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Compte rendu de l’exposition « Hajj : Le pèlerinage à la Mecque », Institut du Monde arabe, jusqu’au 17 août 2014

Par Ines Zebdi
Publié le 07/07/2014 • modifié le 11/03/2018 • Durée de lecture : 7 minutes

L’histoire du Hajj

Des millions de musulmans du monde entier se rendent chaque année à La Mecque, en Arabie saoudite, pour effectuer le Hajj, pèlerinage rituel et cinquième pilier de l’islam. Ce pèlerinage se déroule du 8 au 12 ou 13 dhû al-hijja, dernier mois du calendrier lunaire musulman. Les rituels du Hajj, qui remonteraient au prophète Abraham, représentent un événement social et culturel de grande ampleur, qui réunit hommes, femmes, jeunes, vieillards, personnes de toutes classes sociales et de cultures différentes. Le pèlerinage s’étend sur une période de cinq à six jours à La Mecque même, dans la Mosquée sacrée Al Masjid Al Haram, puis dans les sites voisins de Mina d’Arafat et de Muzdalifa. C’est Adam, le premier prophète, qui aurait construit la Ka’ba. Selon le Coran, le sanctuaire sera ensuite reconstruit par Abraham et son fils Ismaël. Le prophète Mahomet, né à La Mecque puis exilé à Médine, effectuera un unique pèlerinage avant sa mort en 632.

Depuis cette époque, des pèlerins du monde entier convergent chaque année vers La Mecque pour effectuer le Hajj. Aujourd’hui, grâce aux moyens de transports modernes, les voyages sont simplifiés et les routes diversifiées, mais autrefois, les pèlerins se retrouvaient pour former des caravanes et voyager ensemble, car le trajet était long et dangereux, et seules quelques grandes routes existaient. L’exposition retrace tous les itinéraires qui menaient à La Mecque depuis les pays musulmans, illustrés par plusieurs cartes géographiques. La première était la route irakienne, ou Darb Zubayda, qui relie Kûfa en Irak à La Mecque. Cette route tient son nom de Zubayda, épouse du Calife de Bagdad, une femme très pieuse qui a beaucoup investi dans la construction d’infrastructures pour la route du Hajj. La deuxième était la route d’Afrique subsaharienne, empruntée par les pèlerins dès le Xème siècle et l’arrivée de l’islam dans le Royaume du Mali. Ces routes suivent le chemin des caravanes commerçantes entre Gao, Tombouctou et La Mecque, en passant par le Caire. Les pèlerins traversant le Sahara pouvaient mettre plusieurs années avant d’atteindre La Mecque. La troisième route est la route d’Afrique du Nord, alors empruntée par les pèlerins d’Andalousie et du Maghreb qui longeaient la Méditerranée. Des manuscrits conservés dans les bibliothèques de Tombouctou et relatant le chemin vers le pèlerinage sont exposés, et plusieurs photos du début du XXème siècle permettent de mesurer l’importance numérique de ces caravanes.

Les caravanes africaines et andalouses se retrouvaient au Caire, qui accueillait une large activité commerçante, avant de continuer jusqu’à La Mecque. C’est par cette route également que passait la caravane transportant la kiswa, la riche tenture recouvrant la Ka’ba, changée chaque année et qui était fabriquée au Caire. Aujourd’hui, cette kiswa est noire et dorée, mais autrefois, sa couleur variait et elle pouvait être tissée de blanc, de vert ou de rouge. Un des palanquins (« Mahmal ») ayant transporté la kiswa depuis l’Egypte jusqu’à La Mecque est exposé. Il est richement brodé de vert, de rouge, et de versets du Coran. Les visiteurs peuvent également voir une tenture noire et dorée faisant partie de la kiswa et destinée à la porte de la Ka’ba (2003).

Avec la colonisation et l’apparition du bateau à vapeur, les trajets se sont considérablement réduits au début du XXème siècle. La dernière route traditionnelle est la route syrienne et ottomane, qui reliait Damas à La Mecque, depuis l’Empire des Omeyyades (661-750). Après la conquête de la Syrie par les Ottomans en 1516, cette route est devenue l’une des plus importantes, partant alors d’Istanbul.

Le pèlerinage est un acte collectif et un engagement purement personnel à la fois. Il existe deux sortes de pèlerinage, le Hajj, aussi appelé grand pèlerinage, et la ‘Umra, ou petit pèlerinage, qui peut être effectué toute l’année et qui ne se déroule qu’à La Mecque. Le pèlerin se met en état de sacralisation, ou ihram lorsqu’il arrive dans l’enceinte de la mosquée. Son habit est fait de deux étoffes blanches pour l’homme et d’habits simples pour la femme. Des photos et des pièces de ces vêtements sont exposées.

Leur simplicité et leur uniformité permettent d’effacer toute hiérarchie sociale, ou différence culturelle, face au religieux. Le Hajj est l’un des cinq piliers de l’islam ; il est obligatoire pour tout musulman ayant les moyens physiques et financiers de l’accomplir.

Le pèlerinage se déroule au sein de la mosquée Masjid al-Haram, la mosquée la plus vaste du monde dont le plan est présenté pour que les visiteurs prennent connaissance de tous les éléments qui la composent. La superficie du sanctuaire était de 560 m2 au VIIème siècle. Aujourd’hui, elle est de 2 millions de m2 et la mosquée peut accueillir jusqu’à 3 millions de fidèles. Son agrandissement, lancé par le Roi Saoud au début du XXème siècle, se poursuit aujourd’hui et a notamment permis de recouvrir le chemin qui sépare les deux collines de Safa et Marwa, long de 420 mètres. Les travaux ont aussi permis la mise en place de mesures de sécurité supplémentaires. En effet, chaque année, des pèlerins périssent dans des mouvements de foule, notamment au moment du rituel de la lapidation de la stèle, ce qui a amené les autorités à agrandir le lieu et à y placer davantage de forces de l’ordre et des caméras de surveillance afin de réguler les flux. Un véritable réseau de routes, de tunnels et de ponts a également été construit, grands axes d’environ 67 kilomètres que les pèlerins empruntent à pied, et surnommés « autoroutes humaines ». Le pèlerinage accueillant toujours plus de fidèles, des travaux d’agrandissement sont encore prévus au cours des prochaines années, notamment la destruction d’une partie de l’enceinte de la mosquée et d’un complexe hôtelier adjacent, afin d’élargir l’espace de circumambulation autour de la Ka’ba. Les grands travaux de 2013 ont amené les autorités saoudiennes à réduire le nombre de visas délivrés aux fidèles pour leur permettre d’effectuer le pèlerinage, ce qui explique la baisse de 37% du nombre de fidèles pour le Hajj observée cette année-là.
Depuis 2013, les mesures sanitaires ont été renforcées avec l’arrivée du Coronavirus. Les autorités saoudiennes et celles des pays d’origine des fidèles sont de plus en vigilantes, ce qui pourrait également réduire le nombre de pèlerins, même si l’Arabie saoudite n’a pas encore émis à ce jour d’interdiction de se rendre au pèlerinage pour cette raison.

Comment se déroule un Hajj ?

Les étapes du pèlerinage sont expliquées en images et dans l’ordre chronologique par plusieurs panneaux illustratifs.

Premier jour :
Le pèlerin fait sept tours autour de la Ka’ba ou circumambulation (tawaf). La Ka’ba, littéralement « le cube » mesure dix mètres sur douze au sol et quinze mètres de hauteur. Elle est appelée Bayt Allah, ou Maison de Dieu. Ses angles sont orientés vers les points cardinaux.
Il parcourt ensuite sept fois une distance de 420 m dans un long couloir attenant à la mosquée, entre les deux collines de Safa et Marwa (Sa’y), en souvenir de l’errance d’Agar, la femme d’Abraham, à la recherche d’eau pour son fils Ismaël.
Il boit à la source Zem Zem, puis se rend à Mina, à 4 kilomètres de La Mecque, où sont dressées milliers de tentes pour les fidèles. Le pèlerin y fait les prières de l’après-midi, du soir, et du matin.

Deuxième jour :
Au lever du jour, il se rend au Mont Arafat au cœur de la plaine d’Arafat (situé à environ 20 kilomètres, ce qui équivaut à 3 heures de marche). C’est de cette montagne que Mahomet fit son discours d’adieu en 632. Les pèlerins y passent la journée à prier, jusqu’au soir. Après le coucher du soleil, ils se rendent dans la vallée de Muzdalifa (10 kilomètres de marche). À l’arrivée, les prières du soir sont récitées, et les fidèles y restent une bonne partie de la nuit. C’est là qu’ils se munissent de 49 cailloux.

Troisième jour :
Le pèlerin quitte Mina au matin, se rend jusqu’au lieu où Abraham emmena son fils Ismaël pour le sacrifier (300 mètres). Sur le parcours se dressent trois piliers qui symbolisent les lieux saints où Satan tenta de détourner Abraham. Il faut lapider à cet endroit la plus grande stèle.

Les hommes doivent ensuite se raser le crâne et les femmes se raccourcir les cheveux. Vient alors le sacrifice de l’animal qui symbolise le bélier qu’Abraham a sacrifié à la place de son fils. Le fidèle reproduit de nouveau le rite appelé circumambulation, puis sort de l’état de sacralisation et revient passer la nuit à Mina.

Quatrième et cinquième jour :
Le pèlerin accomplit de nouveau le rituel de la lapidation mais cette fois des trois stèles, puis effectue une dernière circumambulation, la circumambulation d’adieu. Le pèlerin est désormais Hajj. L’appellation Hajj est encore aujourd’hui dans les pays musulmans une marque de distinction et de respect, de sagesse, pour ceux qui ont accompli ce pèlerinage.

Les pèlerins reçoivent ensuite un certificat de pèlerinage, pratique perpétuée depuis des siècles, attestant de leur acte. Auparavant sur des rouleaux brodés représentant les mosquées saintes, ils sont aujourd’hui délivrés sous forme de documents ou de photographies. Beaucoup de pèlerins ramènent des souvenirs sacrés de La Mecque, notamment de l’eau de la source Zem Zem. Certains préservent leur habit blanc ihram, aspergé d’eau, afin d’en faire leur linceul à leur décès. Pour les besoins de l’exposition, plusieurs pèlerins ont accepté de prêter à l’Institut du Monde arabe des objets qu’ils ont rapportés de La Mecque, et les visiteurs peuvent écouter des enregistrements vocaux dans lesquels ils expliquent la symbolique de ces objets.

Quelques données chiffrées sur le pèlerinage à La Mecque

Les pèlerins :
En 2012, 3 161 573 pèlerins se sont rendus à La Mecque pour effectuer un pèlerinage, venus de 189 pays différents ; 44,6% étaient originaires d’Arabie saoudite, et 55,4 % venaient de l’étranger. (En 2013, ils étaient 1 980 000, ce qui représente une chute de 37%.) Les hommes représentaient 64,3% des pèlerins et les femmes 35,7%.

24 000 Français se sont rendus au pèlerinage cette année-là.
Le Hajj au départ de France coûte aujourd’hui entre 4 000 et 6 000 euros au pèlerin alors qu’il ne lui coûtait que 300 euros en 1976.

50 000 tentes sont plantées dans la plaine de Mina à l’usage des pèlerins.
Chaque pèlerin ramasse 49 cailloux dans la plaine de Muzdalifa.
97 020 000 cailloux ont été jetés en 2013.
Chaque pèlerin est autorisé à ramener 8 litres d’eau de la source sacrée de Zem Zem.
20 760 000 litres d’eau de Zem Zem ont été distribués en 2013.

Sécurité et santé :
42 000 caméras de vidéo-surveillance ont été mises en place.
100 000 policiers et militaires sont mobilisés.
360 000 pèlerins se sont rendus dans des centres de soins médicaux.

Informations sur l’exposition
Institut du Monde Arabe – 1, rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris
Exposition jusqu’au 17 août 2014
Tarifs : De 8.50 euros à 10.50 euros

Publié le 07/07/2014


Ines Zebdi est étudiante à Sciences Po Paris. Ayant la double nationalité franco-marocaine, elle a fait de nombreux voyages au Maroc.


 


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