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Comité Union et Progrès dans l’Empire ottoman

Par Lisa Romeo
Publié le 20/12/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Formation et prise de pouvoir du Comité

Les mouvements d’opposition se développent cependant en 1907 avec la fusion du groupe Jeune-turc de Paris dirigé par Ahmed Riza, avec la Société ottomane pour la liberté créée à Salonique une année auparavant. Ils forment ensemble le Comité Union et Progrès (CUP). Leur programme politique reste assez flou. Ahmed Riza défend un certain centralisme autoritaire considérant qu’une décentralisation ne peut qu’engendrer le démantèlement de l’empire. Il s’inspire des théories françaises d’Auguste Comte, du positivisme ainsi que de la franc-maçonnerie. Le CUP entend moderniser l’Empire par transposition des modèles européens. Le Comité considère alors que le meilleur moyen de passer à l’action contre le sultan est d’obtenir l’appui de l’armée. Une intense propagande jeune-turque s’organise alors dans les milieux militaires. Le Comité se développe très rapidement en Macédoine où de nombreuses cellules secrètes se créent et provoquent des soulèvements qui engendreront en juillet 1908 la Révolution (Révolution jeunes turcs) et la restauration de la Constitution. Le nombre de membres du Comité passe ainsi de 300 à plusieurs dizaines de milliers ; le CUP s’impose peu à peu, avec les élections parlementaires de décembre 1908, à la tête du gouvernement.

Cependant, très rapidement, le manque de programme précis crée d’importantes divergences au sein du Comité et les revendications irrédentistes s’accentuent dangereusement. Le Comité éprouve alors une certaine difficulté à imposer son parti, d’autant plus que le gouvernement prend une tournure de plus en plus autoritaire : liberté d’expression fortement contrôlée, interdiction d’associations politiques nationalistes. Quelques mois plus tard, déjà, la contre-révolution d’avril 1909 orchestrée par des religieux et des partisans de l’ancien régime menace fortement le Comité qui ne réussit à se maintenir au pouvoir qu’au prix d’une intervention de l’armée de Salonique à Istanbul. Les principaux responsables contre-révolutionnaires sont alors pendus sur les places publiques. L’opposition est peu à peu éliminée. Le Comité doit faire face aux crises balkaniques et à la guerre en Tripolitaine contre l’Italie.

En 1913, un triumvirat prend le pouvoir, composé d’Enver (1881-1922), ministre de la Guerre, Djemal, gouverneur militaire d’Istanbul et de Talaat, ministre de l’Intérieur. Ils prennent tous les trois le titre de pacha et contrôlent les différentes institutions. Tous les partis sont interdis. Les trois pachas décident un an plus tard d’engager l’Empire dans la Première Guerre mondiale au côté de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Ils espèrent ainsi s’émanciper de la tutelle économique et politique de la France et de la Grande-Bretagne. L’entrée en guerre leur donne également l’occasion de combattre leur principal adversaire russe aux côtés d’une armée allemande qu’ils considèrent comme supérieure. Enfin, une victoire contre la Russie leur permettrait de reconquérir les régions turcophones dans le cadre du panturquisme. La décision d’entrer dans la guerre va finalement précipiter le démembrement de l’Empire ottoman et marquer la fin du régime jeune-turc en 1918 au profit d’un nouveau gouvernement favorable aux alliés après la fuite des dirigeants unionistes. Le territoire turc est alors pour la première fois de son histoire occupé par des puissances étrangères. C’est également lors du conflit, en 1915, qu’ont eu lieu d’importants massacres de populations arméniennes qui ont fait entre 600 000 et 800 000 victimes.

La politique du Comité Union et Progrès

Sur le plan intérieur, le Comité met immédiatement en place une politique de modernisation d’Istanbul : l’électricité et le téléphone sont notamment installés. Il encourage également l’émancipation de la femme en créant, par exemple, un lycée laïc pour jeunes filles en 1911 ou encore des sections féministes au sein du parti. Des progrès sont également faits dans le monde ouvrier avec la formation de syndicats. Par ailleurs, il tente d’unir l’Empire en cherchant à abolir le système des Millet qui confère jusqu’à présent aux communautés non-musulmanes un statut de semi-autonomie. Le Comité décrète l’égalité entre tous les citoyens ottomans, leur conférant les mêmes droits et devoirs comme le service militaire obligatoire pour tous.

Toutefois, l’élément turc (qui représente seulement un tiers des populations de l’Empire) est de plus en plus favorisé au détriment des autres minorités. Le CUP s’oppose aux nouvelles revendications nationalistes émergentes dans l’Empire. Le nationalisme turc devient alors de plus en plus ouvertement valorisé par le Comité qui adopte les théories du panturquisme appellant à l’union des peuples turcs d’Asie. Une politique d’ottomanisation culturelle est mise en place, cherchant à unifier le système éducatif et favorisant la langue turque. Finalement, la révolution accentue les problèmes d’intégrations des différentes nationalités qui composent l’Empire. Cette politique nationaliste du comité tend alors à renforcer les tendances séparatistes des populations arabes notamment.

Les jeunes turcs sont également de fervents patriotes et cherchent donc à limiter les ingérences des puissances dans l’Empire afin de maintenir l’unité territoriale. Une politique extérieure ambiguë est alors mise en place : il s’agit d’abolir les privilèges des puissances tout en cherchant leurs investissements afin de moderniser l’Empire. Il s’agit également de diversifier les alliances avec les puissances pour équilibrer leur importance.

Bibliographie :
Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie contemporaine, Paris, Editions La Découverte, 2004 ?
Robert Mantran (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989 ?_ Ibrahim Tabet, Histoire de la Turquie de l’Altaï à l’Europe, Paris, L’Archipel, 2007
Yves Ternon, Empire ottoman, le déclin, la chute, l’effacement, Paris, Editions du Félin/Editions Michel de Maule, 2002

Publié le 20/12/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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