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Conseil Suprême des Forces Armées : les généraux au pouvoir en Egypte pendant la période de transition

Par Sophie Anmuth
Publié le 06/12/2011 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Le rôle politique du Conseil

Le Conseil militaire dispose du pouvoir exécutif bien plus que le gouvernement lui-même, il peut nommer et révoquer les membres du gouvernement. Il dispose également du pouvoir législatif. Ces pouvoirs lui ont été remis à la suite de la déclaration constitutionnelle publiée fin mars, après le référendum qui a massivement approuvé les propositions alors faites par le CSFA. Le Conseil peut également, en vertu de la loi d’état d’urgence, traduire des civils devant les tribunaux militaires et possède donc une grande partie du pouvoir judiciaire.
Le fonctionnement du CSFA est opaque. Comme l’analyse Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France, « on ignore si les décisions sont prises à l’issue d’un vote. Le maréchal Hussein Tantaoui, 75 ans, qui dirige le CSFA, est le plus âgé. Or l’ancienneté dans l’armée est primordiale. Comme on dit qu’il y a des militaires qui lui doivent leur poste, on en déduit qu’ils se rangent à son avis » [2] Aujourd’hui, il apparaît que l’armée soustrait son budget et ses affaires internes à tout contrôle parlementaire, comme tendent à le prouver les principes supra-constitutionnels proposés dernièrement.

Le maréchal Tantawi

Agé de 76 ans, militaire, il fut l’homme de confiance de Hosni Moubarak : d’abord chef de la garde présidentielle, il fut son ministre de la Défense pendant vingt ans. Sa carrière militaire lui a valu de nombreuses décorations lors des guerres de 1956, 1967 et 1973. Pendant le soulèvement de février 2011, Hosni Moubarak l’avait d’abord nommé vice-président. Le 11 février, il devient le chef du CSFA. Fin septembre, le maréchal Tantawi s’est montré en costume civil dans le centre-ville du Caire, laissant penser qu’il avait des ambitions présidentielles. Il a démenti, ce qui n’a pas empêché une campagne de se former pour sa candidature.
Dans les événements actuels que traverse l’Egypte, le maréchal Tantawi apparaît au cœur des revendications des contestataires : le slogan « yasqut al mushir » (« à bas le maréchal », en arabe), déjà entendu lors de manifestations au printemps dernier, est très utilisé aujourd’hui. La lenteur de la transition vers un pouvoir civil, la façon dont certaines manifestations ont été réprimées (morts, emprisonnements politiques), expliquent pour une part le mouvement populaire actuel.

Le discours de l’armée : la glorieuse armée et l’honorable peuple

Dans les déclarations du CSFA, le vocabulaire utilisé est le suivant : le peuple et l’armée sont une seule main, l’armée protège le peuple, le peuple aime l’armée.
Presque tous les membres du CSFA ont manifesté leur profonde incompréhension face aux demandes de la révolution. L’armée ne peut en effet pas être l’objet de critiques. Et les médias sont soumis à la censure. Par exemple, le Général Othman a envoyé une note aux journaux, en octobre 2011, leur interdisant toute publication concernant le CSFA.
Mercredi 23 novembre, deux généraux du CSFA, Mahmoud Hegazy et Mohamed el-Assar, déclarent à la télévision d’Etat que l’armée n’essaie pas de déloger les manifestants de Tahrir, qu’elle aide seulement à séparer les manifestants des policiers. Ceux qui disent le contraire essaient de fomenter une division entre le peuple et l’armée. Les actes de violence commis par certains individus appartenant à l’armée seront dûment punis, mais les actes individuels ne doivent pas ternir l’ensemble de l’institution. Quant aux rumeurs sur la nature des gaz utilisés, une déclaration Facebook du Conseil militaire tente de les apaiser.

L’armée sous la présidence de Hosni Moubarak

En Egypte, l’armée est au pouvoir depuis soixante ans. Les Présidents sont issus de ses rangs, et les hauts gradés ont accédé aux plus hautes fonctions politiques et économiques : à la tête des gouvernorats, à la direction des usines militaires ou dans les ministères. Ces nominations ont connu des évolutions, au gré de la confiance que le Président du moment accordait à l’armée.

Sous la présidence de Hosni Moubarak, l’influence des militaires a diminué. Leur accès aux hautes fonctions de l’Etat a diminué au profit des technocrates et des proches de Gamal Moubarak. Ils ont également perdu de leur influence, au profit de la Sécurité centrale. D’autre part, en Haute-Egypte, les gouvernorats ont été attribués à des policiers. Cette région était considérée par le régime de Moubarak comme un lieu d’expression des tensions intercommunautaires et du terrorisme. Cette évolution a mis en évidence le nouveau poids du ministère de l’Intérieur et des Forces de la Sécurité centrale (Amn al Markazi, en arabe), chargés de combattre le terrorisme.

Avant la chute de Hosni Moubarak, les scénarios de succession n’incluaient pas uniquement Gamal. Ils parlaient aussi de l’armée. Et notamment de la possibilité d’une coalition de hauts gradés qui aideraient un homme de paille, un civil, à obtenir la présidence.

Sources et notes :
 http://egyptelections.carnegieendowment.org/2011/10/06/mohamed-hussein-tantawi
 http://www.webcitation.org/5wTMNq7Mb

Publié le 06/12/2011


Journaliste freelance, Sophie Anmuth a couvert la Révolution
égyptienne pour l’Express. Elle a aussi écrit pour la Revue Des Deux Mondes et une publication cairote.
Arabisante, elle est titulaire d’un Master 2 d’Histoire contemporaine de l’université Paris IV-Sorbonne, où elle a également étudié la Philosophie politique et éthique.


 


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