Appel aux dons vendredi 29 mars 2024



https://www.lesclesdumoyenorient.com/3117



Décryptage de l'actualité au Moyen-Orient

Plus de 3000 articles publiés depuis juin 2010

jeudi 28 mars 2024
inscription nl


Accueil / Actualités / Analyses de l’actualité

Coronavirus : la peur gagne Israël

Par Ines Gil
Publié le 09/03/2020 • modifié le 09/03/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

Pilgrims wearing protective masks seen inside the Church of the Holy Sepulchre in Jerusalem Old city. 21 Israelis have so far tested positive for coronavirus, known as COVID-19 ; thousands have been placed in isolation. Nine more people have been diagnosed in the West Bank city of Bethlehem, bringing the total of diagnoses in the city to 16. On Friday, March 6, 2020, in Jerusalem, Israel.

Artur Widak / NurPhoto / AFP

Le principe de précaution

Aux prémices de la crise, les Israéliens ont observé l’épidémie de loin, voyant le virus se propager un peu partout dans le monde sans compter de cas. Mais la peur est montée crescendo en peu de jours dans l’Etat hébreu.

Fin février 2020, l’entrée d’individus (Israéliens et touristes) ayant contracté le virus à l’étranger a créé la panique. Les premières mesures de précaution ont été prises avec l’interdiction pour de nombreux voyageurs en provenance de pays asiatiques de poser le pied sur le territoire israélien. Au total, une trentaine d’Israéliens ont aujourd’hui contracté le virus, mais aucun mort n’est à déplorer. Le nombre est certes limité, mais l’Etat israélien a pris des mesures drastiques pour contenir l’épidémie. Environ 100 000 personnes ont été placées en quarantaine, assignées à résidence dans leur foyer. Le mercredi 4 mars, le gouvernement a franchi un nouveau pas en renforçant les restrictions à l’entrée du territoire. Tous les voyageurs en provenance de France, d’Espagne, de Suisse, d’Allemagne et d’Autriche sont désormais interdits d’entrée en Israël, sauf les citoyens ou résidents israéliens, qui doivent respecter une période de deux semaines en quarantaine. La mise en quarantaine de tous les Israéliens de retour dans le pays est également en discussion le dimanche 8 mars.

Pour certains analystes, la gestion maîtrisée de la crise sanitaire par Benyamin Netanyahou peut être liée au contexte politique. Selon le professeur de science politique à l’Open University d’Israël Denis Charbit, « dans la situation de crise apparue avec le coronavirus, Benyamin Netanyahou a multiplié les déclarations pour démontrer qu’il tenait les choses bien en main. Or, en Israël, un leader n’est tel que s’il assure aux électeurs que tous les moyens sont pris pour endiguer la menace ».

La coordination avec les Palestiniens

Selon le quotidien israélien Haaretz, la gestion du Coronavirus a eu « pour mérite de faire baisser les tensions régionales », pourtant très vives en ce début d’année 2020. Le jeudi 5 mars, une rencontre a été organisée entre les autorités israéliennes et l’Autorité palestinienne (AP) pour travailler conjointement afin d’éviter une propagation de l’épidémie. Les relations israélo-palestiniennes s’étaient pourtant remarquablement dégradées fin janvier, sous fond de dévoilement du plan Trump pour la paix.

Les passages de Palestiniens (travailleurs, pèlerins ou visiteurs) mais aussi de touristes internationaux sont fréquents entre la Cisjordanie et Israël. La semaine du 2 mars, les premiers cas de Coronavirus sont apparus dans le Territoire palestinien. Les employés d’un hôtel à Bethléem l’ont contracté après être entrés en contact avec des touristes grecs porteur du virus (1). Bethléem, aujourd’hui cité fantôme, a été fermée aux touristes, qui affluent pourtant chaque semaine dans cette cité considérée comme sainte dans le christianisme. Tout comme Israël, l’Autorité palestinienne a déclaré l’état d’urgence en Cisjordanie, avec la fermeture des écoles pour 30 jours et la limitation des déplacements entre les villes. Des kits médicaux ont été fournis aux Palestiniens, et des formations médicales ont été organisées conjointement entre l’AP et Israël.

Pour l’instant, le virus n’est pas entré dans la très isolée Bande de Gaza (2), privée de touristes. Mais le risque n’est pas inexistant. Début mars, dans le cadre d’un accord passé entre le Hamas au pouvoir et Israël, 7 000 permis de travail ont été accordés aux Gazaouis, en plus des permis déjà existants (3). Bien que limités, les allers-retours entre la bande côtière et Israël ne sont donc pas nuls. Si le virus entre dans ces terres d’une quarantaine de kilomètres sur 10, il sera difficile à contenir. Avec près de 6 000 habitants au km2, la Bande de Gaza est un des territoires les plus densément peuplé au monde. Le système de santé sous perfusion aurait de lourdes difficultés à gérer l’épidémie sans une aide internationale.

Le tourisme mis à mal

Les restrictions à l’encontre des citoyens européens interviennent un mois avant les fêtes de Pâque (juive comme chrétienne). La période d’avril, temps fort du tourisme en Israël, voit des milliers de fidèles affluer chaque année. Le gouvernement israélien pourrait donc chercher à contenir au maximum la propagation du virus avant l’ouverture de la saison. La semaine dernière, Benyamin Netanyahou a invité les dirigeants du monde entier à organiser un échange sur la gestion de la crise sanitaire.

Une dizaine de jours après le début de la crise, les pertes sont déjà visibles dans le secteur du tourisme et de l’aviation. La compagnie aérienne El Al a estimé le coût financier de 50 à 70 millions de dollars pour la période de janvier à avril. Elle a déjà pris des mesures drastiques pour combler les pertes : un millier d’employés devraient être licenciés et le salaire des dirigeants a été réduit de 20% (4). Cette semaine, le ministère israélien des Finances a assuré que le Coronavirus a déjà coûté un milliard de shekels à l’Etat. Si la crise n’est pas prochainement endiguée, l’Etat hébreu pourrait enregistrer une perte de 12 milliards de shekels, soit 1% du produit intérieur brut du pays (5).

Mais pour les Israéliens, imprégnés d’un intense esprit sécuritaire, la maîtrise de la crise sanitaire est plus importante que les retombées économiques négatives. D’autant plus que ce petit pays jouit d’une « culture organisationnelle forte » (6) et le virus y est plus aisément contenable. Selon la presse locale, une start-up israélienne serait sur la bonne voie pour trouver un vaccin contre le Coronavirus (7). La course contre la montre est donc engagée pour cet Etat, qui compte malgré tout sur l’afflux des touristes étrangers pour les fêtes de Pâque.

Notes :
(1) https://www.jpost.com/Arab-Israeli-Conflict/Israelis-Palestinians-unite-to-fight-coronavirus-620067
(2) La bande de Gaza est toujours soumise à un blocus drastique d’Israël et de l’Egypte
(3) https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2020/02/isreal-issues-work-permits-gaza-merchants-understandings.html
(4) https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-se-barricade-contre-le-coronavirus-1182051
(5) https://fr.timesofisrael.com/le-coronavirus-a-deja-coute-un-milliard-de-shekels-ministere-des-finances/
(6) https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-israeli-with-coronavirus-in-severe-condition-israel-may-quarantine-some-u-s-arrivals-1.8638322
(7) https://video.i24news.tv/details/_6127573755001?lang=fr

Publié le 09/03/2020


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


Diplomatie

Israël

Politique