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La plupart des donateurs de l’Aide Publique au Développement (APD) sont des pays riches occidentaux. Ils se rassemblent au sein du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE (CAD). Ce forum international composé de 29 membres a pour but de rassembler les plus gros donateurs, afin de coordonner et d’organiser l’aide au développement en faveur des pays en voie de développement. Aucun pays arabe n’est membre de ce groupe. Pourtant, plusieurs pays du monde arabe sont devenus ces dernières années des acteurs majeurs de l’Aide au Développement.
Grâce à la rente pétrolière, la plupart des pays du golfe ont atteint un niveau de croissance impressionnant. L’augmentation des prix du pétrole à partir de 1975 a apporté des ressources financières considérables à des pays qui connaissaient alors un développement économique faible.
A partir de 1975, les pays arabes deviennent de gros contributeurs de l’Aide Publique au Développement, leur participation atteint alors près de 30% de l’APD mondiale. Aujourd’hui, ce ratio a chuté à 2% (soit environ 2 milliards de $). Les aides ont en effet progressivement fondu en raison de la baisse des prix du pétrole et de l’augmentation des dépenses et de la dette publiques dans les pays donateurs. Elles augmentent à nouveau à partir de 2002 en raison de l’augmentation des prix du pétrole ainsi que des besoins énormes en matière de reconstruction post-conflit dans le monde arabe (en Irak, Afghanistan, Liban ou Palestine).
Les donateurs arabes, principalement l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis, sont aujourd’hui parmi les plus généreux au monde, avec une APD qui représente environ 1,5% de leurs revenus nationaux bruts, le double de l’objectif de 0,7 % fixé par les Nations unies et cinq fois plus que la moyenne des pays du Comité d’aide au développement. L’APD des pays arabes représente ainsi 13 % de l’APD distribuée dans le monde à l’heure actuelle.
L’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis sont les principaux donateurs. L’Arabie saoudite a ainsi donné 346,8 millions de $ en 2010. Des pays encore en voie de développement comme l’Algérie ou l’Irak participent aussi à l’APD. Ils en sont donc à la fois les donateurs et les bénéficiaires.
Les Etats mettent en place leur propre fonds d’investissement bilatéraux comme le Fonds d’Abou Dhabi pour le Développement Arabe, le Fonds koweïtien pour le développement économique, le Fonds saoudien pour le développement, et le Fonds Irakien pour le Développement Extérieur.
Les Etats unissent aussi leurs efforts à travers la création de structures supra-étatiques et multilatérales. Ces organismes sont souvent créés sous l’égide d’organisations régionales, comme la Ligue Arabe ou bien l’OPEP. On peut ainsi citer le Fonds Arabe pour le Développement Economique et Social, la Banque Arabe de Développement en Afrique, la Compagnie Arabe d’Investissement, la Banque Islamique de Développement ou encore le Fonds de l’OPEP pour le développement international. Garantissant une plus grande transparence concernant la cause de l’aide et l’utilisation des fonds, ces organisations permettent aussi de mettre en cohérence les différents projets de développement.
Ces institutions sont rassemblées au sein du Groupe d’Aide Arabe qui rassemble et coordonne les financements. Ainsi des projets d’envergure peuvent être cofinancés par plusieurs institutions.
La majorité de l’aide arabe a traditionnellement une portée régionale. Elle est destinée à financer des initiatives de développement dans les pays arabes de la région. Ainsi le Yémen, Bahreïn et plus récemment l’Irak sont les bénéficiaires prioritaires de l’aide arabe.
Une partie des financements est aussi destinée à l’Afrique et l’Asie. Il est à noter que les aides s’adressent en priorité aux pays majoritairement musulmans. Ce qui concerne donc le Soudan, la Somalie, la Mauritanie, le Pakistan ou encore les Philippines.
Mais les fonds koweitiens et saoudiens, souvent accusés de promouvoir le wahhabisme par l’aide au développement, veulent améliorer leur image et commencent à afficher une ambition d’aide internationale. Ainsi, les apports récents en faveur des Nations unies à l’occasion du séisme d’Haïti en 2010, de l’ouragan Katrina en 2005 et du tsunami en Asie de 2004 marquent une nouvelle orientation de la politique d’Aide au Développement des pays producteurs de pétrole. Ces derniers veulent montrer qu’ils s’investissent dans la solidarité universelle et non plus uniquement musulmane. Les pays arabes souhaitent aujourd’hui s’affirmer comme de véritables acteurs de la solidarité internationale.
En ce qui concerne la forme que prend l’aide, les pays arabes ont toujours refusé de consentir des rabais sur les prix du pétrole, pour éviter les gaspillages et détournements éventuels de l’aide. L’aide prend plus souvent la forme de financement de projets de développement à des conditions très avantageuses, ce qui rend les effets de l’aide moins visibles mais l’inscrit sur le long terme. L’aide concerne en priorité l’industrie et les infrastructures, l’agriculture et l’accès à l’eau ou l’électricité sont moins concernés par l’Aide Publique au Développement arabe.
Les réserves pétrolières de la région n’étant pas éternelles, les pays donateurs cherchent à développer et diversifier leur économie, afin de pouvoir vivre sans la rente et éviter le redouté « retour en arrière ». Pour ce faire, le développement économique de toute la région aidera les pays producteurs de pétrole à multiplier les échanges, les investissements avec leurs voisins immédiats. Ils ont donc tout intérêt à encourager le développement économique et la stabilisation des institutions politiques de la région. Un développement généralisé de la région permettrait aux producteurs de pétrole d’envisager un avenir économique postérieur à l’épisode pétrolier, et ainsi de mener à une harmonisation des niveaux de développement entre les états de la région.
Les intérêts poursuivis par les fonds d’aide multilatéraux sont universels et à forte connotation morale. L’aide a ici pour but de renforcer la solidarité avec le Tiers Monde, l’intégration arabe et islamique ou encore la coopération arabo-africaine.
L’aide au Développement répond aussi parfois à des intérêts géopolitiques, surtout lorsqu’elle est dispensée par les fonds souverains. La distribution financière répond ainsi souvent aux objectifs et aux besoins de la politique étrangère du pays donateur. La dispense de l’aide peut être conditionnée et négociée lors de négociations internationales et devenir ainsi un moyen de pression. Elle permet aussi d’acquérir une légitimité accrue dans la conduite d’une politique extérieure et diplomatique. En outre l’aide au développement est un moyen d’améliorer l’image et la visibilité du pays donateur sur la scène régionale et internationale.
Les fonds multilatéraux d’aide au développement arabe sont donc privilégiés car ils garantissent une bonne image au pays donateur. Cependant, les intérêts stratégiques de l’aide bilatérale sont tels que les pays arabes ne sont pas près d’y renoncer, dans une région en pleine mutation politique.
Bibliographie :
– Rapport de la banque mondiale d’août 2010. Arab development assistance : Four decades of ccoperation.
– Rifaï Taki, Les fonds arabes de développement et leur impact sur le Tiers Monde. In Tiers-Monde, 1977, tome 18 n°71, Des X s’interrogent sur le développement. pp. 561-567.
– Les fonds nationaux arabes de développement : la coopération financière des pays arabes et la période post-pétrolière de Traute Wohlers-Scharf in LA PÉNINSULE ARABIQUE AUJOURD’HUI. TOME I. Paul Bonnenfant (dir.) Editions du CNRS. 1982. 379 p.
– Philippe Hugon, « Les nouveaux acteurs de la coopération en Afrique », International Development Policy / Revue internationale de politique de développement.
Olivier de Trogoff
Olivier de Trogoff est étudiant à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon. Il a effectué plusieurs voyages dans le monde arabe.
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