas non plus changé de position et ne le feront pas tant que les sanctions ne sont pas réduites. Ce qui est plutôt rassurant, c’est que le président américain Donald Trump ne veut pas de guerre avec l’Iran, principalement pour des raisons électorales.
C’est un élément important car John Bolton était fondamentalement un « ennemi » de la République islamique d’Iran qui ne rêvait que de changer ce régime. En revanche, c’est tout de même Donald Trump qui prend in fine les décisions, comme on a pu le voir lors de l’attaque contre le drone iranien.
Robert O’Brien est partisan d’une politique extérieure « robuste » mais n’est pas sur une ligne anti-iranienne comme son prédécesseur, habité par une haine envers la République islamique d’Iran.
Depuis qu’ils sont sortis de l’accord, en 2018, les Etats-Unis ont choisi de mettre en place un rapport de force immédiat. Or les Iraniens ne veulent pas discuter avec Donald Trump dans ce rapport défavorable et je ne les imagine pas changer leur fusil d’épaule en acceptant cette stratégie de pression maximum. Ils ne souhaitent pas aller sur le terrain d’une négociation totale.
Les Européens ont effectivement proposé pour l’Iran la mise en place d’une ligne de crédit de 15 milliards de dollars, correspondant à un trimestre de vente de son pétrole. Cette proposition rentre dans le cadre de ce qui est acceptable pour les Iraniens puisqu’ils demandent la suppression ou la baisse des sanctions avant de discuter avec les Etats-Unis. Par contre, il est possible que les deux parties ne soient toujours pas d’accord sur l’objet de ces discussions. Téhéran accepte de discuter avec Washington dans le cadre de l’accord de 2015, c’est-à-dire des 5+1 (cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne). Une telle éventualité est difficile à accepter pour Donald Trump. Ce serait en effet une « défaite » politique puisqu’il montrerait à son électorat qu’il n’a pas été en mesure de mettre fin à ce qu’il avait appelé « le pire accord de l’histoire ». Le président américain souhaite en effet une renégociation complète de l’accord de 2015, et un accord sur la politique régionale de l’Iran et son programme balistique.
Les Européens ont d’abord été incapables de respecter leur parole et de résoudre la crise induite par la sortie des Etats-Unis de l’accord le nucléaire iranien, en mai 2018. Ils ont participé au fait que l’Iran soit obligé de durcir sa stratégie puisqu’ils ont été incapables de s’opposer aux sanctions américaines et ont notamment arrêté d’acheter du pétrole à l’Iran. En revanche, l’Union européenne à trois (France, Royaume-Uni, Allemagne) s’implique désormais avec beaucoup d’activisme pour créer le cadre d’une négociation entre l’Iran et les Etats-Unis. Et c’est grâce aux efforts de médiation français que les contours de cette négociation sont peu à peu apparus.
Thierry Coville
Thierry Coville est chercheur à l’IRIS.
Léa Masseguin
Léa Masseguin est étudiante en Master 2 Gouvernance et Intelligence internationale dans le cadre d’un double diplôme entre Sciences Po Grenoble et l’Université internationale de Rabat. Passionnée à la fois par l’actualité et la diplomatie, elle a travaillé au sein du quotidien libanais L’Orient-Le Jour et à la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à New York. Elle s’intéresse à la région du Proche-Orient, en particulier la Syrie et le Liban.
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