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Le 22 mai 2017, Donald Trump, président des Etats-Unis nouvellement élu, est arrivé en Israël pour une visite officielle. Organisé dans le cadre d’un tour de la région du Moyen-Orient, c’est le premier déplacement de Donald Trump à l’étranger. Cette visite, durant laquelle il a rencontré le Premier ministre israélien Netanyahou et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, témoigne de sa volonté d’accorder une grande place à la question israélo-palestinienne dans sa politique étrangère. Durant la campagne pour la Présidentielle, son discours avait été jugé fortement pro-israélien. Cependant, depuis son investiture jusqu’à cette visite officielle, Donald Trump a tenu des propos contradictoires sur la résolution du conflit israélo-palestinien. Ces propos posent question sur sa volonté de continuité ou de rupture avec le précédent président Barack Obama.
Au cours de la campagne pour la présidentielle américaine, Donald Trump s’affirme très tôt en rupture par rapport à la politique américaine de Barack Obama en Israël. Il annonce une politique pro-israélienne décomplexée. Déjà durant la campagne présidentielle, le candidat républicain se présente comme un ami d’Israël et de la politique du Premier ministre Netanyahou. Dès septembre 2016, durant une rencontre entre Benyamin Netanyahou et Donald Trump, le candidat républicain affirme que s’il est élu, il reconnaitra Jérusalem comme la capitale unifiée d’Israël (1). Cette déclaration fait polémique, alors même que l’Organisation des Nations unies condamne la décision d’Israël proclamant Jérusalem comme capitale unifiée, selon les résolutions 476 et 478. Ses messages d’amitié envers Israël et la politique de Benyamin Netanyahou laissent penser qu’il soutiendra sans concession l’Etat hébreu une fois élu.
Après son élection en novembre 2016, Trump réaffirme son soutien ferme à Israël. En décembre, l’Assemblée des Nations unies vote la résolution 2334, qui condamne la colonisation israélienne dans les Territoires occupés. Durant le vote, les Etats-Unis - toujours dirigés par Barack Obama - se sont abstenus. Cet acte est vivement critiqué par le Premier ministre Netanyahou et Donald Trump, élu depuis novembre mais pas encore investi. Ce dernier affirme : « cette résolution rendra plus difficile un règlement de paix », indiquant qu’il aurait appelé à voter contre. Il indique également qu’après le 20 janvier - date de son investiture - « les choses seront différentes » (2).
Malgré les critiques de Benyamin Netanyahou envers Barack Obama, l’administration Obama n’a pas mené une politique hostile à l’égard d’Israël durant les huit années de mandat. En compensation au vote de décembre 2016 aux Nations unis, les Etats-Unis ont octroyé une aide militaire sans précédent de 38 milliards d’euros à l’Etat hébreu, étalée sur dix ans. Par ailleurs, Barack Obama est le seul président à avoir systématiquement émis son véto aux résolutions condamnant la politique coloniale d’Israël, depuis 1967. La décision de s’abstenir durant le vote de la résolution 2334 a eu lieu suite à la décision de Benyamin Netanyahou de légaliser de nouvelles colonisations, dont la controversée Amona, sans concertation préalable avec Barack Obama. Le président américain aurait donc répondu au manque de dialogue de Netanyahou en s’abstenant.
Même si Trump se présente comme une rupture radicale avec la politique d’Obama, les deux présidents convergent sur l’amitié et le soutien historique des Etats-Unis à Israël. Le changement est plus remarquable sur la communication de Trump, faite de symbole pro-israéliens et même pro-colonisation, et sur quelques éléments de la politique étrangère que Trump est en train de construire.
Dès son investiture, Donald Trump multiplie les symboles pro-Israël et même pro-colonisation, mettant ainsi en évidence que sa communication est résolument en rupture avec celle d’Obama. A son investiture, il invite des représentants des colons à assister à l’événement. Une fois investi, Donald Trump nomme David Friedman ambassadeur des Etats-Unis en Israël. Ce dernier est Président d’honneur de la colonie Beit-El et il défend résolument la politique de colonisation d’Israël en Cisjordanie. Les messages d’amitié envers Israël et sa politique de colonisation s’expliquent en partie par le poids de certains conseillers de Trump sur la question israélo-palestinienne durant la campagne. Parmi eux, David Friedman, Steve Bannon, ou encore Jason Greenblatt.
Cependant, à l’épreuve du pouvoir, Donald Trump remet en cause certaines de ses promesses et semble construire une politique moins idéologique et plus rationnelle à l’égard de la question israélo-palestinienne.
Le 20 janvier 2017, jour de l’investiture du nouveau président, Israël annonce la construction de 6000 nouveaux logements en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Dix jours plus tard, début février, Donald Trump crée la surprise en condamnant l’expansion des colonies au-delà des blocs d’implantation déjà existants et la création de nouvelles colonies (3). Ce communiqué rappelle la politique américaine « up and in » utilisée par George W. Bush avec le Premier ministre israélien Ariel Sharon. Celle-ci consistait à accepter la construction de logements à l’intérieur des colonies existantes, tout en condamnant la création de nouvelles colonies et à l’expansion des colonies au-delà de leurs délimitations. Cette stratégie permet à Donald Trump de conserver son soutien à la politique de Benyamin Netanyahou, tout en restant un interlocuteur légitime aux yeux des Palestiniens en cas de négociations avec les Israéliens.
Par ailleurs, malgré la promesse faite durant sa campagne présidentielle, Donald Trump n’a pas déménagé l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem et ne montre pas de signes d’un futur déménagement. En 1995, une loi américaine est votée, le Jerusalem Embassy Act, ayant pour objectif d’initier le déménagement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Cependant, une clause dérogatoire permet au président américain de repousser le déménagement pour raison de sureté de l’Etat. Ainsi, l’application de cette loi est constamment repoussée par les présidents Clinton, Bush, Obama, et maintenant Trump. La dérogation du président se fait tous les six mois. C’est début juin 2017 que Donald Trump a émis son opposition à l’application du Jerusalem Embassy Act, affirmant qu’elle minimiserait « les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens » (4), mais annonçant qu’il procèdera à ce déménagement dans le futur. Donald Trump peut ainsi gagner du temps sur l’application du Jerusalem Embassy Act, tout en ne procédant pas à ce déménagement contesté.
Par ailleurs, lors de sa visite en Israël, après s’être rendu au Saint-Sépulcre, le président américain a été au mur des lamentations, le plus haut lieu saint dans le judaïsme. C’est le premier président américain à s’y rendre dans ses fonctions. Ce geste symbolique a été interprété comme un message d’ouverture envers les Israéliens. Cependant, il n’était accompagné d’aucun dirigeant israélien, ce qui permet, malgré le geste, de préserver le flou sur le statut de Jérusalem Est. Le mur des lamentations se trouve en effet dans la partie Est de Jérusalem, revendiquée par les Palestiniens et les Israéliens, et reconnue en droit international comme territoire palestinien occupé par Israël.
Annoncé comme pro-israélien sans concession, Donald Trump semble donc mettre certains freins à ses propositions contestées. Peut-on pour autant parler d’une remise en cause de sa vision des relations israélo-américaines, marquée par le soutien indéfectible des Américains envers les Israéliens ? Pas nécessairement, car la condamnation de construction de nouvelles colonies est aussi bénéfique pour Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien est actuellement poussé par l’extrême droite, sans laquelle il ne pourrait gouverner, pour étendre la colonisation. Il a besoin de la pression des Etats-Unis pour freiner les ambitions de cette extrême droite, qui représenterait une menace politique en cas d’expansion trop importante des colonies. Un appel à freiner la colonisation, surtout venant de Donald Trump, classé comme grand ami de la droite israélienne, est d’autant plus bénéfique pour le dirigeant israélien (5).
Les apparentes contradictions du nouveau président révèlent aussi le flou actuel régnant à Washington concernant le conflit israélo-palestinien. Sur le plan des négociations entre Israéliens et Palestiniens, Donald Trump n’a pas défini clairement les composantes de sa politique pour le moment. Il a admis la possibilité d’une solution à un Etat ou deux Etats, tant qu’Israéliens et Palestiniens se mettent d’accord. Ce flou peut être synonyme d’une volonté de se retirer du rôle historique d’arbitre entre Israéliens et Palestiniens, ou encore d’une politique étrangère encore en cours de construction. Actuellement, Donald Trump semble avoir une vision plus globale pour l’amélioration des relations entre Israéliens et Palestiniens.
En choisissant le Moyen-Orient pour son premier déplacement officiel, la politique étrangère de Donald Trump semble résonner avec celle de l’ancien président Barack Obama au début de son mandat. Cependant, si Obama avait choisi l’Egypte, pour s’adresser à tous les musulmans et annoncer les changements dans la politique américaine, Donald Trump, au contraire, place Israël et les Etats sunnites au centre de sa politique moyen-orientale, et désigne ses ennemis qui sont l’Etat islamique, l’Iran et les acteurs associés (6).
Sur le plan des relations entre Israéliens et Palestiniens, et concernant la politique israélienne de colonisation, Trump semble revenir sur ses promesses, ou du moins montrer un soutien plus mesuré que celui annoncé au gouvernement Netanyahou. Sur le fond, Donald Trump ne marque pas un changement aussi ferme que celui qu’il avait annoncé. C’est sur le plan régional qu’il souhaite marquer une rupture plus forte avec Obama. Le président Trump a multiplié les messages hostiles à l’encontre de l’Iran contrastant avec l’ère Obama de l’arrêt des sanctions sur Téhéran. Par ailleurs, le Sénat américain a récemment voté une loi imposant de nouvelles sanctions à l’Iran concernant notamment le programme balistique du pays (7). L’hostilité envers l’Iran est bénéfique pour Israël, mais aussi l’Arabie saoudite, que Trump a pour ambition de rapprocher en développant une politique pro Etat-sunnites et pro-Israël.
Durant sa campagne pour la Présidentielle, les déclarations d’amitié avec Israël, et l’acceptation de la politique coloniale de l’Etat hébreu de Donald Trump laissaient présager la mise en place d’une politique pro-israélienne sans nuance. Cependant, au lendemain de son investiture, le communiqué du nouveau président américain condamnant l’expansion des colonies israéliennes, ainsi que le report du déménagement de l’ambassade américaine révèlent une politique plus mesurée. Concernant le conflit israélo-palestinien, le président reste pour l’instant flou. Il semble compter sur une solution plus régionale avec la construction d’un axe Etats sunnites et Etat hébreu. Il doit cependant rester vigilant dans sa communication vis-à-vis d’Israël, la politique de colonisation étant sensible dans les pays arabes. Même si sa politique semble être en construction, il semble qu’une vision se dessine actuellement : rapprocher les Etats arabes sunnites et Israël, et donc Israël et les Palestiniens.
A lire sur ce thème sur Les clés du Moyen-Orient :
Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (1/2)
Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (2/2)
Entretien avec Bertrand Badie – La politique américaine au Moyen-Orient sous la présidence Obama
Historique des négociations sur les colonies en Cisjordanie (1/2)
Historique des négociations sur les colonies en Cisjordanie (2/2)
Les implantations israéliennes en Cisjordanie (2) : histoire d’une colonisation depuis 1967
Les colonies israéliennes en Cisjordanie (3) : approche multiscalaire des stratégies territoriales
Histoire des relations israélo-américaines
La Cisjordanie au XXe siècle – partie I : De la fin du XIXe siècle à 1967
Jérusalem, une ville divisée chargée de symboles
Notes :
(1) WILNER Michael, KEINON Herb, LAZAROFF Tovah, « Trump to Netanyahu : I will recognize Jerusalem as Israel’s united capital », Jerusalem Post, Le 25 septembre 2017, consulté le 15 juillet 2017, URL : http://www.jpost.com/Israel-News/Politics-And-Diplomacy/Netanyahu-meets-with-Trump-in-New-York-468662
(2) RAVID Barack & KRUPKIN Taly, « Trump on security council vote : ‘things will be different after Jan. 20’ », Haaretz, Le 23 décembre 2016, consulté le 17 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.haaretz.com/israel-news/1.760992
(3) TIBON Amir, « Settlements and the ‘The Ultimate deal’ : Trump’s surprizing statement on Israel in context », Haaretz, Le 3 février 2017, consulté le 16 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.haaretz.com/us-news/.premium-1.769430
(4) BEAUMONT Peter, « Trump waives law requiring US to move embassy to Jerusalem », The guardian, Le 1er juin 2017, consulté le 16 juillet 2017 (en ligne), URL : https://www.theguardian.com/us-news/2017/jun/01/trump-waives-law-requiring-us-to-move-embassy-to-jerusalem
(5) SHAPIRO Daniel, « Trump sounds like Obama on Israeli settlements », Foreign Policy, le 3 février 2017, consulté le 16 juillet 2017 (en ligne), URL : http://foreignpolicy.com/2017/02/03/trump-sounds-like-obama-on-israeli-settlements/
(6) MAKOVSKY David, « Trump builds rapport in Israel ; policies to come ? », The Washington Institute, le 23 mai 2017, consulté le 16 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/trump-builds-rapport-in-israel-policies-to-c ome
(7) « Tir de missiles en Syrie : un ‘message’ de l’Iran à ses ennemis », La Croix, Le 19 juin 2017, consulté le 1er juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.la-croix.com/Monde/Tir-missiles-Syrie-message-Iran-ennemis-2017-06-19-1300856103
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
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