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Bernard Hourcade, Géopolitique de l’Iran

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 23/12/2010 • modifié le 25/04/2020 • Durée de lecture : 5 minutes

L’histoire de l’Iran est ainsi rappelée, sa situation géographique, sa langue et sa culture ainsi que l’origine de sa population : « les Iraniens sont d’origine indo-européenne et non pas sémitique comme leurs voisins arabes, ou ouralo-altaïque comme les Turcs ». Bernard Hourcade aborde également la question du nationalisme iranien, de ses origines à la République islamique. Car si « le nationalisme iranien s’est construit au XX ème siècle avec la création d’un Etat-nation moderne (…), les prémisses du nationalisme iranien contemporain se trouvent dans l’Iran qadjar (…) ».

La question religieuse est également analysée par l’auteur, qui rappelle que « l’Iran chiite occupe (…) une place à part dans un monde musulman sunnite, c’est en effet le seul Etat où cette obédience minoritaire de l’islam est la religion officielle depuis 1502, sur décision de Chah Isma’il, le premier souverain safavide ». A la suite de la révolution islamique de 1978, plusieurs courants s’organisent, qui au delà de leur rivalité pour obtenir le pouvoir, veillent cependant à ce que la République issue de la révolution reste en place. Les Iraniens sunnites ont pour leur part été marginalisés sur le plan politique et juridique à la suite de la révolution.

La question du positionnement de l’Iran dans le monde est évoquée, au regard des différentes époques historiques. Ainsi, si l’Iran reste en retrait de la scène internationale jusqu’à la révolution islamique, il s’y positionne à partir de 1978. Les raisons avancées sont l’évolution de l’alphabétisation notamment. Aujourd’hui, la société iranienne se caractérise par la modernité de sa culture, et en particulier par l’essor des technologies de l’information, qui confirme que « la mondialisation fait partie intégrante de l’identité iranienne contemporaine ». L’entrée de l’Iran sur la scène internationale a pour conséquence qu’il subit les contraintes de la mondialisation, en particulier l’embargo économique américain, mis en place depuis la crise des otages de 1979. En outre, sur le plan de sa politique extérieure, l’Iran se heurte aux Etats-Unis : « la politique extérieure de la République islamique a été marquée sinon fondée sur l’opposition aux Etats-Unis à la fois comme puissance ayant exercé directement une tutelle sur le pays, mais plus encore comme symbole de l’impérialisme, de ‘’l’arrogance mondiale’’ et d’une culture occidentale dominatrice face à laquelle l’islam voulait être reconnu ».

L’Iran dispose de plusieurs moyens stratégiques, qui sont l’armée, les Gardiens de la Révolution, la police, la milice, l’armement et le nucléaire. Bernard Hourcade analyse l’évolution de chacun d’entre eux. Un retour par l’histoire est effectué pour l’armée, avec en particulier le moment décisif de la guerre Iran-Irak : « Huit années de guerre ont donné aux forces armées iraniennes une expérience unique qui continue de marquer les esprits et les stratégies militaires. La guerre en quelque sorte a sauvé l’armée du Chah en lui permettant de montrer sa fidélité à la patrie (vatan) et à l’islam ». La création le 5 mai 1979 des Gardiens de la Révolution est relatée et son évolution analysée, de même que celles de la gendarmerie et de la police, de la police politique créée en 1957, et des services de renseignement. Une milice, celle des Mobilisés, est créée dans les années 1980, dans le but d’encadrer les partisans de la Révolution. Sur le plan de l’armement et des capacités militaires de l’Iran, « même les analyses des instituts spécialisés (Janes, Rand, IISS) passent rapidement sur l’analyse critique des données militaires formelles pour insister sur les questions idéologiques et politiques, comme pour étayer l’idée que la question qui compte le plus est l’existence du régime islamique et non sa capacité militaire ». L’auteur évoque ainsi l’organisation de l’armée et son mode de commandement pour l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine. La question du nucléaire est également traitée, dans une perspective historique, par l’évocation de l’accord de coopération signé entre l’Iran et les Etats-Unis en 1957, puis par la poursuite du développement des programmes nucléaires de l’Iran et par les mesures envisagées par la communauté internationale afin d’y faire face.

La politique extérieure de l’Iran est également étudiée, de la révolution islamique à la présidence de Mahmoud Ahmadinejad. Le principe de la politique extérieure de l’Iran est ensuite rappelé : « le premier principe de la politique extérieure de la République islamique est l’indépendance qui fait appel au nationalisme unanimement partagé par tous les Iraniens. Dans la continuité de la crainte historique d’être encerclé, envahi, dominé par des forces étrangères, la défense de l’identité nationale s’est traduite par un réflexe de méfiance et un rejet systématique de tout ce qui était ‘’étranger’’, dans tous les domaines ». Dans cette volonté d’indépendance, l’identité religieuse de l’Iran est également affirmée, en tant que pays chiite. Bernard Hourcade dresse en outre un tableau des sept enjeux de la politique iranienne : le pétrole et le gaz ; le positionnement chiite de l’Iran au regard des Etats sunnites de la région ; la question d’Israël ; l’enjeu des provinces kurdes, du Baloutchistan, du Golfe persique, de Téhéran, de l’Irak, de l’Afghanistan et du Pakistan, de la Caspienne ; les relations avec les Etats-Unis.

Les relations de l’Iran sont ensuite analysées : « aux trois composantes, nationale, islamique et internationale, de l’identité de l’Iran correspondent trois ‘’cercles’’ géographiques : les pays frontaliers, le monde islamique et le reste du monde ». C’est ainsi que l’auteur se penche sur « l’Iran et ses voisins », en lien avec les événements historiques qui ont marqué la région, en particulier la Turquie, l’Irak, les Etats du Golfe, le Caucase et l’Asie centrale, le Pakistan et l’Afghanistan, la Russie. Au final, « le cercle des pays voisins, souvent hostiles ou rivaux, touche bien plus les Iraniens que les grandes questions liées à l’islam politique ou aux stratégies américaines ». La question de « l’Iran et le monde islamique » est ensuite abordée, formé « par les pays musulmans peuplés d’un milliard de Croyants ». La question se pose alors des relations entretenues entre l’Iran et les chiites de la région, entre l’Iran et Israël, la Syrie et le Liban, puis avec l’Asie et l’Afrique. Enfin, les liens entre l’Iran et les Etats-Unis, l’Europe, l’Asie orientale et méridionale, l’Amérique latine sont exposés.

En conclusion, l’auteur s’interroge sur la possibilité pour l’Iran d’être une puissance régionale : « L’Iran est certes indépendant, mais est-il capable d’être une puissance régionale, c’est-à-dire un pays respecté et influent ? L’histoire tourmentée de ces trois dernières décennies a engendré une méfiance durable envers l’Iran, rendant improbable, à court ou moyen terme, que ce pays occupe une place hégémonique dans la région, même avec une arme nucléaire ». Il apparaît cependant que sur le plan mondial, l’Iran se positionne en puissance émergente, selon plusieurs critères, « même si son épanouissement est pour le moment impossible, bloqué par les crises politiques internes comme externes ».

Bernard Hourcade, Géopolitique de l’Iran, Paris, Armand Colin, 2010, 295 pages.

Publié le 23/12/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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