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« Face au crime, il faut élever la voix et arrêter Bachar. Le silence et l’inaction ne sont pas des solutions » déclare le 23 février 2014, Elie Wiesel, écrivain américain d’origine roumaine, au Journal du Dimanche. Le Prix Nobel de la Paix âgé de 85 ans n’a pas hésité à définir le drame syrien comme un « crime contre à l’humanité » dont la « responsabilité première » reviendrait à un seul homme « Bachar el-Assad [qui] massacre son propre peuple [1] ». Longtemps encensé comme un homme d’ouverture et un réformateur, comparé tantôt à Gorbatchev [2], tantôt à Machiavel [3], le président syrien est aujourd’hui diabolisé par la plupart des médias occidentaux qui n’hésitent pas à faire de lui « le plus grand meurtrier de masse du début du XXIe siècle [4] ». Car la déception a été d’autant plus forte que les espoirs placés en cet homme - à la personnalité difficile à cerner – ont été importants [5].
Lire la partie 2 : Bachar el-Assad : un homme à deux visages (2/2)
Rien ne prédisposait Bachar el-Assad à devenir président de la République arabe syrienne. Né le 11 septembre 1965 à Damas de l’union d’Hafez el-Assad et d’Anissa Makhlouf, il n’a que 5 ans lorsque son père s’impose à la tête du pouvoir par un coup d’Etat. Sa personnalité et son parcours se distinguent par de nombreux aspects de ceux de ses frères Bassel et Maher et de sa sœur Bushra. Il est décrit comme un enfant réservé, qui ne profite pas tellement des avantages de son statut. Son baccalauréat en poche, il préfère entamer des études de médecine plutôt que de poursuivre une carrière militaire et/ou politique, à la différence de ses frères. Il acquiert son doctorat à l’Université de Damas en 1988 avant de s’envoler pour Londres quatre ans plus tard pour se spécialiser en ophtalmologie au Western Eye Hospital.
Son destin bascule brutalement avec la mort de l’héritier présumé de son père, son frère ainé Bassel, dans un accident de voiture en 1994. Seulement 18 mois après s’être installé à Londres où il a déjà entamé une prometteuse carrière de médecin au St Mary’s Hospital, le jeune homme de 28 ans est contraint de rentrer d’urgence en Syrie. Car c’est sur lui, et non sur son frère Maher, que le choix de son père se porte pour lui succéder à la présidence en dépit de sa timidité, de ses défauts d’élocution, de son inexpérience et de son désintérêt pour la politique. Tout cela tranche avec son ainé Bassel, militaire de formation, tôt initié aux affaires politiques, réputé sportif - surtout mordu d’équitation - charismatique et populaire. Pour s’imposer à la tête du pays, Bachar el-Assad doit alors gagner la confiance de l’armée et le soutien du peuple en franchissant, en un temps record, toutes les étapes lui permettant d’être prêt à assurer une transition en douceur au moment voulu.
En l’espace de six années, il intègre l’Académie Militaire de Homs et franchit aisément les échelons de la hiérarchie militaire en étant promu Major en 1995, Lieutenant-colonel en 1997, puis Colonel du corps d’élite de la garde présidentielle en 1999, position qui lui permet de congédier certains récalcitrants en faveur de jeunes officiers alaouites dont il s’était au préalable assuré la loyauté. Parallèlement, il devient conseiller politique de son père et effectue des missions de confiance pour le gouvernement : il rencontre Jacques Chirac en 1999 et se charge du dossier libanais, dont s’occupait jusque-là le vice-président Abdul Khaddam, l’un des rares responsables politiques sunnites membre du gouvernement Assad. A Beyrouth, il soutient la candidature du pro-syrien Emile Lahoud à la présidence de la République en 1998 et écarte du pouvoir l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. En termes de politique intérieure, sa campagne de lutte contre la corruption lui permet tout à la fois de se débarrasser de ses rivaux potentiels et de gagner la confiance du peuple. Le 10 juin 2000, à la mort de son père, il est enfin prêt. Le Parlement amende en sa faveur l’article 83 de la Constitution pour abaisser l’âge minimum de candidature à la présidentielle, de 40 à 34 ans, et soumet la candidature du nouveau secrétaire général du parti Baath à la présidence de la République arabe syrienne, choix confirmé le 10 juillet par un scrutin référendaire dont il est le seul candidat. Le jeune homme à la moustache fine et au front haut légèrement dégarni, comme son père à son âge, n’a alors que 34 ans.
En 2011, Bachar el-Assad aurait confié à une délégation d’étudiants sa difficulté à assumer les brutalités du pouvoir et son manque apparent de ferveur en faveur du régime alors qu’il était encore étudiant [6]. Pour comprendre ses réticences à endosser l’héritage paternel, il convient de revenir sur les fondements du régime mis en place par Hafez el-Assad et les défis auxquels son « héritier » est désormais confronté.
La Syrie, qui est alors considéré comme l’« enfant terrible du Proche-Orient » d’après l’historien Georges Corm [7], est le théâtre de plusieurs coups d’Etat depuis son indépendance en 1946 permettant finalement au parti de la résurrection arabe (parti Baath) de prendre le pouvoir en 1963, date à partir de laquelle le pays n’a plus connu d’élections démocratiques. Mais ce parti connait lui-même un record de factionnalisme interne, divisé en deux principales branches rivales à partir de 1966 : une aile civile radicale, et une aile militaire plus pragmatique. Hafez el-Assad, né dans une famille pauvre de confession alaouite, une branche minoritaire du chiisme, prend rapidement le contrôle de la faction militaire, jusqu’à s’imposer à la tête de l’Etat après le coup d’Etat de novembre 1970, au terme duquel il purge le Baath de ses éléments d’extrême-gauche.
Il entreprend ensuite une vaste politique de redressement de la Syrie. Sur le plan intérieur, il annonce des mesures de libéralisation politique – avec la constitution d’un front national, regroupant les forces de l’opposition (nassériennes et communistes) sous l’égide du Baath – et de libéralisation économique, bien que perdure la conception autoritaire du rôle de l’Etat dans l’économie dite « socialiste » et que la libéralisation du régime des importations et la réorientation des échanges vers l’Occident ne profite qu’à une partie privilégiée de la classe commerçante. En termes de politique étrangère, il s’attelle à briser l’isolement diplomatique du pays qu’avait provoqué le gauchisme d’Etat depuis 1966/1967. Il réussi un coup de maître en jouant sur deux fronts. D’un côté, il engage des pourparlers avec Israël et les Etats-Unis dans l’espoir de récupérer le Golan, territoire syrien occupé (1967) puis annexé (1981) par Israël, qui aboutissent en 1974 à un accord de désengagement partiel avec Israël et à la visite du président américain Richard Nixon à Damas. De l’autre, il maintient une ligne politique intransigeante vis-à-vis de l’Etat hébreu mais, conscient du danger que représenterait une confrontation directe, il fait le choix d’une pression indirecte en soutenant le Hezbollah (au Liban) et le Hamas (dans les Territoires palestiniens). Il se rapproche également de l’Iran chiite et envoie des troupes au Liban, à l’occasion de la guerre civile de 1975, qui se transforment rapidement en armée d’occupation.
En menant une politique plus modérée, cohérente avec le glissement politique général vers la droite dans le monde arabe, Hafez el-Assad incarne une nouvelle ère de relative stabilité en Syrie [8]. Pour rester au pouvoir, il va s’employer trente années durant à renforcer les assises du régime dictatorial dont il a hérité. Au cœur de ce système, le Président est omnipotent et la marge de manœuvre des citoyens est strictement encadrée : les Syriens se contentent d’élire le président [9] par référendum et les conseils provinciaux chargés d’assister les gouverneurs nommés par le gouvernement dans chaque province administrative ; le Parlement (ou Assemblée du peuple) enregistre les lois dont l’initiative revient aux ministres [10] ; les partis politiques ne peuvent s’exprimer qu’au sein du Front national progressiste (FNP) [11]. Le régime contrôle tous les pans de la société syrienne, s’appuyant pour cela sur les membres de la minorité alaouite [12] placés à tous les postes clés du pays et sur un puissant appareil policier et de renseignement qui utilise des moyens de répression (état d’urgence [13], arrestations, torture, procès truqués, assassinats, etc.) pour mater les contestataires et s’assurer de la docilité de la population. L’écrasement militaire du soulèvement des Frères musulmans, groupe de fondamentalismes sunnites, dans la ville de Hama en 1982 laissant entre 15.000 et 30.000 victimes [14], est le point culminant de cette politique.
Pendant ce long règne républicain, le « génie » d’Hafez el-Assad s’illustre ainsi par son habilité à remodeler un régime autoritaire dictatorial en sa faveur tout en gagnant en légitimité auprès du peuple syrien en apparaissant comme le garant de la stabilité politique et sociale qui lui a si longtemps fait défaut, et auprès de la communauté internationale en plaçant la Syrie en acteur incontournable de la scène proche-orientale. Son fils hérite ainsi d’un système très bien rodé, qui va de pair cependant avec les nombreux maux dont souffre la Syrie : pauvreté, chômage, économie stagnante marquée par le déclin des revenus pétroliers, état de corruption généralisée, espace public et politique restreint. Reste à savoir à présent ce qu’il compte en faire, le conserver ou le réformer.
Car bien que personnifiant la continuité du régime totalitaire syrien, Bachar el-Assad incarne également un espoir de changement, par sa jeunesse mais aussi par sa maitrise de l’anglais et ses options modernistes. En Europe, Il aurait été confronté aux valeurs et au mode de vie « à l’occidental » et se serait découvert une véritable passion pour les hautes technologies, qu’il met à profit à son retour en Syrie en développant le réseau internet et la téléphonie mobile en tant que président de la Syrian Computer Society. D’après David W. Lesch, Bachar el-Assad aurait laissé un très bon souvenir au docteur M. Schulenberg dont il fut l’apprenti au St Mary’s Hospital, opinion apparemment partagée par la plupart de ses collègues et patients [15]. A Londres, il rencontre aussi celle qui deviendra la mère de ses trois enfants, Asma al-Akhras, que le magazine Vogue surnomme la « Rose du Désert » dans son édition de mars 2011, pour son côté chic et glamour. Née dans la banlieue ouest de Londres, diplômée en informatique et en littérature française du King’s College de Londres et spécialiste des fusions-acquisitions chez JP Morgan, Asma el-Assad jouit rapidement d’une exceptionnelle popularité, en charmant l’opinion publique par ses apparitions médiatiques et son engagement humanitaire.
Au départ, ce couple « moderne » ne dément pas les espoirs placés en lui. Lors de son discours d’investiture le 17 juillet 2000 à Damas, Bachar el-Assad promet en guise de bonne foi une libéralisation tant économique que sociale, laissant présager une ère nouvelle de démocratisation de la Syrie [16]. S’ouvre alors ce que les Syriens ont baptisé le « Printemps de Damas », période d’ouverture qui se traduit par la libération de centaines de prisonniers politiques ou encore par une réduction de la censure. Dans cet élan, se forment des forums de discussions informels regroupant surtout des intellectuels venus parler réformes et démocratisation du pays. Ces derniers signent en septembre 2000 un « Manifeste des 99 » composé d’une liste de revendication, qui devient rapidement le « manifeste des 1000 ».
Mais « il y a des lignes rouges à ne pas franchir »… C’est en invoquant cette raison que Bachar el-Assad met un terme à cette sorte de perestroïka en faisant arrêter plusieurs activistes dès février 2001. Car ces rassemblements publics sont perçus par le Parti Baath comme une dangereuse contestation de l’ordre établi, et donc une menace d’instabilité politique et sociale. Il ne sera désormais plus question de réformes politiques, et encore moins de démocratie. Dans son discours du 18 mars 2001, il explique que les Syriens avaient « mal compris » les promesses de son discours d’investiture et que la priorité devait être accordée aux réformes économiques [17].
Bachar el-Assad se sachant fragile, il n’aurait pas eu d’autres choix que de plier devant la pression exercée par la vieille garde du régime - les membres les plus radicaux de l’administration de son père - qui ne verrait en lui qu’un leader par défaut [18]. C’est en tout cas l’interprétation généralement retenue pour expliquer ce changement soudain d’attitude. Son élection à la présidence est principalement due au fait que la minorité alaouite au pouvoir a vu en lui sa meilleure chance de préserver ses privilèges et son ascendance sur la majorité sunnite, étant lui-même alaouite, et par-dessus tout, le fils d’Hafez el-Assad, l’homme qui a considérablement consolidé leur position trente années durant. Autant Bachar el-Assad finira par arriver à s’émanciper de la vieille garde, autant la tutelle pesante qu’exerce sur lui sa famille se fait encore sentir aujourd’hui. Car ses proches contrôlent les postes clés du pays. Son jeune frère Maher commande la garde républicaine et la 4e division blindée du 1er corps d’armée ; il incarne l’aile dure du régime avec ses cousins Mundher et Fawaz à la tête des Chabiha, milices chargées de protéger les intérêts du clan alaouite. Son beau-frère, Assef Chawkat, est longtemps en charge du Renseignement militaire. Le banquier Rami Makhlouf, cousin maternel de Bachar, contrôle plus de 50% des activités économiques du pays. Les deux femmes du clan, Anisa et Bouchra, mère et sœur de Bachar, exercent une influence sur les décisions prises au sein du cercle familial. Elles n’ont accepté qu’à contrecœur sa femme Asma, lui reprochant ses origines sunnites et lui refusant longtemps le titre de « Première Dame », titre qui jusque-là revenait à sa belle-mère. Bachar doit donc à son clan familial et confessionnel la position qu’il a acquise et, à ce titre, n’a pas vraiment d’autres choix que de défendre ses intérêts en préservant l’ordre établi. Mais sa part de responsabilité ne doit pas être sous-estimée pour autant.
L’opinion a en effet eu tendance à surévaluer ses aspirations modernistes. Son expérience londonienne, qui a longtemps servi à illustrer son esprit d’ouverture, a été trop brève, et sans doute trop tardive, pour pouvoir l’influencer durablement et en profondeur. Comme le soutient David W. Lesch, Bachar el-Assad reste avant tout le fils d’Hafez el-Assad et le produit du contexte dans lequel il a grandi. Son enfance est marquée par le conflit israélo-arabe (occupation du Golan par Israël suite à la guerre des Six Jours en 1967, guerre du Kippour qui éclate en 1973), les tumultes libanais, la guerre froide et la répression contre l’insurrection islamiste sunnite de Hama menée par son père (1982). Il est le fils d’un système autoritaire construit pour sauvegarder l’acquis et non le réformer.
Par ailleurs, les héritiers proclamés suscitent souvent de fous espoirs, généralement alimentés dans les régimes autoritaires par une vaste politique de propagande visant à rendre le « potentiel réformateur » populaire aux yeux de l’opinion publique, afin d’apporter une nouvelle jeunesse à un pouvoir qui tend par nature à s’essouffler après une longue période d’immobilisme. C’est le cas pour Bachar el-Assad, mais aussi avant lui pour son frère Bassel ; ou encore pour Saïf Al-Islam, fils cadet de Mouammar Kadhafi, régulièrement présenté comme le futur successeur de son père, considéré comme un réformateur - se déclarant ouvertement partisan d’une réforme du système politique libyen -, avant de devenir le symbole de la répression de la rébellion en Libye et d’être placé sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale et d’Interpol pour « crimes contre l’humanité ». Bachar et Asma, en bons communicants, font également appel à des cabinets britanniques de relations publiques, pour les conseiller sur la manière de façonner leur image.
Malgré tout, si l’on en croit David W. Lesch, ses intentions réformatrices étaient sincères à son début de mandat. Décrétant l’avènement d’une « économie sociale de marché », Bachar promet alors l’assainissement des finances publiques, la modernisation du système bancaire, la recapitalisation de certaines entreprises publiques et la mise en place d’une politique favorable à l’accueil des investissements étrangers. Preuve de son efficacité, la croissance du pays passe rapidement de 2% en 2001 à 5% en 2009 [19]. Dans les faits cependant, sa politique économique n’innove pas vraiment. Comme son père avant lui, il promeut une libéralisation sélective, pour s’assurer du soutien de la bourgeoisie d’affaires sans affaiblir le secteur public, support essentiel du régime en place forgé par les gouvernements socialistes au cours de la période postindépendance. Au final, le nouveau régime ressemble sensiblement au précédent, les priorités demeurant la stabilité du pays et la perpétuation de l’élite au pouvoir.
Cependant, les puissances occidentales veulent continuer à voir en lui un réformateur. Car, à ce stade, sa ligne politique semble encore hésitante, l’homme paraissant constamment tiraillé entre le désir d’être aimé pour ce qu’il est et fait et la crainte de passer pour un faible (au sein du Baath et aux yeux de la communauté internationale). De surcroît, après avoir pris un mauvais départ en condamnant la position israélienne lors de la deuxième Intifada quelques mois seulement après son élection, il arrive, par un concours de circonstances, à se rapprocher des Etats occidentaux, et surtout des Etats-Unis. Quoique maintenant une position radicale à l’égard de Tel-Aviv, il coopère avec Washington par services secrets interposés pour lutter contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001.
Mélodie Le Hay
Mélodie Le Hay est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris où elle a obtenu un Master recherche en Histoire et en Relations Internationales. Elle a suivi plusieurs cours sur le monde arabe, notamment ceux dispensés par Stéphane Lacroix et Joseph Bahout. Passionnée par la culture orientale, elle s’est rendue à plusieurs reprises au Moyen-Orient, notamment à l’occasion de séjours d’études en Israël, puis en Cisjordanie.
Notes
[1] Propos repris par la rédaction de lemonde.fr avec l’AFP, « Syrie : « Il faut élever la voix et arrêter Bachar » », 23 février 2014.
[2] David W. Lesch compare Bachar el-Assad à Gorbatchev, montrant que les deux hommes ont choisi deux voies différentes. Placé devant l’inéluctable, Gorbatchev engage le processus de glasnost et de perestroïka ainsi que les mesures socio-économiques nécessaires à la reconfiguration du système soviétique. Le président syrien aurait pu choisir cette voie mais il a préféré s’accrocher à un régime autoritaire contesté de toutes parts plutôt que de le faire évoluer. Voir David W. Lesch, The Fall of the House of Assad, 2012.
[3] Lutyens Sandro, « Dictateur par hasard : Portrait de Bachar el-Assad, 48 ans aujourd’hui », huffpostmaghreb.com, 11 septembre 2013.
[4] C’est la description qu’en fait le journaliste Christophe Ayad, « Bachar Al-Assad, le tyran », lemonde.fr, 21 décembre 2012.
[5] Son principal biographe, David W. Lesch, illustre d’ailleurs très justement tout à la fois les espérances placées dans l’héritier d’Hafez el-Assad (the new Lion of Damascus : Bashar Al-Assad and Modern Syria, 2005), puis l’amertume et la déception dont il est l’objet aujourd’hui (The Fall of the House of Assad, 2012). S’étant opposé à l’occupation française de la Syrie, son grand père Ali Sulayman Al-Wahch avait été surnommé Ali Al-Assad par les Syriens, « Assad » signifiant « lion » en arabe, nom qu’il décida finalement de préserver pour le substituer à « Al-Wahch », signifiant « l’animal sauvage ».
[6] Il leur aurait raconté une anecdote : alors qu’il assistait à une cérémonie publique pour l’anniversaire de son père, il se demandait quelle attitude adopter au moment où la foule applaudissait. Son manque de ferveur déplut à un membre des services secrets qui, ne l’ayant pas reconnu, le frappa au visage. Il préféra partir plutôt que de se faire reconnaitre. Voir l’article de Sara Daniel, « Bachar al-Assad, du timide fils à papa au « boucher de Damas » », nouvelobs.com, 25 janvier 2014.
[7] Corm Georges, Le Proche-Orient éclaté, 1956-2012, tome 1, 2012.
[8] Dans la plupart des régimes militaires arabes, s’ouvre dans les années 1970 une ère de relative stabilité qui s’exprime surtout par le maintien, au début des années 80 des dirigeants de la décennie précédente (Assad en Syrie, Kadhafi en Libye, Sadate en Egypte ou Hussein en Irak).
[9] La Constitution de 1973 lui permet en effet de cumuler les fonctions de secrétaire général du Baath et du Front national progressiste (FNP), de promulguer des lois, modifier la Constitution, déclarer la guerre et l’état d’urgence, nommer fonctionnaires et militaires.
[10] Le Parlement dispose de pouvoirs importants (implication dans la désignation du président et dans le processus de révision constitutionnelle, discute et vote des projets de loi) mais le Baath maintient l’institution sous contrôle.
[11] Le FNP est une coalition de partis politiques créée en 1972 par Hafez el-Assad pour donner l’illusion d’un système multipartiste, étant seuls autorisés les partis politiques qui en sont membres. Mais cette institution est contrôlée par le Baath qui détient au moins 50% des votes du comité de direction.
[12] La domination des minorités religieuses sur la majorité sunnite (70 à 75% de la population) remonte à la période du mandat français, les Français s’appuyant sur elles pour maintenir le contrôle sur le pays, mais les Assad renforcent considérablement la position de la minorité alaouite au sein de l’appareil d’Etat.
[13] Avançant la raison qu’il est en guerre avec Israël, le régime maintient le pays sous état d’urgence, justifiant l’existence des juridictions d’exception où les procès sont souvent truqués et les aveux obtenus sous la torture.
[14] Le nombre des victimes reste difficile à estimer, se situant entre 15.000 et 30.000 morts.
[15] “Mr. Schulenberg remembers Bashar as a gentle, sympathetic doctor with a wonderful bedside manner that distinguished him from most of the other doctors. He was a very good time-keeper, always punctual (he continues to be this way today). He was apparently very popular with the staff at the hospital, as he was known as an honest and compassionate individual, a “real nice chap” as one former staff member fondly recalls. He was “one of the guys” at the hospital, and he never had any bodyguards at the facility. Schulenberg opines that Baschar would have been “a very good doctor. He had an amazing amount of respect for everyone around him””. Lesch David W., The New Lion of Damascus : Bashar al-Asad and Modern Syria, 2005, p. 62.
[16] Il affirme cependant que la Syrie ne pourrait pas devenir une démocratie à l’occidentale, appelant plutôt à une démocratie spécifique pour la Syrie, prenant en compte son histoire et ses spécificités sociales.
[17] Il énumère les lignes rouges à ne pas franchir comme la remise en cause de l’unité nationale, le rôle du parti Baath et des forces armées ou encore l’héritage politique de son défunt père.
[18] Son principal ennemi est son oncle Rifaat el-Assad, interdit de séjour dans le pays depuis 1984 étant accusé d’avoir tenté de prendre le pouvoir. Mais comme ancien commandant des brigades de défense, il compte encore de nombreux partisans.
[19] Taux de croissance réelle de la Syrie d’après les statistiques de l’Index Mundi. Source : CIA World Factbook - version du 1er janvier 2011.
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