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Conflit israélo-palestinien : le revirement américain sur le plateau du Golan. Quelles conséquences ?

Par Ines Gil
Publié le 01/04/2019 • modifié le 02/04/2019 • Durée de lecture : 5 minutes

US President Donald Trump (L) and Israel’s Prime Minister Benjamin Netanyahu hold up a Golan Heights proclamation outside the West Wing after a meeting in the White House March 25, 2019 in Washington, DC. US President Donald Trump on Monday signed a proclamation recognizing Israeli sovereignty over the disputed Golan Heights, a border area seized from Syria in 1967. "This was a long time in the making," Trump said alongside Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu in the White House. US recognition for Israeli control over the territory breaks with decades of international consensus. Brendan Smialowski / AFP

Le changement de la politique américaine sur le plateau du Golan

Le 25 mars 2019, à l’occasion d’une visite de Benyamin Netanyahou à la Maison Blanche, le Premier ministre israélien et le président américain ont célébré la reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne sur le Plateau du Golan. Le Président Trump a brandi le décret de reconnaissance : une nouvelle fois, il a rompu avec la politique historique des Etats-Unis sur un dossier en lien avec Israël.

Le plateau du Golan, jusqu’alors syrien, est occupé par Israël depuis 1967, à l’issue de la guerre des six jours. Il est ensuite annexé en 1981 par l’Etat hébreu, mais cette annexion n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Jusqu’à aujourd’hui, Israël et la Syrie sont toujours en état de guerre. Durant la Guerre du Kippour, en 1973, le plateau du Golan a été le théâtre de violents combats, qui n’ont cependant presque pas fait bouger les lignes de démarcation. Depuis cette guerre, les deux pays sont séparés par une zone démilitarisée surveillée par quelques centaines de casques bleus, intégrés dans la Force des Nations unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) (2). D’après les déclarations américaines de ces derniers jours, cette mission onusienne devrait être maintenue (3).

Au total, environ 19 000 colons Israéliens sont répartis dans 33 implantations sur le Plateau. Ils cohabitent avec quelques 18 000 Druzes, qui ont dans leur grande majorité (90%) refusé la nationalité israélienne.

Depuis 1967, les Etats-Unis avaient toujours refusé de reconnaître la souveraineté d’Israël sur ce territoire. Cependant, en novembre 2018, Washington a montré quelques signes de changement, en votant contre une résolution de l’ONU condamnant l’occupation israélienne sur le plateau du Golan (4). Une première pour Washington, qui s’abstient habituellement sur cette résolution, votée chaque année mais non contraignante (5).

Selon Eyal Zisser, Vice-recteur de l’Université de Tel-Aviv et spécialiste de la Syrie, Donald Trump a décidé de reconnaître la souveraineté israélienne sur le plateau pour plusieurs raisons. D’abord pour « soutenir Benyamin Netanyahou en vue des élections israéliennes le 9 avril prochain », tout en « portant préjudice à Bachar Al Assad ». Selon le chercheur israélien, Donald Trump aurait aussi été « influencé par le lobby israélien ». Le président américain compte notamment sur le vote des évangélistes pro-israéliens pour se faire réélire en 2020. Par ailleurs, le Président Trump pourrait aussi offrir un cadeau aux Israéliens afin de leur faire « accepter certaines concessions dans le cadre du “deal du siècle”, le plan de paix du Moyen-Orient élaboré par Washington », qui devrait être dévoilé dans les prochains mois.

Une décision condamnée à l’unanimité par la communauté internationale

Suite à la décision américaine, les condamnations se sont multipliées dans le monde entier, à commencer par la principale intéressée, la Syrie. Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a lui aussi critiqué la décision américaine, rappelant que les Nations unies condamnent l’occupation et l’annexion du Golan par les résolutions 242 (1967) et 497 (1981). Les alliés de Damas, l’Iran, le Hezbollah libanais, mais aussi la Russie, se sont aussi empressés de condamner. Même son de cloche dans l’ensemble des pays de la région, mais aussi en Europe, où les principaux Etats européens et l’Union européenne ont critiqué la démarche de Donald Trump.

Le 27 mars au soir, à la demande de la Syrie (6), le Conseil de Sécurité a organisé une réunion d’urgence sur la question de la souveraineté dans le plateau du Golan. Durant cette rencontre, les membres du Conseil ont largement critiqué la position américaine, isolant Washington (7).

La décision américaine pourrait raviver de nouvelles tensions dans la région, notamment au nord d’Israël. L’Iran pourrait utiliser cette décision comme excuse pour renforcer ses positions en Syrie. Le Hezbollah libanais quant à lui a déjà affirmé qu’il aiderait la Syrie à récupérer le plateau du Golan par la force.

Un cadeau pour Benyamin Netanyahou, l’allié israélien en pleine campagne électorale

Sans surprise, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a salué une « décision courageuse » (8). Après le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien et le déménagement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, Donald Trump offre une nouvelle victoire à Benyamin Netanyahou. Le timing de ce nouveau « cadeau » arrive par ailleurs à point nommé pour donner un coup de pouce au Premier ministre israélien, en pleine campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 9 avril. Un coup de pouce qui pourrait être payant, car Donald Trump est apprécié en Israël. Selon un récent sondage, 65% des Israéliens le soutiennent (9).

Selon Eyal Zisser, pour une grande majorité de la population, « il ne fait pas de doute que le plateau du Golan est israélien ». Les Israéliens voient ce territoire, qui culmine à 1 200 mètres d’altitude, comme un avantage pour les ressources en eau dans un pays majoritairement désertique (60%). Mais ce point d’observation idéal sur la Syrie est surtout vu comme un atout stratégique sur le plan militaire, notamment contre l’Iran et ses alliés.

Un territoire stratégique pour Israël

Dans son Tweet de remerciement au Président Trump, Benyamin Netanyahou a rappelé la menace iranienne qui pèse sur Israël : « Alors que l’Iran cherche à se servir de la Syrie pour détruire Israël, le président Trump reconnaît courageusement la souveraineté israélienne sur le Plateau du Golan. Merci Président Trump » (10).

Comme le rappelle Eyal Zisser, en 2010, déjà chef du gouvernement, « Benyamin Netanyahou avait entamé des discussions avec le régime de Damas pour négocier le plateau du Golan ». Cependant, avec le début de la guerre en Syrie, le « contexte a changé ». « Bachar Al Assad n’est plus le partenaire unique et fiable pour les Israéliens. Il a perdu en légitimité ». Par ailleurs, Israël voit comme une menace de premier ordre la présence en Syrie de l’Iran et du Hezbollah libanais, engagé à partir de 2013 dans la guerre aux côtés de Bachar Al Assad. A la mi-mars, Israël a accusé le Hezbollah d’implanter secrètement un réseau militaire dans le Golan syrien, tout proche du plateau occupé par l’Etat hébreu (11).

Depuis le début de la guerre en Syrie, le Golan a été le théâtre de combats intenses entre l’armée syrienne et certains groupes rebelles. En 2014, 45 casques bleus ont été pris en otage par le groupe Al Nosra, la branche syrienne d’Al Qaïda. Certains tirs de mortiers ont par ailleurs atterri sur le plateau du Golan contrôlé par Israël, mais l’armée israélienne a constamment riposté. Pour le professeur Zisser, « il est important de posséder le Golan dans une situation de tensions ».

La décision de Donald Trump pourrait avoir des conséquences si des négociations sont organisées entre Israël et la Syrie autour de la question du plateau du Golan. Maintenant que la Maison Blanche a reconnu la souveraineté israélienne, il pourra être plus difficile pour un futur président de négocier ce territoire, mais pas impossible, selon Eyal Zisser.

Notes :
(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/22/trump-offre-a-netanyahou-la-reconnaissance-de-l-annexion-du-golan_5439504_3210.html
(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/22/le-plateau-du-golan-au-c-ur-du-conflit-entre-israel-et-la-syrie_5439458_3210.html 
(3) https://www.france24.com/fr/20190328-conseil-securite-onu-etats-unis-isoles-golan-israel-syrie
(4) https://www.la-croix.com/Monde/Washington-vote-contre-resolution-ONU-condamnant-Israel-Golan-2018-11-16-1300983679
(5) https://www.la-croix.com/Monde/Washington-vote-contre-resolution-ONU-condamnant-Israel-Golan-2018-11-16-1300983679
(6) http://www.rfi.fr/moyen-orient/20190327-onu-demande-syrie-golan-reunion-conseil
(7) https://www.france24.com/fr/20190328-conseil-securite-onu-etats-unis-isoles-golan-israel-syrie
(8) https://www.mediapart.fr/journal/international/210319/trump-reconnait-la-souverainete-disrael-sur-le-plateau-du-golan?onglet=full
(9) https://www.washingtonpost.com/politics/2019/03/22/trumps-golan-heights-tweet-disregards-decades-us-commitment-un-resolutions/?utm_term=.5e6224c2df6a
(10) https://www.lopinion.fr/edition/international/donald-trump-reconnait-souverainete-d-israel-plateau-golan-181694
(11) https://www.lorientlejour.com/article/1161450/le-hezbollah-simplante-secretement-dans-le-golan-accuse-israel.html

Publié le 01/04/2019


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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