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L’Iran a franchi un nouveau cap dans son désengagement de l’accord de 2015 sur son programme nucléaire, en annonçant lundi 8 juillet avoir enrichi de l’uranium au niveau prohibé de 4,5% en réponse au rétablissement des sanctions américaines. Conclu à Vienne en 2015 entre l’Iran et les puissances du P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne), cet accord international prévoyait une levée progressive et conditionnelle des sanctions économiques contre Téhéran, en échange d’un contrôle sur le programme nucléaire iranien. Mais en mai 2018, le président américain s’est retiré unilatéralement de cet accord, annonçant le « niveau le plus élevé de sanctions économiques possibles » contre l’Iran. Aujourd’hui, le pays est au bord de l’asphyxie et les tensions avec Washington sont à leur comble. Pour Thierry Coville, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Iran, « la situation pourrait dégénérer » à tout moment.
La stratégie iranienne vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien a changé depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord, en mai 2018. Malgré les sanctions économiques réimposées par Washington, Téhéran a continué à respecter l’accord durant un an, tout en continuant à demander de l’aide aux Européens pour contourner les sanctions. Sans réponse de leur part, l’Iran, dans une crise économique profonde, a donc mis en place un nouveau rapport de force même si la situation ne lui est pas très favorable. L’objectif de cette posture plus agressive est double : montrer aux États-Unis que leur politique a un coût et que la passivité de l’UE ne peut plus durer.
L’Iran est l’un des seuls pays à avoir respecté l’accord depuis le début et les Européens en sont conscients. Ils doivent donc prendre les mesures nécessaires vis-à-vis des Américains car l’Iran n’attend pas que des paroles, mais aussi des actes. Les Européens, en particulier l’Allemagne et la France, sont au pied du mur et ont un rôle clé à jouer.
Contrairement au discours narratif des États-Unis, l’Iran est beaucoup moins isolé qu’il y a quarante ans même si ses alliances ont changé. Aujourd’hui, Téhéran peut compter sur l’Irak, le régime de Damas, le Qatar, le Pakistan, l’Inde, ou encore son allié traditionnel chinois, seul pays à lui acheter du pétrole. L’Iran a gagné en crédibilité car il a montré qu’il respectait le droit international, contrairement aux États-Unis.
L’Iran, qui possède près de 100 milliards de dollars de réserves, va essayer de « tenir » jusqu’aux prochaines élections présidentielles américaines. Aujourd’hui, la seule chose qui pourrait faire bouger les choses, c’est que les États-Unis annoncent officiellement une levée des sanctions tout en revenant dans l’accord. A part cela, les Iraniens ne vont pas céder. Il faudrait notamment que les Iraniens voient leurs exportations pétrolières, qui ont reculé de 2,3 millions de barils par jour en 2017 à 400000 en juin 2019, se redresser.
Oui. Donald Trump reste effectivement sur la même ligne et c’est très dangereux.
Pas vraiment. Les Américains voulaient faire la guerre contre l’Irak après les attentats du 11 septembre, ce qui n’est pas le cas avec l’Iran aujourd’hui. En revanche, certains éléments dans l’entourage de Donald Trump sont particulièrement inquiétants. Le Conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, qui a encouragé la guerre contre l’Irak en 2003, ne rêve par exemple que d’une attaque contre l’Iran. Le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo, dont la logique anti-iranienne est absolue, adopte pour sa part une position très « va-en-guerre ». Lors d’une allocution au Congrès, il a d’ailleurs récemment affirmé que l’Iran était allié au groupe Al-Qaïda. Or, selon la loi américaine, il n’y a pas besoin d’autorisation du Congrès pour attaquer un groupe lié à cette organisation terroriste. La stratégie américaine est dangereuse. On commence à préparer la guerre et n’importe quel incident pourrait dégénérer.
Oui. Les radicaux ont de plus en plus de pouvoir, en partie grâce à la stratégie américaine. Le président modéré Hassan Rohani a été élu sur la promesse de sortir son pays de la crise économique et nucléaire, notamment grâce à la négociation. Or, l’économie s’est effondrée et le taux d’inflation dépasse désormais les 40%. Les Etats-Unis ont « piétiné » la stratégie des modérés iraniens qui n’existent plus politiquement. En revanche, les radicaux, qui ont toujours mis en garde contre un piège américain et qui se sont toujours opposés à la signature de l’accord, gagnent en popularité. Les faits leur ont malheureusement donné raison.
Lire également :
Entretien avec Thierry Coville : « Ni les Etats-Unis ni l’Iran n’ont intérêt à débuter une guerre »
Thierry Coville
Thierry Coville est chercheur à l’IRIS.
Léa Masseguin
Léa Masseguin est étudiante en Master 2 Gouvernance et Intelligence internationale dans le cadre d’un double diplôme entre Sciences Po Grenoble et l’Université internationale de Rabat. Passionnée à la fois par l’actualité et la diplomatie, elle a travaillé au sein du quotidien libanais L’Orient-Le Jour et à la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à New York. Elle s’intéresse à la région du Proche-Orient, en particulier la Syrie et le Liban.
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