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L’Iran est une théocratie de 81 millions d’habitants. L’islam représente environ 98% de la population, mais il existe de nombreuses minorités religieuses. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’instauration de la République islamique d’Iran en 1979, qui place la shari’a au-dessus de la constitution, n’a pas modifié en profondeur la place de ces minorités dans la société.
La Perse a été très tôt dans l’histoire un carrefour entre les peuples. Ce lieu de mixité a donné naissance à un foisonnement intellectuel, artistique et religieux majeur tout au long des siècles. A tel point que l’historien Richard Foltz (1) minore le rôle du Proche-Orient au profit de l’Iran dans la naissance des religions actuelles.
Il faut faire la distinction entre minorité ethnique, minorité linguistique et minorité religieuse. En Iran cohabitent sept groupes linguistiques, une quinzaine d’ethnies et six religions différents. Ces groupes sont pour la plupart assez larges, connaissent des ramifications en leur sein et se superposent les uns aux autres, ce qui ajoute à la complexité du paysage ethno-linguistico-religieux national. Par exemple, les Arabes sont essentiellement musulmans sunnites et parlent l’arabe ; mais les baha’is sont Persans et parlent le farsi. Vis-à-vis de ces minorités, tant la dynastie Pahlavi (1925-1979) que l’actuelle République islamique ont adopté des politiques d’assimilation et d’intégration à une identité iranienne, ou « iranité », commune.
Depuis l’instauration sous la contrainte du chiisme duodécimain (ou ja’fari) comme religion officielle de l’Etat iranien par Ismaïl Ier en 1501, le chiisme s’est largement répandu au sein de la nation iranienne. Représentant aujourd’hui entre 80 et 90% de la population, selon les sources, l’Iran est toujours le seul Etat à être officiellement chiite. A titre de comparaison, le chiisme représente 10 à 15% des musulmans dans le monde.
Le chiisme duodécimain est parfois surnommé par les sunnites le « chiisme iranien », ce que récusent les Iraniens. Cette dénomination est le résultat de plusieurs siècles de particularismes et d’indépendance de l’Iran vis-à-vis de l’islamisation et des mondes arabes et ottomans voisins (2). D’une part parce que la langue arabe ne s’est pas imposée en parallèle de l’islam au moment de la conquête (VIIe-VIIIe siècles ap. J.C.). Contrairement aux langues parlées dans les autres régions en cours d’islamisation, le persan a su résister face à l’arabe et demeurer la langue du quotidien, de la politique et de la poésie, tandis que l’arabe n’était adopté que pour la religion. D’autre part parce que la dynastie Safavide a adopté le chiisme comme religion officielle en partie en opposition à l’Empire ottoman sunnite voisin, séparant définitivement l’Iran du reste du monde musulman. Mais il ne faut pas oublier pour autant qu’en 1501 peu de Perses étaient chiites, et que l’instauration du chiisme comme religion officielle relevait d’une décision politique plus que d’une réalité populaire.
Les musulmans sunnites, essentiellement Kurdes, Turkmènes, Baloutches et Arabes représentent entre 9 et 15% de la population. Les sunnites sont plutôt implantés dans les zones frontalières de l’Iran et au niveau du Golfe persique, mais il existe également quelques petites communautés sunnites dans le centre-est du pays. Les sunnites sont considérés comme des citoyens de seconde zone dans la société, à l’instar des baha’is.
Les baha’is représenteraient entre 100 000 et 500 000 individus en Iran et constitueraient la deuxième religion du pays après l’islam. Le baha’isme est une secte issue du chiisme au XIXe siècle sous la prédication de l’Iranien Bahá’u’lláh, qui prônait l’unité de l’humanité, une éducation universelle, l’égalité des sexes, la paix dans le monde et la création d’une langue universelle. Les croyants baha’is se convertissent à l’âge adulte après l’acceptation de la vérité religieuse prêchée par le prophète Bahá’u’lláh. Ils sont présents dans le monde entier et revendiquent plusieurs millions de fidèles. Les autorités iraniennes considèrent ce mouvement apostat et à la solde des puissances occidentales et d’Israël, puisque le centre religieux du mouvement se situe aujourd’hui à Haïfa, en Israël. Les baha’is n’ont pas le droit de travailler, d’étudier à l’université, d’inscrire leurs noms sur leurs tombes… Les baha’is d’Iran sont plutôt citadins et Persans.
Pour ces deux minorités, il n’existe pas de statistiques officielles, ce qui explique la difficulté d’évaluation de leur part dans la société iranienne.
Les trois minorités religieuses reconnues et protégées par le régime sont les juifs, les zoroastriens et les chrétiens. La Constitution de 1979 prévoit un député pour les juifs, trois députés pour les chrétiens (un député pour les Chaldéens, un député pour les Arméniens et un député pour les Assyriens) et un député pour les zoroastriens. En revanche, la voix d’un non-musulman (ou d’une femme) au tribunal vaut la moitié de la voix d’un musulman.
La diaspora juive en Iran est ancienne, elle remonterait au VIe siècle ap. J.C. Les juifs étaient nombreux en Iran jusqu’en 1979. En 1976, on en dénombrait encore 62 000 alors que partout ailleurs au Moyen-Orient, les communautés juives avaient presque disparu en raison de la création d’Israël. Bien que la Constitution de 1979 donne un statut aux juifs et un siège au Parlement, ils ont massivement émigré vers Israël, le pouvoir les accusant de sionisme et de collusion avec Israël et les Etats-Unis.
Les zoroastriens sont les héritiers de la religion antique du mazdéisme réformée par Zoroastre entre le VIIe et le XVIIe siècle avant J.C. Ils seraient environ 20 000 demeurant en Iran et habiteraient surtout dans des petits villages des provinces du Yazd et du Kermân, vers le centre de l’Iran.
Les chrétiens se regroupent sous trois Eglises reconnues par l’Etat : arménienne, assyrienne et chaldéenne. Ils ne sont pas persécutés et ont certaines libertés, comme de produire de l’alcool. Les chrétiens arméniens sont majoritaires (entre 200 000 et 400 000 individus) et sont les plus intégrés. Ils sont installés à Ispahan et à Téhéran. Les chrétiens chaldéens seraient 8000.
Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
– Cartographie des religions (1) – Aperçu régional au XXIe siècle
– Cartographie des religions (2) – Le Proche-Orient
– Cartographie des religions (3) – La péninsule arabique
Notes :
(1) Richard FOLTZ, L’Iran, creuset des religions : de la préhistoire à la République islamique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007.
(2) Yann RICHARD, « L’Islam en Iran », Grand atlas des religions, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1990.
Bibliographie :
– Ali BANUAZIZI, Myron WEINER, The State, Religion and Ethnic Politics. Afghanistan, Iran, and Pakistan, New York, Syracuse University Press, 1986.
– Anne-Laure DUPONT, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Paris, Autrement, 2014.
– Richard FOLTZ, L’Iran, creuset des religions : de la préhistoire à la République islamique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007.
– Yann RICHARD, « L’Islam en Iran », Grand atlas des religions, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1990.
– André SELLIER, Jean SELLIER, Atlas des peuples d’Orient. Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, Paris, La Découverte, 2002.
– Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.
Sitographie :
– Dossier « Les religions d’Iran », La Croix : http://www.la-croix.com/Monde/Religions-d-Iran-2014-08-19-1193805
– http://iran.blog.lemonde.fr/2010/08/10/le-bahaisme-seule-religion-officiellement-persecutee-en-iran/
– http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/la-republique-islamique-une-theocratie-videe-de-son-caractere-religieux-14-06-2013-3160_118.php
– http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Bien-que-musulmans-les-sunnites-d-Iran-sont-discrimines-2014-08-22-1195271
Pour la carte :
– http://www.lejdd.fr/var/lejdd/storage/images/media/carte-infographie-arabie-saoudite-iran/12333179-1-fre-FR/Carte-infographie-Arabie-saoudite-Iran.jpg
– http://www.liberation.fr/planete/2016/01/05/iran-arabie-saoudite-un-conflit-a-fragmentation_1424552
Oriane Huchon
Oriane Huchon est diplômée d’une double licence histoire-anglais de la Sorbonne, d’un master de géopolitique de l’Université Paris 1 et de l’École normale supérieure. Elle étudie actuellement l’arabe littéral et syro-libanais à l’I.N.A.L.C.O. Son stage de fin d’études dans une mission militaire à l’étranger lui a permis de mener des travaux de recherche sur les questions d’armement et sur les enjeux français à l’étranger.
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