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Arabie Saoudite et Syrie : vers une reprise des relations ?

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 23/09/2010 • modifié le 23/01/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

Les relations de 1970 à 2008

La Syrie et l’Arabie Saoudite mettent en place des relations à la suite de la prise du pouvoir par Hafez el-Assad le 13 novembre 1970, qui devint président le 22 février 1972.

A cette époque, la Syrie recherche des alliés régionaux, afin notamment de faire face à Israël qui occupe le Golan syrien depuis la guerre des six jours. De son côté, l’Arabie Saoudite redoute l’Iran, gouverné par des chiites et contrôlant la rive Nord-Est du Golfe ainsi que le détroit d’Ormuz. Elle souhaite donc renforcer sa sécurité régionale et sa stabilité interne, et se rapproche de la Syrie. A l’époque de la guerre froide, des divergences en politique étrangère existent entre la Syrie et l’Arabie Saoudite, la Syrie entretenant des relations avec l’Union soviétique (vente d’armes notamment) et l’Arabie Saoudite considérant ce pays comme un régime communiste et athée. Mais ces divergences ne remettent pas en cause les relations syro-saoudiennes. Celles-ci s’orientent sur la base d’une aide financière versée par l’Arabie saoudite à la Syrie : en 1971, l’Arabie Saoudite lui verse deux fois 100 millions de dollars. Dans les années 1980, cette aide financière est estimée à 500 millions de dollars par an.

A partir de 1980, alors que la république islamique vient d’être établie en Iran en février 1979, la Syrie se rapproche de l’Iran. Ce rapprochement n’est pas idéologique, la Syrie étant un pays sunnite dominé par le parti Baas, nationaliste et laïc, et l’Iran un régime chiite théocratique. En outre, lors de la guerre Iran-Irak qui débute le 22 septembre 1980, la Syrie soutient l’Iran, considéré comme une menace par ses voisins sunnites du Golfe. Des intérêts communs motivent cette alliance, pérenne depuis 1980, alors que les monarchies du Golfe et l’Arabie saoudite considèrent l’Iran comme une menace, en raison de la contagion qui risque de s’effectuer en direction des populations chiites du Golfe. Mais l’alliance entre la Syrie et l’Arabie Saoudite persiste, l’Arabie Saoudite devant ménager son allié pour des raisons de stabilité interne et régionale.

Cependant, les relations entre l’Arabie saoudite et la Syrie sont rompues à la suite de l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri le 14 février 2005, connu pour ses liens avec l’Arabie saoudite. Le président Bachar al-Assad est ainsi convoqué en mars 2005 à Ryad par le roi Abdallah, qui lui demande d’appliquer la résolution 1559 de l’ONU et de retirer ses troupes du Liban. En outre, l’aide de la Syrie au Hezbollah libanais et au Hamas (qui a gagné les élections législatives de 2006 et a pris le contrôle de la Bande de Gaza en 2007), mouvements soutenus par l’Iran, ne peut être accepté par l’Arabie saoudite, qui craint le renforcement de son voisin chiite aux dépens des sunnites. Au final, l’Arabie saoudite redoute l’alliance de la Syrie et de l’Iran.

Mise en place de nouvelles relations à partir de 2009

Mais la participation de Bachar al-Assad au Sommet de Paris pour la Méditerranée le 13 juillet 2008 puis l’arrivée de la nouvelle administration Obama au pouvoir en janvier 2009 marquent un tournant dans les relations avec la Syrie, tant du côté occidental que de l’Arabie Saoudite. Concernant les raisons du rapprochement syro-saoudien, certains estiment que l’Arabie Saoudite se rapproche de la Syrie afin de la détacher de l’Iran. D’autres avancent l’hypothèse que l’administration Obama a permis ou souhaité le rapprochement entre les « modérés », (Egypte, Jordanie et Arabie Saoudite) et les proches de l’Iran afin de reprendre le dialogue avec l’axe Syrie-Iran.

Ainsi, en 2009, le roi Abdallah et le président Bachar al-Assad se rencontrent le 11 mars à Riyad, le 23 septembre à Djedda, le 7 octobre à Damas, puis en 2010, le 13 janvier à Riyad et le 30 juillet à Beyrouth.

Le 11 mars, dans le contexte des difficultés auxquelles est confronté le Moyen-Orient (difficultés inter-palestiniennes entre le Hamas et le Fatah, dossier du nucléaire iranien, processus de paix, situation politique au Liban et ouverture du Tribunal spécial pour le Liban le 1er mars 2009), un mini sommet s’ouvre à Riyad en Arabie saoudite. La Syrie, l’Egypte et le Koweït y participent, dans le but d’évoquer ces difficultés et de trouver des solutions communes, ainsi que de travailler à une réconciliation arabe pérenne. Le président syrien et le roi d’Arabie Saoudite entendent renforcer leurs relations et mettre fin à leurs différends, notamment sur la question du soutien syrien au Hezbollah et au Hamas. Au travers des problématiques régionales soulevées, c’est au final la question de l’unité arabe qui est en jeu, face au soutien de l’Iran au Hamas et au Hezbollah, et face au risque nucléaire iranien, qui inquiète l’Arabie Saoudite et les pays arabes modérés.

Le 23 septembre, l’inauguration à Djedda de la Kaust, King Abdullah University of Science and Technology, offre une nouvelle occasion au roi Abdallah de rencontrer le président syrien, invité aux cérémonies. Comme lors du sommet du 11 mars, les questions des relations bilatérales, de la coopération entre les deux Etats et de la solidarité arabe sont évoquées.

Les 7 et 8 octobre, le roi Abdallah se rend à Damas pour sa première visite officielle. Sont évoquées les mêmes questions que lors des visites précédentes : les relations bilatérales, la Palestine et la nécessité pour le Liban de former un gouvernement rapidement. En effet, au Liban, le fils de Rafic Hariri, Saad Hariri, est nommé Premier ministre le 27 juin 2009, mais il ne réussit à former un gouvernement d’union nationale que le 9 novembre, après cinq mois d’impasse politique. Dans ce gouvernement, quinze ministres appartiennent à la majorité soutenue par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, dix appartiennent à la minorité soutenue par la Syrie et par l’Iran, et cinq sont désignés par le président Michel Sleimane.

Un nouveau sommet se tient du 13 au 15 janvier 2010 en Arabie Saoudite. Les discussions portent sur la réconciliation entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas soutenu par l’Iran ainsi que sur le nucléaire iranien, qui pourrait devenir un facteur de déstabilisation régionale.

Le 30 juillet, le roi Abdallah et le président Bachar al-Assad se rendent conjointement à Beyrouth. Cette visite s’effectue dans le contexte de tensions au Liban, nées à la suite de l’annonce d’une éventuelle mise en cause de membres du Hezbollah dans l’assassinat de l’ex Premier ministre Rafic Hariri par le Tribunal spécial pour le Liban. Par leur venue, l’Arabie Saoudite et la Syrie mettent en évidence leur coopération diplomatique afin de préserver l’équilibre régional et la stabilité communautaire au Liban. Selon certains, cette visite aurait pour but de montrer que l’influence syrienne est toujours forte au Liban, et que la Syrie a le soutien de l’Arabie Saoudite. D’autres en revanche estiment que cette visite conjointe est un message fort envoyé à l’Iran, sur l’évolution des relations entre la Syrie et l’Arabie Saoudite.

Bibliographie :
Karim Bitar, « L’Iran est aujourd’hui une puissance incontournable avec laquelle les USA vont traiter », Dossier de l’IRIS, janvier 2009.
Olivier Da Lage, Géopolitique de l’Arabie Saoudite, Paris, Editions Complexe, 2006, 143 pages.
Caroline Donati, L’exception syrienne entre modernisation et résistance, Paris, La découverte, 2009, 354 pages.
Presse : Le Monde, Le Figaro, Le Monde diplomatique, Le Point, RFI, Courrier International, La Tribune.
Site de l’Assemblée nationale, Commission des Affaires étrangères, Examen du rapport d’information sur la place de la Syrie dans la communauté internationale, 16 juin 2010.

Publié le 23/09/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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