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Art et architecture en Egypte pendant le sultanat mamelouk

Par Emilie Polak
Publié le 25/03/2014 • modifié le 23/01/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

Alexandria, seafront with Qatbay Fort

MATTES RENÉ / AFP

Les Mamelouks s’imposent en Egypte au cours du XIIIème siècle et mettent en place une société particulière. Ainsi, les classes dirigeantes de la société mamelouke sont composées d’esclaves, capturés dès leur plus jeune âge dans les steppes turques. Ce système permet notamment de contourner l’interdiction pour les musulmans de se faire la guerre entre eux. Outre un système politique spécifique, la domination mamelouke en Egypte s’est caractérisée par l’essor d’un art et d’une architecture encore visibles de nos jours. L’art mamelouk se caractérise notamment par une production architecturale monumentale et par un travail particulier autour du verre et du métal.

L’architecture mamelouke

Les Mamelouks dominent un vaste espace qui s’étend sur l’Egypte et la Syrie entre 1250 et 1517, date à laquelle les Ottomans s’emparent du Caire. L’emprise politique et géographique de la région est soutenue par un rayonnement culturel considérable. En effet, le pouvoir mamelouk s’inscrit aussi dans le paysage visuel de l’époque. De nombreuses constructions témoignent encore de la présence mamelouke en Egypte, comme par exemple le fort Qatbay édifié à l’emplacement du phare d’Alexandrie sous le sultanat d’Al-Achraf Sayf ad-Dîn Qa’it Bay (il a été sultan entre 1468 et 1496). On peut citer également la mosquée de El Nasser Ibn Kalaoun dans la ville du Caire. Construite en 1335, la mosquée comporte des minarets d’influence turque. Le palais bigarré (Qasr al-Ablaq, 1313) et le Grand Iwan (1315) sont bâtis au sud de la ville, où les Mamelouks ont édifié une citadelle.
Plusieurs éléments caractérisent l’architecture mamelouke. Les monuments construits sont souvent de taille imposante afin d’être vus de loin. Ils sont bâtis avec de belles pierres et manifestent un goût prononcé pour l’asymétrie. L’architecture mamelouke est également caractérisée par la présence de bandeaux épigraphiques le long des façades. De longues lignes d’écriture, appelées tiraz, s’étendent sur la longueur des bâtiments. Par ailleurs, l’architecture mamelouke reprend également des éléments caractéristiques de l’art islamique avec un goût pour les dômes et les minarets. De plus, l’intérieur des bâtiments est souvent décoré de mosaïques de verre. Cette influence islamique, majoritaire dans l’architecture mamelouke, s’explique par les rapports étroits entretenus entre les Mamelouks et les Mérinides [1]. En effet, le contexte géopolitique de l’époque éclaire sur les multiples influences de l’architecture mamelouke. Il faut préciser qu’entre les XIII et XVème siècles, les Mongols s’emparent peu à peu de certaines parties de l’empire musulman. L’Egypte des Mamelouks est une barrière face à ces invasions.
Parallèlement à cela, les Mamelouks développent un réseau commercial qui s’étend de la Méditerranée orientale et de la mer Rouge jusqu’aux comptoirs indiens. Le besoin d’esclaves inhérent à la société mamelouke les pousse à entretenir des relations commerciales avec des pays éloignés. Marchands et voyageurs rapportent ainsi des esclaves, des matières premières nécessaires à l’Egypte, mais également divers savoirs appris dans les régions visitées. Parmi ces savoirs, la connaissance de certaines techniques architecturales est essentielle. L’architecture mamelouke emprunte donc certains de ses traits : l’influence iranienne se fait sentir dès les années 1310 avec l’apparition de mosaïques de céramique et de dômes bulbeux. C’est en effet dans le domaine religieux que les architectes mamelouks sont les plus prolifiques.

Cependant, les Mamelouks ne se sont pas contentés de créer de nouveaux bâtiments. Au Caire par exemple, la construction de monuments est liée à une refondation de la ville : un nouvel urbanisme se met en place et c’est la structure même du Caire qui est modifiée. C’est ce qui fascine l’historien mérinide Ibn Khaldoun lors de son arrivée au Caire. Il écrit à cette occasion : « Celui qui n’a pas vu Le Caire ne connaît pas la grandeur de l’islamisme. C’est le trône de la royauté, une ville embellie de châteaux et de palais, ornée de couvents et de collèges, éclairée par la lune et les étoiles de l’érudition ».

Avec son goût pour l’asymétrie, les banderoles épigraphiques et les belles pierres, l’architecture mamelouke a légué de nombreux monuments à la postérité. Encore visible, notamment au Caire, ces édifices se font plus rares dans le reste de l’Egypte et en Syrie. En revanche, les arts décoratifs se retrouvent partout dans le monde mamelouk.

Les arts décoratifs

Les arts décoratifs mamelouks sont probablement aussi variés que peut l’être l’architecture de cette époque. La production mamelouke se caractérise par une grande maîtrise du verre. Cependant, en raison de la variété des œuvres et du fait que la majorité d’entre elles ne sont ni signées et ne présentent pas de marques indiquant leur provenance, il est très difficile pour les historiens de parvenir à identifier précisément tel ou tel artiste ou bien à déterminer les lieux de fabrication des objets. Ainsi, le verre est le matériau le plus utilisé pour confectionner les objets d’art. Les Mamelouks produisent de nombreux verres émaillés à partir du XIIème siècle, composés de plusieurs émaux colorés qui donnent un aspect chatoyant aux verres ainsi travaillés. Le succès de ces verres dépasse de loin l’ère d’influence des Mamelouks et même de l’empire musulman puisque les Croisés en ramènent en Europe à la suite de leurs expéditions. Ainsi, les arts mamelouks voyagent-ils dans tout le bassin méditerranéen et même au-delà. La technique des verres émaillés est d’ailleurs reprise par les verriers vénitiens. Le musée du Louvre, qui abrite un département des arts islamiques, possède une collection de ces verres colorés. Le musée Calouste Gulbenkian, à Lisbonne, expose pour sa part l’objet probablement le plus connu, le gobelet aux oiseaux. La célébrité de ce gobelet en verre est due à sa taille imposante mais aussi à sa couleur jaune, relativement rare à l’époque.

La céramique connaît également un grand essor pendant la période mamelouke, ce qui s’explique par la mise au point de nouvelles techniques comme la glaçure. Il s’agit d’un enduit que l’on pose à la surface d’une céramique afin de la durcir, de la rendre imperméable et, éventuellement, de la colorer. Cette technique permet la décoration de céramique et la production de poteries colorées. La couleur, tant pour la céramique que pour le verre, est probablement la caractéristique majeure de l’art mamelouk.

L’expansion considérable de l’art mamelouk ainsi que de son architecture témoigne de l’âge d’or de l’Egypte sous cette dynastie. Une telle opulence culturelle et architecturale s’explique par la paix relative que l’on peut trouver en Egypte à cette époque. Ainsi, Ibn Khaldoun décide de s’installer définitivement en Egypte en 1384, l’Egypte étant selon lui le seul pays épargné par les luttes intestines entre les gouvernants du monde arabe. Ibn Khaldoun meurt au Caire en 1406, et la foule cairote suit les funérailles et acclame le défunt.
Sous le sultanat de Qaitbey (1468-1496), l’influence mamelouke est à son apogée. Cependant, les problèmes économiques et les difficultés liées à l’organisation interne à la société mènent à la fin de la domination mamelouke sur la région. En outre, lorsque les navigateurs portugais franchissent, avec l’aide de marins arabes, le Cap de Bonne Espérance, ils ouvrent une nouvelle route vers l’Inde. L’ancienne route commerciale qui passait par l’Egypte disparaît progressivement au profit d’une voie maritime. Tous ces éléments entrainent le déclin de la dynastie mamelouke. L’arrivée des Ottomans en 1517 met définitivement fin à la période mamelouke en Egypte.

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 Le Caire au début du xve siècle. Ruine et reconstruction d’une grande capitale

Bibliographie :
 CLOT André, L’Egypte des Mamelouks, Paris, Perrin, 1997.
 MARTINIERE Guy, VARELA Consuela (sous la dir.), L’état du monde en 1492, Paris, La Découverte, 1992.
 STIERLIN Henri, L’architecture islamique, Paris, PUF, 1993.
 Gaston WIET, « ÉGYPTE - L’Égypte arabe », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 mars 2014. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/egypte-l-egypte-arabe/

Publié le 25/03/2014


Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.


 


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