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Quatre otages ont été libérés le samedi 8 juin lors d’une opération israélienne à Nousseirat, au centre de la bande de Gaza, durant laquelle plus de 274 Palestiniens, dont des civils, ont été tués selon le Hamas. Les conséquences de cet assaut sont encore floues, mais d’ores et déjà, l’option militaire regagne en légitimité aux yeux des Israéliens.
Par Ines Gil, à Jérusalem
Ce samedi, le sauvetage de quatre otages en vie a constitué une rare source de joie pour la population israélienne. L’unité spéciale antiterroriste de la police israélienne (Yamam), le service de sécurité du Shin Bet et l’armée israélienne ont mené une opération risquée, en pleine journée, à Nousseirat, pour ramener sains et saufs Shlomi Ziv, Noa Argamani, Andrey Kozlov et Almog Meir Jan qui avaient tous été enlevés durant le festival de musique Nova le 7 octobre 2023. En Israël, le symbole est immense, car Noa Argamani, Israélienne de 26 ans dont la vidéo de l’enlèvement le 7 octobre avait massivement circulé, était jusqu’ici le visage des otages kidnappés.
L’armée israélienne est empêtrée depuis plus de huit mois dans un conflit extrêmement meurtrier sans objectif clair, sans porte de sortie politique, et sans victoire militaire réelle contre le Hamas. Dans ce contexte, l’opération de sauvetage de ce samedi a pour effet immédiat de remotiver les troupes israéliennes, qui se battent encore à Rafah, dans la zone du corridor de Netzarim au centre de l’enclave, et dans les camps de réfugiés adjacents. Si les Palestiniens déplorent le nombre de victimes gazaouis dans cette opération, côté israélien, elle est au contraire perçue comme un réel succès militaire. Néanmoins, sur le plan politique, l’effet est plus discutable.
Après l’assaut de samedi, le Premier ministre Benyamin Netanyahou, affaibli auprès de l’opinion publique et régulièrement critiqué pour son manque de dialogue avec les familles des otages, tente de marquer des points. Il a salué dans un communiqué l’action des forces israéliennes, qui « ne cèdent pas face au terrorisme et agissent avec une créativité et un courage sans limite pour ramener [ses] otages à la maison ». Alors même qu’il n’est pas censé participer à des activités publiques le jour de shabbat, il s’est rendu à l’hôpital Sheba, ce samedi, où il a été photographié avec les otages libérés. Malgré tout, le rejet de Benyamin Netanyahou est solidement installé chez une majorité d’Israéliens, surtout depuis l’échec sécuritaire du 7 octobre. Ces dernières semaines, de plus en plus critiqué par la rue israélienne, il est accusé de faire perdurer la guerre dans le but d’éviter l’organisation d’élections, et ce, pour se maintenir au poste de Premier ministre alors qu’il est inquiété par la justice dans plusieurs affaires de corruption. Si des élections étaient organisées aujourd’hui, la coalition gouvernementale menée par le chef du Likoud ne serait pas reconduite. 58% de la population souhaite sa démission immédiate, selon un récent sondage organisé par la chaîne israélienne 12 [1], une tendance difficilement réversible. L’opération de ce samedi aura donc davantage pour effet de renforcer le soutien à l’effort de guerre à Gaza que de booster la popularité du chef du gouvernement.
Dans ce contexte, Benny Gantz, membre du cabinet de guerre depuis le 12 octobre et principal rival de Benyamin Netanyahou, a annoncé son départ de la coalition gouvernementale. Le compte à rebours est lancé pour la tenue d’un prochain scrutin législatif anticipé. Le centriste est en tête dans les sondages successifs.
Durant des manifestations monstres organisées à Tel-Aviv, plus de 100 000 manifestants battent le pavé chaque samedi pour exiger un cessez-le-feu permettant la libération des otages en vie et l’organisation d’élections. Ce samedi encore, dans la soirée, même après le sauvetage des quatre otages, 150 000 Israéliens ont manifesté pour demander un cessez-le-feu. Encore près de 80 otages seraient encore en vie à Gaza [2], les Israéliens ont conscience qu’ils ne pourront certainement pas être sauvés de la même manière. D’autant plus que, suite à l’assaut de ce samedi, le Hamas pourrait renforcer la surveillance des captifs toujours détenus, rendant une telle opération encore plus difficile à réaliser à l’avenir. Pour les manifestants qui exigent la fin des combats, seul un accord de cessez-le-feu pourra garantir le retour d’un maximum d’otages vivants.
Mais l’assaut de ce samedi constitue un coût dur sur le plan politique pour le Hamas, qui pourrait mettre à mal les discussions sur un accord de cessez-le-feu. Début juin, le président américain Joe Biden a proposé un plan incluant notamment un cessez-le-feu avec le retrait des troupes israéliennes de Gaza pendant six semaines, la libération de prisonniers palestiniens détenus par Israël et la libération d’un certain nombre d’otages parmi lesquels des femmes, des personnes âgées et des blessés. Le 3 juin, Benyamin Netanyahou avait jugé le projet « incomplet ». Le Hamas, de son côté, l’avait jugé « positif », mais l’organisation palestinienne n’a pas encore donné de réponse définitive. L’opération de samedi pourrait tendre sa position.
A court terme en Israël, le succès de l’opération de samedi pourrait renforcer l’option militaire. Avec les combats qui continuent, l’espoir d’un retour des otages vivants s’amenuise, et la population civile de Gaza va continuer de payer un lourd tribut. Selon le Hamas, 274 personnes ont été tuées pour libérer les quatre otages israéliens, dont plusieurs dizaines de civils.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
Notes
[1] https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/tv-survey-pro-netanyahu-bloc-rises-but-still-totals-only-50-seats-far-right-back-to-2022-strength/
[2] Source : autorités israéliennes.
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