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Denis Charbit est professeur de sciences politiques à l’Open University d’Israël (Raanana), et spécialiste du sionisme. Il analyse pour Les Clés du Moyen-Orient la victoire de Benyamin Netanyahou aux élections législatives du 9 avril.
Il est rare pour un dirigeant politique d’un pays démocratique de rester populaire et d’augmenter son score aux élections après 10 ans au pouvoir. Plusieurs facteurs expliquent cet exploit. Tout d’abord, Benyamin Netanyahou a maintenu sa base électorale. Le nombre de suffrages que recueille son parti, le Likoud, a légèrement progressé depuis les dernières élections en 2015. Autrement dit, ceux qui ont voté pour lui en 2015 n’ont pas été déçus, ils sont même très satisfaits du bilan de Benyamin Netanyahou, que ce soit sur le plan économique et sécuritaire, mais surtout en matière de politique étrangère. Pour la première fois depuis la Déclaration de principes d’Oslo signés en 1993, un Premier ministre n’a mené aucune négociation avec les Palestiniens durant son mandat. Les dernières se sont déroulées en 2013 et 2014 sous l’impulsion du secrétaire d’Etat américain John Kerry. Pour un électeur du Likoud, favorable au maintien de la présence israélienne en Cisjordanie, l’absence de négociations est vue d’un bon œil. La satisfaction de ces électeurs a été renforcée à la veille des élections, avec la promesse de Benyamin Netanyahou d’annexer les blocs d’implantation en Cisjordanie.
Ces élections sont devenues un plébiscite pour ou contre Benyamin Netanyahou. Les électeurs du Likoud ont préféré la compétence du Premier ministre, son prestige international, à l’inexpérience politique de Benny Gantz. Il faut admettre que peu de chefs de gouvernements, qui plus est d’un petit pays comme Israël, sont capables d’être reçus aussi facilement par le président américain et le président russe qui ont tous deux apporté leur concours pour favoriser la victoire de Netanyahou.
Par ailleurs, Benyamin Netanyahou s’est beaucoup investi dans la campagne, les autres leaders du Likoud étaient en retrait. Il a joué de son charisme auprès de ses électeurs, qui n’imaginent pas voter pour un autre parti et reporter leurs suffrages sur un autre leader. A titre d’exemple, la vie quotidienne des habitants de Sderot, une ville située à proximité de la Bande de Gaza, est régulièrement perturbée par la proximité avec l’enclave palestinienne. Benyamin Netanyahou a obtenu 50 % des voix en dépit de l’insécurité qui y règne depuis 2006 (année du renversement du Fatah par le Hamas). Il n’a pas rétabli la sécurité des habitants de Sderot, mais ces derniers ont majoritairement voté pour lui.
Les affaires de corruption n’ont pas mis à mal sa popularité. Ses électeurs ne leur accordent aucune importance.
Oui, c’est aussi vrai pour Benyamin Netanyahou que pour Benny Gantz. Ils ont tous les deux lancé des appels au secours affirmant qu’ils risquaient de perdre les élections à la veille du scrutin. Ces stratégies ont eu pour conséquence de renforcer ces deux grandes formations, le Likoud d’un côté et le parti Bleu-Blanc de l’autre. Les électeurs ont préféré voter utile, quitte à réduire le nombre de siège obtenu par les petits partis. Benny Gantz a capté de nombreuses voix de centre-gauche, conduisant à l’effondrement du Parti travailliste. Benyamin Netanyahou a capté les voix de petits partis de droite radicale. Une telle polarisation de la vie politique israélienne n’avait pas eu lieu depuis le début des années 1990. C’est une bonne chose pour la stabilité politique du pays : ces dernières années, la force des petits partis a contribué à un important déséquilibre.
Sur le plan économique, les deux formations sont relativement similaires, elles proposent un Etat libéral, qui assure les services sociaux élémentaires.
Les électeurs du parti Bleu-Blanc sont convaincus que pour garantir la pérennité de l’Etat d’Israël comme Etat juif et démocratique, il est nécessaire de se retirer des territoires occupés et d’y créer un Etat palestinien. Ils admettent également qu’il n’y a pas pour le moment de partenaire fiable côté palestinien pour mener des négociations à leur terme. Les Palestiniens sont divisés et il y a un problème de leadership au sein de l’Autorité palestinienne. Le Likoud, quant à lui, s’oppose à la création d’un Etat palestinien. Ses électeurs exigent que l’armée israélienne maintienne sa présence en Cisjordanie et que des implantations juives y soient édifiées, que ce soit pour des raisons politiques ou religieuses, ou pour des raisons stratégiques. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils soient des va-t-en guerre. Malgré ce qu’on dit de lui, Benyamin Netanyahou n’aime pas la guerre. Il n’a mené qu’une opération militaire en dix ans ("Bordure de protection" en 2014). Durant la campagne électorale, des roquettes ont été lancées en direction de Tel-Aviv et le Premier ministre n’a pas réagi. C’est peut-être dû à son histoire de deuil personnelle, avec la mort de son frère aîné au cours d’une opération israélienne contre le détournement d’un avion par un groupe palestinien. Le renouvellement de son mandat arrange le Hamas, car les deux partis se parlent par intermédiaire, s’entendent et se comprennent.
Benyamin Netanyahou est à la fois un idéologue et un pragmatique. Il a des convictions mais il sait que celles-ci ne peuvent être réalisées qu’en fonction d’une conjoncture. Avec Donald Trump comme président américain au pouvoir, il a une occasion inespérée de réaliser cette promesse. C’est une question de timing. Il pourrait prendre des mesures avant les élections américaines de 2020, pour ne pas risquer de se trouver face à un président démocrate hostile à l’annexion.
Dans les prochains mois, Donald Trump devrait présenter son plan de paix, le « Deal du siècle ». Selon moi, Benyamin Netanyahou va convaincre les membres de son cabinet étroit d’accepter ce plan de paix, tout en misant sur un refus des Palestiniens, car les propositions de Donald Trump seront sans doute rejetées par l’Autorité palestinienne. Le Premier ministre israélien pourrait alors jouer sur la frustration et le sentiment d’humiliation de D. Trump face au refus palestinien, puis lui suggérer ensuite d’en profiter pour annexer une partie de la Cisjordanie.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
Denis Charbit
Denis Charbit est professeur de sciences politiques à l’Open University d’Israël (Raanana), et spécialiste du sionisme.
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