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Par Delphine Froment
Publié le 21/05/2013 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

MOROCCO, Rabat : Palestine Liberation Organisation (PLO) leader Yasser Arafat shown in file picture dated 22 December 1969 in Rabat flashing the victory sign during the 5th Arab Summit, gathering 14 Arab countries, members of the Arab League and the PLO.

AFP FILES

Jeunesse et formation d’un futur leader (1929-1959)

Né le 4 août 1929, Mohamed Abdel Raouf Arafat al-Qudwa al-Husseini est le fils d’un commerçant originaire de Gaza et d’une mère originaire de Jérusalem. Il serait né au Caire, même s’il affirmait lui-même être né à Jérusalem, afin de mieux légitimer son statut de leader palestinien [2]. Après avoir passé les cinq premières années de sa vie au Caire, il est envoyé, à la mort de sa mère, à Jérusalem chez son oncle maternel : là, il assiste en 1936 à la révolte palestinienne. Il reste quatre ans dans la Ville Sainte, et rentre au Caire poursuivre ses études : c’est là que débute sa carrière politique.
C’est très jeune qu’il décide d’œuvrer pour l’autonomie palestinienne : tout en étudiant les écrits des penseurs sionistes, il milite aux côtés des Frères musulmans égyptiens. Après avoir participé aux combats du premier conflit israélo-palestinien de 1947-1948, il obtient un diplôme d’ingénieur civil à l’université du Caire. De 1952 à 1956, il est président de l’Union des étudiants palestiniens : c’est notamment dans cet organe qu’émergeront les premières pratiques d’une politique palestinienne.
En 1956, au sortir de la crise de Suez, au cours de laquelle les pays arabes ont essuyé une deuxième défaite militaire (après 1948), Arafat est convaincu que la Palestine doit prendre son propre destin en main. Il met alors progressivement en place le Mouvement de Libération de la Palestine, une organisation politique et militaire, qui sera définitivement fondée en 1959 au Koweït, en toute clandestinité, par Arafat ainsi que par Salah Khalaf (futur Abouy Iyad) et Khalil al-Wazir (futur Abou Jihad).

Du Fatah à l’OLP : la lutte armée (1959-1987)

Initialement soutenu par l’Irak et l’Algérie, le MLP est rapidement rebaptisé « Fatah » (« Conquête »). Il se donne pour premier objectif l’établissement d’un Etat palestinien, recouvrant notamment les territoires israéliens en plus de Gaza et de la Cisjordanie. De plus, Yasser Arafat préconise l’autonomie palestinienne dans la lutte : il réfute le panarabisme de Nasser, refusant de voir confiée la libération de la Palestine aux autres pays arabes. Un journal est également créé en 1959, Filistininuna, dont le titre signifie « notre Palestine » ; c’est notamment à travers ce journal que la notion de lutte armée se divulgue parmi les réfugiés palestiniens : la lutte armée permet ainsi de mobiliser tous les Palestiniens, dispersés entre les différents territoires (Gaza par exemple) et pays (Jordanie, Liban, Koweït…) où ils se sont réfugiés.
Les Fedayin, commandos palestiniens, sont les représentants de cette lutte armée, largement encouragée par Yasser Arafat. Ils prennent toute leur importance à partir de la guerre des Six Jours en 1967 : le 12 juin 1967, un congrès du Fatah à Damas décide d’accentuer la lutte armée en Cisjordanie, tout juste conquise par Israël. Les attentats se succèdent alors sur le territoire israélien, Israël menant en riposte une forte répression, que ce soit contre les Fedayin ou les Jordaniens, car c’est le plus souvent en Jordanie que les Fedayin se préparent ou se réfugient : cela ternit les relations entre le royaume hachémite et Yasser Arafat et ses partisans. C’est notamment dans le cadre de la répression israélienne que les Fedayin (aidés par les Jordaniens) connaissent leur premier succès d’ampleur, remportée en mars 1968 à Karameh, en Jordanie. Alors que Jordaniens et Palestiniens se sont disputés les honneurs de la victoire, Arafat a retiré de cette victoire un grand bénéfice afin de légitimer davantage son mouvement, et ce, même sur la scène internationale. En outre, notamment grâce à Karameh, il est nommé le 4 février 1969 président du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui avait été créée cinq ans plus tôt (1964). Sous sa direction, l’OLP se détourne des doctrines panarabes pour se consacrer uniquement à la cause nationaliste palestinienne.
Malgré cette première consécration, le début des années 1970 est assez chaotique pour Yasser Arafat, qui reste une figure parfois contestée au sein du mouvement : les événements de Septembre Noir (1970) en Jordanie, qu’il ne parvient pas à empêcher, le chassent du royaume hachémite ; il s’établit alors au Liban avec l’OLP où il rencontre aussi des opposants parmi les milices conservatrices chrétiennes ou les forces pro-syriennes. C’est néanmoins là qu’il continue de mener la lutte armée, ce qui fragilise d’ailleurs le Liban vis-à-vis d’Israël. En 1972, il devient commandant en chef des forces révolutionnaires palestiniennes, et en 1973, dirigeant du département politique de l’OLP. Il contrôle également les fonds de l’organisation, demandant ainsi systématiquement à ce que les chèques envoyés par des délégations ou des Etats arabes en aide à l’OLP soient faits à son nom.
Au cours des années 1970, Yasser Arafat œuvre pour la reconnaissance de l’OLP comme représentant des Palestiniens ; en effet, Israël, de son côté, souhaite que ce soit la Jordanie (qui s’est longtemps portée garante des populations palestiniennes) qui représente les Palestiniens. Après avoir tenté de faire entendre sa cause auprès des Etats-Unis et de l’ONU en 1974, Arafat est confronté à de nouveaux obstacles, notamment du fait de multiples attentats perpétrés en 1974 et 1975 contre la population civile israélienne.
Par ailleurs, son charisme et sa notoriété ne cachent pas les faiblesses et les divisions d’un mouvement national en constant exil et perpétuellement dépendant de la volonté des autres pays arabes : l’expulsion de l’OLP hors du Liban en août 1982, suite à l’invasion israélienne, en est un fort révélateur.

Un isolement progressif (1982-2004)

« La décennie suivante est un cauchemar pour Yasser Arafat » [3], et pour cause, après avoir frôlé la mort lors d’un bombardement au Liban en 1982, et alors qu’il est exilé à Tunis suite à une longue errance et que les Fedayin sont dispersés en Tunisie, en Algérie, au Yémen, au Soudan et en Irak, il ne peut qu’observer de loin les Palestiniens subir les massacres de Sabra et Chatila dans les camps de réfugiés en 1982, et la répression israélienne s’intensifier en Cisjordanie et à Gaza.
En 1987, la première Intifada est déclenchée. Les Palestiniens se réclament de l’OLP et plus particulièrement de Yasser Arafat. Il saisit l’occasion pour reprendre son action en faveur de l’autonomie palestinienne.
Après avoir échappé une nouvelle fois à la mort en 1992 avec le crash de son avion en Libye, il mène secrètement les négociations entre l’OLP et le gouvernement israélien : le 13 septembre 1993, sous l’égide de Bill Clinton, la Déclaration de Principes des accords d’Oslo est signée à la Maison Blanche, et la poignée de mains échangée par Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin sous les yeux du monde entier témoigne officiellement d’une déclaration de reconnaissance mutuelle. La même année, et dans la continuité des négociations, Yasser Arafat abandonne la lutte armée. Ces efforts pour trouver un accord de paix entre Israël et Palestine sont récompensés par l’attribution du Prix Nobel de la Paix de 1994 à Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat. Néanmoins, l’assassinat d’Yitzhak Rabin en novembre 1995 marque un premier coup d’arrêt à la poursuite des négociations ; Yasser Arafat voit en outre son œuvre critiquée par le mouvement islamiste du Hamas qui rejette les accords d’Oslo, et qui commet de plus en plus d’attentats-suicides contre Israël.
En 1996, Yasser Arafat est élu président de l’Autorité palestinienne (créée en 1993 à la suite des accords d’Oslo), qu’il dirigera jusqu’à sa mort. Mais il peine à s’affirmer comme chef d’un Etat fragmenté, divisé et assisté. Face à ses rivaux, il pratique le clientélisme pour rester le seul maître au pouvoir. Il n’arrive pas à contenir la seconde Intifada à partir de l’automne 2000, dont la droite israélienne profite pour assimiler la lutte palestinienne au terrorisme. Abandonné par les Etats-Unis et présenté comme responsable de la seconde Intifada, Yasser Arafat passe les dernières années de sa vie séquestré dans la Mouqata’a (son quartier général de Ramallah) après la réoccupation israélienne des territoires. Interdit de voyage, il perd prise sur les événements et devient un interlocuteur de moins en moins crédible.
Ainsi, il s’efface peu à peu de la scène politique et meurt le 11 novembre 2004 à l’hôpital d’instruction des armées Percy en France, où il se faisait soigner pour des douleurs à l’estomac. Beaucoup de questions ont été soulevées concernant les conséquences réelles de sa mort, et plusieurs voix se sont élevées pour affirmer que l’ancien leader aurait été empoisonné. Une enquête a été ouverte en novembre 2012 par des experts français, suisses et russes pour élucider ce point [4].
Mahmoud Abbas est élu nouveau président de l’Autorité palestinienne le 9 janvier 2005.

Bibliographie :
 Article « Yasser Arafat », Encyclopædia Universalis, en ligne : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/yasser-arafat/
 « Les vies de Yasser Arafat », Le Monde, Cahier du Monde, n°18594, 06/11/04, p. iii, en ligne : http://medias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/sup_arafat_041105.pdf
 « Les zones d’ombre autour de la mort de Yasser Arafat », Le Monde, 27/11/12, en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/11/27/les-zones-d-ombre-autour-de-la-mort-de-yasser-arafat_1796344_3218.html
 Amnon Kapeliouk, Arafat, l’irréductible, Paris, Fayard, 2004, 519 pages.
 Janet Wallach, John Wallach, Arafat : la poudre et la paix, Paris, Bayard, 1996, 474 pages.

Notes :

Publié le 21/05/2013


Agrégée d’histoire et élève à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, Delphine Froment prépare actuellement un projet doctoral. Elle a largement étudié l’histoire du Moyen-Orient au cours de ses études universitaires, notamment l’histoire de l’Islam médiéval dans le cadre de l’agrégation.


 


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