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Compte rendu du dossier « Vers un printemps iranien ? », coordonné par Michel Makinsky, Les Cahiers de l’Orient, été 2016, n°123

Par Mathilde Rouxel
Publié le 06/09/2016 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 13 minutes

Michel Makinsky, L’Iran après les élections de février et d’avril 2016 : un tournant ?

Les premières élections qui suivirent l’accord sur le nucléaire se déroulèrent le 26 février 2016. Deux scrutins (élections au Parlement et renouvellement de l’Assemblée des Experts) avaient lieu, qui mettait en jeu la présidence de Rohani, élu en 2013 sur la promesse de l’accord sur le nucléaire et la levée des sanctions internationales, malgré la forte, voire violente (p. 13) opposition des ultra-conservateurs. Téhéran accéléra ainsi le processus d’application de l’accord afin de permettre avant les élections la levée de l’embargo, véritable « catalyseur politique » (p. 9), mais de nombreux obstacles de nature diverses entravent de façon inquiétante la rapidité du retour des capitaux étrangers dans l’économie iranienne, compliquant la position de Rohani dans les élections. Ali Khamenei, d’un âge avancé, se battait de son côté pour que les représentants du courant réformateur ne prennent le pouvoir à l’Assemblée des Experts, qualifiée pour désigner son successeur : la tactique employée fut celle de l’élimination massive des candidats « suspects » des listes, pour les législatives comme pour l’Assemblée des experts (p. 16). Le nombre inédit de candidats (plus de 12 000) empêcha néanmoins l’assurance du succès d’une telle stratégie. Face à l’opposition réformiste construite autour d’une stratégie plus « pragmatique » que « progressiste », « ab initio, il apparaît que les ultras vont peiner à constituer le grand bloc conservateur dont ils rêvent » (p. 23). Le choix d’Ali Larijani de se présenter non plus en « Suiveurs du Guide » mais comme « indépendant » handicape également fortement le clan conservateur : il finit d’ailleurs par s’allier, en tant que « conservateur réaliste » (p. 26) aux réformateurs et aux modérés, et sera élu à Téhéran, où les ultra se virent « humiliés » (p. 28).
En reprenant les chiffres officiels des deux élections, Michel Makinsky montre la complexité de la lecture des résultats du premier tour, tant sont incertains les apparentements des différentes coalitions (p. 31). Plusieurs lectures, détaillées par l’auteur, ont donc été faites de ces résultats. Il est cependant « permis de parler de l’échec des ultras et du Guide » (p. 32), puisque la plupart des membres élus sont plutôt modérés ou pragmatiques, bien qu’on ne puisse pas parler « de renouvellement majeur pour l’Assemblée des Experts », puisque seuls 49 élus sur 88 se représentaient (p. 38).
En conclusion, c’est bien une mutation de la société iranienne que nous ont donné à voir ces élections ; le Parlement, finalement, compte le nombre le plus bas de religieux jamais enregistré (16) et les femmes, elles-mêmes, sont plus nombreuses que les clercs.

Azadeh Kian, « La société civile : coopération avec l’État ou site de rébellion ? »

La vision « libérale ou néotocquevilienne » (p. 45) qui distingue société civile et État s’est imposée au Moyen-Orient à partir des années 1990 et du soutien de l’ONU aux ONG locales. Durant ses deux mandats (1997-2005), Mohammad Khatami a encouragé les organisations de la société civile qui se développaient en Iran, afin d’entretenir la confiance et la coopération de la société avec l’État ; à la fin de son mandat, on en comptait 28 000 (p. 46). Le « modelage d’un cadre démocratique » (p. 47) se heurta néanmoins aux limites imposées par l’État, qui cherche à contrôler ces organisations – notamment lorsqu’elles touchent à la question du droit des femmes. La « dé-libéralisation » (p. 48) du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) provoqua par ailleurs la déstructuration de la société civile formelle, organisée. Cependant, la mobilisation des citoyens ordinaires a pu témoigner de la prépondérance de la vision de Gramsci, qui voit la société civile « comme un site de rébellion contre la construction de l’hégémonie culturelle et idéologique du pouvoir » (p. 49) : le mouvement vert, rébellion pacifiste, « mouvement sans révolution » des classes moyennes urbaines né de la contestation des résultats frauduleux des élections de 2009, se compose tant d’acteurs de la société civile formelle que de l’informelle. L’expansion d’Internet est un facteur déterminant de cette mobilisation, permettant l’invention de nouveaux liens sociaux transnationaux. Les attentes de cette société civile sont d’abord d’ordre économique (plus de 50% de chômage chez les jeunes, plus de 3 millions de « cheffes de famille » dans la pauvreté…), politique (volonté de démocratisation du système), et touchent également les questions de discrimination d’ordre religieux et ethnique des minorités (dont l’Iran interdit le recensement), auxquelles Rohani a promis de répondre dans son programme. La question reste néanmoins toujours brûlante : à Téhéran, les sunnites n’ont toujours pas obtenu le droit de construire une mosquée, et les Turkmènes ne bénéficient pas des avancées qui sont accordées aux Kurdes et aux Balouches. D’autres chevaux de bataille sont constamment lancés : la question des droits de l’homme et de la liberté d’expression et de création (plus d’un millier de prisonniers politiques, pendaison en 2015 de plus d’un millier de « délinquants de droit commun » (p. 57)), mais aussi celle de la discrimination des femmes (davantage touchées par la pauvreté, conduisant beaucoup d’entre elles à devenir prostituées, et à subir des grossesses non-désirées, conséquence de l’interdiction de la distribution des moyens contraceptifs gratuits). Promesse de campagne, la création par Rohani d’un ministère des Droits des femmes n’est pas encore réalisée, mais trois de ses onze vice-présidents sont des femmes et les élues sont nombreuses (p. 59). Les résultats du second tour des législatives confirment cependant le soutien de la société civile aux politiques réformistes, et à leurs promesses de répondre aux envies de changement des populations iraniennes.

Bijan Khajehpour, « Une évaluation de l’économie iranienne »

L’auteur revient dans cet article sur les défis économiques majeurs auxquels le pays, pourtant entré dans une phase optimiste avec l’abandon des sanctions internationales, va devoir faire face. Les élections récentes renforcent la possibilité des réformes juridiques et structurelles pensées par Rohani qui, depuis son élection en 2013, est déjà parvenu à sortir le pays d’années de récession (p. 64). Le pays doit désormais s’attaquer au chômage et à l’inflation, ses faiblesses principales. La croissance économique et le prochain écoulement de l’excédent commercial devraient pourtant l’aider à faire face à d’autres défis économiques (p. 67). Le gouvernement compte aussi beaucoup sur le dégel des avoirs iraniens dans les banques internationales (plus de 100 milliards de dollars de capitaux), qui lui permettra de régler une partie de ses dettes (auprès de banques, centrales électriques…) et de revitaliser l’économie. Le taux de change du rial iranien devrait être lui aussi réformé (p. 73). L’auteur calcule également les ressources liées à l’exportation en prenant en compte les futures opportunités de développement du commerce extérieur ; il semble néanmoins que le PIB se soit considérablement diversifié ces dix dernières années, les exportations de gaz et de pétrole n’en constituant plus que 22% en 2014 (p. 75). L’importation de nouvelles technologies permettra cependant une augmentation de l’exploitation des ressources. Enfin, en déclarant la corruption « menace contre la sécurité nationale » (p. 77), Rohani s’engage dans le développement d’une transparence renforcée par une série de réformes juridiques, politiques et structurelles. Poussés par le potentiel de croissance permis par « le déplacement de l’humeur politique vers les forces modérées » (p. 78), les investissements étrangers provoqueront un impact positif, bien que très progressif ; la question est désormais de savoir « comment le gouvernement améliore le climat d’investissement du pays » (p. 79), le risque politique demeurant un point noir pour les investisseurs. Enfin, l’auteur souligne la dépendance considérable de Téhéran à ses partenaires internationaux dans le financement de ces projets, trop coûteux pour le seul pays. Finalement, si les perspectives de l’économie restent positives, l’amélioration demeurera très progressive, relativement à l’engagement des investisseurs internationaux sur le territoire iranien.

Guillaume de Nogara, « L’Iran et la France après la visite de Rohani : enjeux, défis et obstacles »

L’auteur insiste : les relations diplomatiques entre la France et l’Iran n’ont jamais été rompues. Les efforts de la France pour réintégrer l’Iran dans le concert des nations (conférence Iran et 5+1 à Vienne en 2015) sont stratégiques : alors qu’entre un tiers et la moitié des voitures en circulation en Iran sont françaises, Boeing entreprenait en février dernier une étude de marché relative aux avions commerciaux ; les produits médicaux et paramédicaux sont aussi une grande part des ventes françaises à l’Iran. La levée des sanctions a permis une augmentation des exportations, bien que le redressement reste à relativiser « compte tenu de l’effondrement qui l’avait précédé » (p. 88). Par ailleurs, les sanctions ont poussé les sociétés locales à l’expertise, une expertise qui leur est reconnue ; néanmoins, la multiplicité des cercles de prises de décision ne rassure pas les investisseurs, qui craignent de ne pouvoir bâtir aisément un réseau stable. L’enjeu des élections législatives de 2017 est important pour sécuriser l’action de Rohani et des négociations qu’il a engagées afin d’adapter le commerce iranien au commerce international. Les sanctions ont également détaché les structures iraniennes des systèmes « normaux » : les banques, notamment, « étaient depuis 2012 complètement déconnectées du système SWIFT (Society for Wordlwide Interbank Financial Telecommunication) » (p. 91), et leur rattachement est aujourd’hui progressif. L’obstacle juridique américain est lui-aussi de taille : les banques européennes elles-mêmes s’inquiètent des sanctions américaines dans le cas de transactions prématurées avec l’Iran.
Par ailleurs, par-delà ces considérations financières demeure le dossier syrien, sur lequel s’opposent stratégiquement la France et l’Iran, « le sort de Bachar al-Assad restant le principal point d’achoppement » (p. 95) – bien qu’il semble avoir été conclu que ces divergences ne devraient avoir aucun impact sur les accords futurs. L’auteur souligne la place intéressante qu’occupe la France pour l’Iran : bien qu’elle occupe « une place finalement relativement modeste sur le podium des clients et fournisseurs de la République islamique », elle est « l’une des puissances les mieux placées pour répondre à la demande iranienne (…) (relations politiques stables, potentiel et volonté d’investissement, capital sympathie) » (p. 95). Il s’agit aujourd’hui de rendre concrets les grands projets, sans se laisser emporter par la complexité des conflits moyen-orientaux. Le commerce se trouvant finalement à la base de toute la diplomatie franco-iranienne, l’auteur conclut avec espoir son propos avec un adage de Montesquieu : « l’effet naturel du commerce est de porter la paix » (p. 97).

Ahmed Naguibzadeh, « Coup d’œil sur les relations franco-iraniennes et l’imaginaire des Iraniens »

Les bonnes relations France/Iran datent de la politique non-colonialiste de Napoléon, d’autant que par la suite, « le dossier des relations politiques entre l’Iran et la France est [resté] sans tâche » (p. 100), à l’inverse des relations de l’Iran avec les Anglais et les Russes. « L’empreinte française ne marquait pas seulement les élites mais aussi le peuple et les gens de la rue » (p. 101), mais elle déclina avec la révolution islamique de 1979, mal vue par les Français, et avec le soutien de Saddam Hussein durant la guerre Iran/Irak. Pour le nouveau régime islamique installé, les socialistes « étaient considérés comme des pions d’Israël et les partis de droite comme ceux des Américains » (p. 103). Une opposition entre Europe et États-Unis a pourtant toujours été conçue pour les Iraniens, ce qui l’a toujours poussé à essayer de se rapprocher de l’Europe. L’Europe, de son côté, cherchait le dialogue avec l’Iran « afin de rendre plus dociles les « fous de Dieu » » (p. 104) mais l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad réduisit tout ce travail à néant. Avant la mise en place des sanctions en 2006 existait une large collaboration entre la France et l’Iran dans les domaines de l’industrie automobile, des mines, de l’électricité et de l’archéologie. La baisse commerciale de 2006 a provoqué une dégradation des relations politiques, notamment depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, qui « condamna l’Iran avec une véhémence sans précédent ». Les accords sur le nucléaire ont adouci les relations, et Rohani fut reçu en janvier 2016 avec prestige, marquant avec grandeur le retour iranien sur la scène internationale. La réticence des vis-à-vis de l’Allemagne, considérée alliée à la Grande-Bretagne et aux États-Unis et trop proche d’Israël, renforce encore l’alliance avec la France ; l’indépendance de la France vis-à-vis des États-Unis est un atout du pays dans l’avenir du Moyen-Orient (p. 108). Dans un pays où la majorité de la population n’est plus politiquement radicale, pour l’auteur, « il est clair que les Iraniens attendent des Européens qu’ils prennent en considération leur situation délicate et les aident à s’en sortir victorieusement » (p. 111).

Christian Rivet de Sabatier, « La levée des sanctions financières : illusions, désillusions, solutions ? »

L’auteur ouvre son article en rappelant que les connexions SWIFT, qui annonçaient la reprise des transactions financières avec l’Iran, ne sont qu’un outil qui nécessite, pour permettre des mouvements de comptes, l’ouverture d’un compte correspondant. La « réouverture des filiales de banques iraniennes en Europe n’apporte pas de solution pratique à ces défis » en raison de la crainte des Européens des menaces américaines. Par ailleurs, suite à l’affaire des Panama Papers, la traçabilité de l’origine des flux financiers est devenue une priorité. L’interdiction des Américains aux Iraniens de réaliser des transactions en dollar et le gel des avoirs en dollars détenus par des entités iraniennes auprès des banques américaines rendent encore aujourd’hui difficiles l’augmentation des transactions en devises convertibles. Des opérations non-officielles ont été effectuées au cours de la période 2012-2015 qui ont pu générer « des avoirs non rapatriés » (p. 116) à cause du blocage des comptes correspondants ; la crainte des grandes banques, aujourd’hui, est de laisser transiter sur ces comptes des fonds d’une origine incertaine. Avec les fonds qui transitent sur les zones off-shore du Golfe, qui ne contrôlent pas les transactions, la circulation des capitaux se trouve compliquée, et les banques occidentales (particulièrement américaines, qui interdisent encore à l’Iran les transactions en dollars) continuent de se méfier des fonds orphelins. Pour d’auteur, « il serait souhaitable que l’Union européenne reprenne la main sur ce dossier et négocie un waiver (ou accord de principe) avec les autorités américaines pour le compte des banques européennes » (p. 119) ; dans tous les cas, face aux difficultés rencontrées, des solutions non-conventionnelles sont adoptées. En définitive, l’auteur souligne l’importance accordée à la réactivation des opérations bancaires internationales avec l’Iran par les deux parties, la communauté internationale et l’Iran ; « espérons que la sagesse prévaudra » (p. 122).

William Scott Lucas, « Quel avenir pour les Gardiens de la révolution iranienne ? »

Les Gardiens de la révolution ont critiqué l’accord sur le nucléaire. Leur position, en effet, semble menacée : leur rôle dans l’économie du pays, jusqu’ici très important, se voit minoré. Ils dominent encore les forces militaires et les forces de sécurité, et ont une réelle influence dans le domaine de l’éducation. Liés au Guide suprême sur le plan politique, ils ont « des milliards de dollars de contrats dans les industries pétrolières, gazières et pétrochimiques ainsi que les grands projets d’infrastructure » et leurs avoirs se sont étendus sous Ahmadinejad. L’après les manifestations de 2009, le retour des politiques sécuritaires leur a grandement profité. Ils dominaient quasiment le système lorsque Rohani fut élu. La stratégie conservatrice était de remplacer Ahmadinejad par quelqu’un de leurs rangs, mais leurs potentiels candidats s’opposaient les uns aux autres de telle sorte que Rohani bénéficia d’une très forte vague de soutien de la part de la population. Les Gardiens de la révolution acceptèrent d’honorer l’engagement de Rohani quant à la libération des détenus politiques, mais sous condition de leur marginalisation (interdiction de toute activité professionnelle). Ils ne purent en revanche empêcher l’accord sur le nucléaire, bien que le retour des investisseurs étrangers soit tout à leur défaveur. Dans les futurs projets du gouvernement, Rohani ne se confronte pas directement aux Gardiens de la révolution, mais n’a pas hésité à critiquer le contrôle des candidats par les Gardiens (p. 134). À l’élection de Rohani en 2016, son mentor Rafsandjani a « salué le peuple iranien pour avoir bravé les disqualifications » (p. 136), remarque qui peut représenter un premier coup destiné à saper l’influence des Gardiens. Le « pare-feu de sécurité » (p. 137) des Gardiens est l’instabilité régionale ; leur rôle fut significatif en Irak, alors que l’État islamique s’emparait de Mossoul et Tikrit et s’avançaient sur Bagdad. L’aide au régime d’Assad en Syrie a été élargie en juillet 2015, avant que les Russes n’interviennent. Mais contrairement à 2003, où les Gardiens avaient déjà dû faire face à une opposition présidentielle en la personne de Khatami mais où leur pouvoir et influence avaient pleinement pu freiner les aspirations du président réformateur, les ultras et les conservateurs ont perdu en 2016 beaucoup d’influence. D’autant plus que la culture politique iranienne se base désormais bien plus sur l’expérience des manifestations réprimées notamment par les Gardiens suite aux élections contestées de 2009 ; les Gardiens auront du mal, dans les années à venir, à affermir leur position (p. 143).

Ariane M. Tabatabai, « L’accord nucléaire après le 16 janvier : perspectives et défis »

La divulgation d’une installation d’enrichissement en uranium à Natanz en 2002 non déclarée à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a marqué le début de la crise iranienne sur le nucléaire, à laquelle l’accord nucléaire de juillet 2015 mit fin. Cependant, il semble que déjà sous le Chah Mohammad Reza Pahlavi, des programmes de diversification des ressources énergétiques du pays avaient été entrepris, et l’Iran entama son programme nucléaire en partenariat avec les États-Unis pendant les années 1950 dans le cadre du programme « Atom for Peace » : son premier réacteur nucléaire date ainsi de 1967. Le Chah espérait ainsi une économie iranienne indépendante du pétrole, mais l’opposition du peuple au Chah en 1979 provoqua le rejet de toutes ses réformes. La guerre Iran-Irak cependant relança la question du nucléaire, « arme ultime » (p. 148) : l’Iran se tourna vers de nouveaux fournisseurs, la Chine, la Russie, la Corée du Nord et le Pakistan. La République islamique rajouta, au programme du Chah, celui d’un enrichissement de l’uranium. En 2002, quand ses nouvelles installations furent dévoilées, Khatami, alors en poste, tenta de trouver une solution à la crise émergente, mais ses propositions furent rejetées par George W. Bush ; remplacé en 2005 par le conservateur Ahmadinejad, les négociations furent rompues (p.152). Le retour des réformistes et l’arrivée de Rohani au pouvoir permirent de renouer le dialogue avec le 5+1. Suite aux accords de juillet 2015, la République islamique devait prendre des mesures au début de l’année 2016, qui ont été prises. Un rapport publié en décembre 2015 par l’AIEA montre que depuis 2009, aucune trace de développement d’un nucléaire militaire n’a été détectée en Iran (p. 156). L’accord a engagé une nouvelle ère dans la diplomatie entre l’Iran et l’Occident ; victoire des modérés et des réformistes du côté iranien, il annonce par ailleurs pour la communauté internationale le retour du pays vers la « conformité avec ses engagements dans le cadre du droit international sans avoir recours à l’option militaire » (p.159).

Dr. Sara Vakhshouri, « L’accord nucléaire et le retour de l’Iran sur le marché de l’énergie »

Le retour des Iraniens sur le marché de l’énergie inquiète de nombreux experts du marché. En effet, si l’Iran décide d’augmenter trop rapidement sa production de pétrole, il se trouverait en concurrence avec l’Irak, dont la qualité du pétrole est moindre ; de l’autre côté, la guerre des prix entre l’Iran et l’Arabie saoudite a atteint son paroxysme. Comme le note l’auteure, « l’impact du retour complet de l’Iran sur le marché a déjà été calculé dans les prix courants par les négociants » (p. 164), d’autant que le pays possède les deuxièmes réserves avérées de gaz au monde (gaz qu’il exporte avec succès (p. 165) et dont il compte augmenter la production). « Quant au condensat », rajoute l’auteure, « si l’Iran atteint 1mb/j de capacité de raffinage d’ici 2020, il pourra remplacer la quasi-totalité de ses exportations de ce produit par les distillats légers produits dans ses raffineries » (p. 166), ce qui rendrait l’Iran autosuffisant pour sa production à usage domestique de l’essence. L’expansion du secteur pétrochimique entre 1997 et 2005 a fait beaucoup pour l’économie du pays et tend à se développer davantage, d’autant que cette expansion est conforme à « l’économie de résistance » du Guide suprême (p. 167) puisqu’elle réduit les dépendances du pays. Cependant, le blocage par les sanctions européennes et américaines a empêché des investissements sur les technologies modernes et nécessaires. « Selon le dernier plan quinquennal d’investissement énergétique (2011-2015), l’Iran aurait besoin de 225 milliards de dollars à injecter dans ses industries pétrolière et gazière » pour répondre à ses objectifs. (p. 167). Pour augmenter sa capacité de production, les responsables pétroliers iraniens ont introduit en février 2014 un nouveau type de réglementation (Iran Petroleum Contract, d’une durée de 20 à 25 ans) qui propose une joint-venture avec les entreprises internationales pour des projets d’explorations, de développement et de production ; une version finale de cet IPC est cependant encore attendue par les compagnies pétrolières internationales.

Publié le 06/09/2016


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


 


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