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Le lundi 24 février 2014, le gouvernement égyptien a démissionné. Le gouvernement était à la tête du pays depuis le 3 juillet 2013, date à laquelle Mohammed Morsi a été renversé par l’armée égyptienne.
On lui reprochait majoritairement une dérive dictatoriale et une tendance à servir les intérêts de son propre parti les Frères musulmans. Suite à la destitution du président Morsi, un gouvernement provisoire a été nommé avec Adli Mansour comme président de la République par intérim, et Hazem El-Beblawi comme Premier ministre. L’objectif de ce gouvernement était d’organiser la transition démocratique de l’Egypte. Ainsi, une nouvelle constitution a été rédigée et adoptée à 98,1% des voix les 14 et 15 janvier 2014 et l’élection présidentielle devrait avoir lieu d’ici la mi-avril 2014.
Le Premier ministre du gouvernement égyptien, Hazem El-Beblawi, est apparu à la télévision d’Etat afin d’annoncer la démission de son gouvernement. La nouvelle a semblé surprenante en Egypte. Le porte-parole du gouvernement, Hani Salah, a expliqué que cette démission a été motivée par le sentiment qu’il fallait « du sang neuf » au sein du gouvernement. Le contexte social et les attentats [1] qui ont touché l’Egypte ces derniers temps pourraient également expliquer cette démission.
Un nouveau gouvernement a toutefois été rapidement constitué. En effet, samedi 1er mars 2014, celui-ci, réuni autour du Premier ministre Ibrahim Mahlab, a prêté serment. Ibrahim Mahlab, ancien cadre du parti d’Hosni Moubarak renversé en 2011, a été désigné dès le lendemain de la démission d’Hazem El-Beblawi pour composer ce nouveau gouvernement. Il est lui-même issu du gouvernement d’El-Beblawi dans lequel il était ministre du Logement. Le gouvernement actuel est composé de 31 ministres, dont un tiers ne faisait pas partie de l’ancien gouvernement. Hormis les ministères des Finances et de la Guerre, les nouveaux ministres occupent des postes secondaires. Ce gouvernement comprend des femmes (quatre femmes sont ministres, dont la ministre de l’information Doreya Charaf Aldin), et trois chrétiens.
Le nouveau gouvernement sera chargé d’organiser les élections présidentielles. Si le calendrier n’est pas encore connu, celles-ci auront probablement lieu autour de la mi-avril. Au-delà de la transition démocratique, les défis du nouveau gouvernement sont nombreux : l’économie égyptienne a besoin d’être redressée et la population rassurée. A cet effet, le Premier ministre a fortement insisté, lors de son premier discours, sur l’aspect sécuritaire que prendra son gouvernement, déclarant : « La première priorité est d’imposer la sécurité, de combattre fermement le terrorisme avec tous les outils légaux, de faire revenir la stabilité et de sécuriser les rues pour protéger les Egyptiens, dans le respect des droits de l’Homme et de la démocratie ». Néanmoins, les analystes politiques doutent de la capacité du gouvernement à relever ces défis, en raison des hésitations d’Ibrahim Mahlab lors de la composition de son gouvernement (il en a en effet plusieurs fois modifié la composition) ; en raison également du peu de changement au sein de celui-ci.
Le maréchal Abdul Fatah Khalil Al-Sissi fait figure d’homme fort en Egypte depuis la destitution de Mohammed Morsi, premier président élu démocratiquement. Sa popularité est très grande en Egypte, et, depuis le mois de juillet 2013, de nombreux égyptiens espéraient l’annonce de sa candidature aux élections présidentielles. Le succès électoral du vote de la constitution a conforté la position de force d’Al-Sissi, celui-ci ayant milité en faveur du « oui ». Toutefois, Al-Sissi n’a pas annoncé sa candidature à cette occasion. Ainsi, le maintien d’Al-Sissi comme ministre de la Guerre – poste qu’il occupait déjà dans le précédent gouvernement – a suscité l’étonnement des Egyptiens, qui pensaient qu’Al-Sissi profiterait de la victoire du « oui » pour annoncer sa candidature. D’après les analystes politiques, celui-ci attendrait que la nouvelle loi qui déterminera les modalités de l’élection présidentielle soit votée avant de se présenter officiellement. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait qu’Al-Sissi est militaire de carrière. Pour se présenter aux présidentielles, Al-Sissi devra donc quitter le gouvernement : en Egypte, un militaire ne peut se présenter à une élection, à moins de démissionner de l’armée ou de prendre sa retraite militaire. Toutefois, au mois de février 2014, des rumeurs, appuyées sur des propos du maréchal, annonçaient la candidature d’Al-Sissi. Mais celui-ci a affirmé que ses propos avaient été mal interprétés. C’est pourquoi il faut sans doute prendre avec une certaine précaution l’évocation par le maréchal Al-Sissi de son éventuelle candidature aux élections lorsqu’il affirme le 4 mars 2014 : « je ne peux pas tourner le dos, alors que la majorité des Egyptiens me demande d’être candidat à la présidentielle ». Si cette déclaration ne cache pas sa volonté de se présenter, elle n’en demeure pas moins une allusion à l’élection et non une annonce à caractère officiel.
Pour le moment, seul le chef du courant populaire Hamdin Sabahi, a annoncé son souhait de se présenter aux élections présidentielles. Celui-ci s’était déjà porté candidat en 2012 et avait terminé troisième de l’élection, emportée par Mohammed Morsi.
Ainsi, la démission du gouvernement égyptien le 24 février 2014 n’a pas modifié en profondeur le paysage politique égyptien. Le nouveau gouvernement est composé d’anciens ministres du précédent, en grande majorité. La présence du maréchal Al-Sissi, homme fort du pays depuis la destitution de Mohammed Morsi en juillet 2013, au sein du gouvernement, tend à reporter l’annonce officielle de sa candidature aux élections présidentielles qui se tiendront au printemps 2014. Malgré les rumeurs et les références directes à la présidentielle dans les discours d’Al-Sissi, celui-ci n’a toujours par posé officiellement sa candidature. Pour ce faire, il doit auparavant démissionner de son poste de ministre de la Guerre mais aussi quitter l’armée. La transition démocratique de l’Egypte devrait se poursuivre avec le nouveau gouvernement mené par le Premier ministre Ibrahim Mahlab. Cela passera par la tenue des élections présidentielles – dont les modalités restent à déterminer, notamment au travers d’une nouvelle loi qui devrait être rédigée et votée dans les prochaines semaines – mais aussi par des élections législatives, qui se dérouleront après les présidentielles. L’Egypte, qui possède déjà une nouvelle constitution, se verrait alors dotée d’un appareil politique complet et définitif.
Emilie Polak
Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.
Notes
[1] D’après Amnesty International, depuis la destitution du président Mohammed Morsi, il y aurait eu quelques 1400 morts dans des attentats, la plupart ayant été revendiqué par le groupe Ansar Beit al-Maqdess.
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