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Par Lisa Romeo
Publié le 11/09/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

Le développement du mouvement sioniste

Le but du sionisme est de redonner un Etat pour le peuple Juif dispersé dans le monde. Les théories sionistes prennent un réel essor et une dimension internationale avec l’action de Théodore Herzl (1860-1904) à la fin du XIXe siècle : Il organise en 1897 à Bâle un premier Congrès sioniste qui donne naissance à l’Organisation Sioniste Mondiale. L’Organisation se fixe alors deux objectifs : obtenir, dans un premier temps, l’appui des Puissances et des garanties juridiques pour l’établissement d’un Etat juif en Palestine et, dans un second temps, de favoriser et d’accélérer l’immigration en masse de Juifs dans la région.

Pour Herzl, il est essentiel d’assurer une certaine légalité. Il multiplie donc les contacts diplomatiques. Il forme le groupe des sionistes « politiques », qui s’oppose aux sionistes dit « pratiques », et qui cherche à inciter à l’immigration malgré les restrictions ottomanes. On compte ainsi à la veille de la Première Guerre mondiale environ 80 000 Juifs et une cinquantaine de colonies agricoles en Palestine. La ville de Tel Aviv, « la Colline du printemps » est créée. Il faut toutefois rappeler que le sionisme compte seulement 130 000 adhérents sur douze millions de Juifs dans le monde. Cependant, de nombreuses personnalités influentes adhèrent au mouvement et diffusent le sionisme dans toute l’Europe et aux Etats-Unis.

Le mouvement prend toujours plus d’importance et la communauté juive devient un élément non négligeable pour les Puissances qui entrent dans le premier conflit mondial en 1914. Lorsque l’Empire ottoman entre en guerre au mois de novembre de la même année contre la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie) aux côtés des empires centraux allemand et austro-hongrois, l’Organisation sioniste voit dans une éventuelle défaite ottomane une possibilité d’accélérer l’implantation des Juifs en Palestine.

L’intérêt de la Grande-Bretagne à s’engager aux côtés des sionistes

Bien que les raisons qui poussent le gouvernement britannique à répondre aux aspirations sionistes en 1917 soient multiples, deux arguments sont généralement avancés. Tout d’abord, dans ce contexte de guerre, le gouvernement britannique considère que le sionisme et la communauté juive peuvent constituer un atout de poids. Alors que l’Allemagne se montre favorable à l’émancipation des populations juives et assure une certaine protection aux Juifs de Palestine, la communauté juive américaine éprouve plus de sympathie pour les forces de la Triple Alliance (Allemagne, Empire austro-hongrois et Italie) et entretient de nombreuses relations avec les puissances centrales. Ainsi les milieux banquiers américains juifs refusent-ils d’accorder aux pays de la Triple-Entende les crédits et les financements nécessaires pour le développement de leurs armées. La Grande-Bretagne cherche à canaliser à son profit les aspirations sionistes et à s’assurer le soutien des Juifs de Palestine lors de ses campagnes militaires contre l’armée ottomane dans la région.

L’année 1917 est également marquée par une période révolutionnaire en Russie, les bolchéviques prennent définitivement le pouvoir en octobre. Selon la Grande-Bretagne, les Juifs russes ont joué un rôle essentiel. Il s’agit alors de les convaincre de rester dans la guerre pour maintenir le front oriental et éviter ainsi que l’essentiel des forces allemandes se concentrent sur l’ouest.

Par ailleurs, la Grande-Bretagne désire protéger la route des Indes et donc la zone du canal de Suez. Elle cherche alors à contrôler le nord-est de l’Egypte. Mais cette région est aussi convoitée par la France : elle la considère en effet comme faisant partie de la Syrie avec laquelle elle entretient de nombreuses relations. Le contrôle des Lieux Saints est aussi ambitionné par l’Italie et la Russie. Des négociations sont organisées entre le Britannique Mark Sykes et le Français François Georges-Picot sur l’avenir des provinces ottomanes. L’accord Sykes-Picot délimite leur zone d’influence. La Palestine serait ainsi placée sous régime international. La Grande-Bretagne considère alors que la reconnaissance d’un « foyer national juif » pourrait servir à assurer ses intérêts dans le Moyen-Orient et rendrait légitime ses revendications sur la Palestine. Toutes ces raisons incitent donc le gouvernement à faire preuve de bonne volonté face aux aspirations sionistes.

Les négociations entre les sionistes et la Grande-Bretagne

Le chimiste naturalisé Anglais Chaïm Weizman devient en 1914 le vice-président de la Fédération sioniste de Grande-Bretagne. Il comprend l’intérêt pour le sionisme de s’adapter aux visées britanniques au Moyen-Orient. Il entreprend alors avec Nahum Sokolov, principal dirigeant sioniste, des négociations avec les différents représentants du gouvernement. Secrétaire adjoint au cabinet de Guerre, Sykes se montre notamment très favorable à un rapprochement avec l’Organisation sioniste.

En juillet 1917, Arthur Balfour, ministre des Affaires étrangères britannique, rencontre Lord Rothschild et Weizman et leur propose, le 13 juillet, de rédiger une déclaration qu’il soumettrait au gouvernement. Une première version est proposée par le journaliste sioniste Harry Sacher à Sokolov. Elle fait clairement référence à un Etat juif mais ce dernier juge cette déclaration inacceptable et préfère mentionner la formation d’un Foyer juif. Chaque mot est alors minutieusement choisi. Après cinq versions, Balfour demande finalement officiellement à Lord Rothschild de transmettre à la Fédération sioniste les propos suivant :

« le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorable l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine, ainsi qu’aux droits et au statut politique dont les Juifs pourraient jouir dans tout autre pays ».

C’est ainsi qu’en une phrase, la Grande-Bretagne s’engage à la formation d’un Foyer juif en Palestine. C’est une grande victoire pour le sionisme. Même si le texte fait allusion à un Foyer national (terme qui n’a pas de définition juridique précise), c’est bien à un Etat juif qu’aspirent sur le long terme les sionistes. On constate également que la Palestine ne fait pas référence à une aire géographique précise en 1917. Les Arabes sont ici désignés en tant que « communautés non juives » et n’obtiennent pas de reconnaissance politique, contrairement aux Juifs.

Réactions internationales à la déclaration

La déclaration est rendue publique par la presse britannique à partir du 9 novembre. Sans surprise, le monde musulman, et plus particulièrement syrien et égyptien, y est immédiatement hostile et craint que les Juifs s’emparent de Jérusalem. La France fait savoir officiellement à Sokolov le 14 février 1918 qu’elle s’aligne sur les positions britanniques. L’Italie se montre également prête à soutenir l’installation d’un « centre national israélite » en Palestine mais rajoute qu’il est pour cela nécessaire de respecter les droits politiques des communautés non juives. Le président américain Wilson préfère quant à lui ne pas se prononcer.

La déclaration Balfour est donc un des documents diplomatiques les plus importants de l’histoire du Moyen-Orient au XXe siècle. Elle constitue une grande avancée pour le sionisme politique qui obtient ainsi une garantie juridique internationale qui lui servira à légitimer 30 ans plus tard la création de l’Etat Hébreu. Cependant, la Grande-Bretagne ne néglige pas les Arabes. En effet, en 1917, les populations juives de Palestine sont très minoritaires. Elle promet donc parallèlement au Chérif de la Mecque Hussein la création d’un royaume arabe. Ces promesses contradictoires ne l’empêcheront pas de mettre en place un mandat sur la Palestine en 1920 lors de la conférence de San Remo. La rancœur et l’inquiétude des populations arabes se fait alors sentir. Les affrontements violents entre les Juifs et les Arabes commencent.

Bibliographie :
Jean-Pierre Alem, 1917, La Déclaration Balfour, aux sources de l’Etat d’Israël, Bruxelles, Editions Complexes, 1982.
Claude Brzozowski, Du Foyer national juif à l’Etat d’Israël, analyse d’une spoliation, Paris, L’Harmattan, 2001.
Henry Laurens, La Question de Palestine, tome premier, 1799-1922, L’invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999.

Publié le 11/09/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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