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Face à l’incroyable développement que connaissent actuellement les émirats du golfe Persique, on a souvent tendance à oublier la longue tradition maritime qui a caractérisé leurs économies pendant de nombreux siècles. Les revenus générés dans le Golfe reposaient en effet essentiellement sur le commerce des perles, avant l’avènement de la manne pétrolière.
En effet, les perles constituent pendant de nombreuses années l’un des seuls produits exportables et véritablement lucratifs pour les Etats du Golfe. L’élevage des chameaux, des chèvres et des moutons et l’agriculture avec la culture des dattes, définissent la production des émirats mais c’est principalement de la mer que les populations tirent de plus grands profits. Bahreïn, le Koweït, Oman et les Etats de la Trêve (les Emirats arabes unis actuels) pratiquent tous la pêche de la perle depuis l’Antiquité. C’est cependant seulement à partir du XVIIème siècle que les perles du Golfe commencent à être connues des Européens, renforçant le caractère stratégique de la région. Trois espèces d’huitres perlières forment d’importants bancs à différentes profondeurs au large de la côte et assurent un certain revenu aux populations des ports.
Ainsi, chaque année, entre juin et octobre, la saison de la pêche de la perle est officiellement ouverte par les cheikhs. Toutes les embarcations partent ensemble en direction des bancs d’huitres et ne reviennent sur la terre ferme qu’une fois la saison terminée. L’accès aux bancs est ouvert à tous et aucun cheikh n’a la possibilité de s’en attribuer une partie. On peut toutefois noter que leur exploitation est strictement réservée aux Arabes de la côte et que la pêche réalisée par des embarcations étrangères est mal perçue. Une fois les embarcations amarrées, les plongeurs travaillent toute la journée, ne s’arrêtant que pour la prière et le café. Ils plongent environ soixante fois par jour. Aidés d’une grosse pierre pour accélérer leur descente, les plongeurs sont ramenés à la surface par une corde tirée par un haleur lorsqu’ils viennent à manquer d’air. Ils restent entre une minute et une minute trente sous l’eau, le temps de ramasser, à l’aide de gants en cuir, des huitres qu’ils entassent dans un panier accroché à la taille. Leur équipement se résume à une pince en os afin de boucher le nez et à de la cire pour protéger les oreilles. Les huitres sont ensuite ouvertes le lendemain matin (les huitres étant plus faciles à ouvrir après une nuit passée à l’air libre) et les perles sont triées sous la surveillance du capitaine. Ce travail, très éprouvant, laisse le plongeur à la merci des méduses, des requins et des raies susceptibles de le blesser avec leurs queues tranchantes. Les perles sont ensuite revendues dans les ports, à la fin de la saison, à des négociants d’origine indienne pour la plupart.
C’est véritablement sous la domination britannique, au XIXème et au début du XXème siècle, que le commerce des perles prend son essor. En effet, les traités de paix signés entre les cheikhs et la Grande-Bretagne pacifient la zone et favorisent ainsi les échanges maritimes entre les émirats et l’Inde. On compte environ 3 000 bateaux destinés à l’industrie de la perle dans l’ensemble des ports du Koweït, de Bahreïn et des Etats de la Trêve au XIXème siècle. Le port d’Abu Dhabi, par exemple, en comptait à lui seul 350, celui de Dubaï 300 et ceux de Sharjah et de Ras al-Khaimah 350. Dans les années 1900, 22 000 hommes étaient employés dans le secteur. Les perles de Bahreïn et de Dubaï connaissent alors une renommée internationale. Elles se vendent en Inde, leur marché traditionnel, mais aussi en Grande-Bretagne, en France et aux Etats-Unis. Par ailleurs, le développement du secteur perlier entraine peu à peu la sédentarisation d’une partie de la population bédouine, même si son mode de vie et ses traditions restent prégnantes. Des villages comme Abu Dhabi ou Dubaï s’agrandissent considérablement au début du XXème siècle.
Le marché perlier, en pleine expansion dans la première décennie du XXème siècle, est fortement ralenti avec la Première Guerre mondiale. Quelques années plus tard, la crise économique de 1929 provoque une forte baisse de la demande et met en grande difficulté l’industrie perlière. C’est finalement la concurrence du Japon et de ses perles de culture qui porte le coup de grâce définitif au commerce perlier du Golfe. Le déclin de l’industrie perlière jusqu’aux années 1950 aura de graves conséquences sur les populations du Golfe qui connaissent alors une période de pauvreté.
Ce déclin est compensé dans les années 1930-1940 par les premières explorations pétrolières, puis dans les années 1960 par les premières exportations de pétrole, apportant aux Emirats une nouvelle source de revenu florissante.
Bibliographie :
K. G. Fenelon, The United Arab Emirates, an economic and social survey, Londres-New York, Longman Group, 1976.
Frauke Heard-Bey, Les Emirats arabes unis, Paris, Editions Kharthala, 1999.
Philippe Lannois, Encyclopédie de voyage, Emirats arabes du Golfe, Koweït-Bahreïn-Qatar-Fédération des Emirats Unis, Genève, Les Editions Nagel, 1977.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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