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37e édition du Festival International du Film du Caire (13 au 20 novembre 2015 à l’Opéra du Caire, Egypte). Rétrospective

Par Mathilde Rouxel
Publié le 01/12/2015 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

L’Égypte et le cinéma partagent une histoire commune depuis la première projection des images des frères Lumière au hammam Schneider en 1896 jusqu’à nos jours. L’Égypte présente encore aujourd’hui l’industrie cinématographique la plus riche et la plus prolifique d’Afrique et du Moyen-Orient. Ses productions furent pendant des décennies un véritable modèle pour les cinématographies régionales, tant au Maghreb qu’au Liban.
Dans les années 1970, ce festival avait pour fonction de renforcer le rôle de cette industrie exceptionnelle dans la région sur le plan international. Depuis sa création, il s’est tenu tous les ans au Caire, hormis en 2011 et en 2013, bousculé par la situation politique du pays et économiquement affaibli par les mobilisations populaires et leurs conséquences. Chaque année sont invitées au festival de grandes pointures du cinéma arabe et mondial, issues de tous les domaines de la création cinématographique. Il est aujourd’hui présidé par Magda Youssef.

Ainsi, malgré les difficultés financières qui perdurent dans le pays et dans la région, particulièrement dans le domaine culturel, et les complications proprement logistiques auxquelles a dû faire face l’organisation du festival cette année, se sont tenues du 13 au 20 novembre 2015 à l’Opéra du Caire les projections de plus de cent films internationaux d’hier et d’aujourd’hui.

Faten Hamama, actrice iconique du cinéma égyptien décédée en janvier dernier, fit à elle seule l’image de la 37e édition. Cette année, le Festival International du film du Caire a proposé dans sa programmation différentes sections thématiques permettant aux spectateurs d’avoir accès à un nombre considérable de films sur une dizaine de jours : en effet, aux côtés des trois sections de films sélectionnés en compétition officielle étaient proposées des projections de courts-métrages de jeunes réalisateurs, regroupés sous la catégorie « Cinémas de demain » ; un éclairage sur le cinéma d’animation japonais ; un horizon des cinémas arabes qui programmait les dernières sorties cinématographiques de la région (I am Nojoom, age 10, and divorced, Khadija Al Sallami, Yemen, 2014 ; En attendant l’automne, Joud Said, Syrie, 2014 ; The sleeping tree, Mohamed Ben Rashed, Bahreïn, 2014…) ; ou encore un panorama du cinéma polonais (The Promised Land, Andrzej Wajda, 1975 ; Blind Chance, Kristof Kieslowski, 1987 ; In Darkness, Agnieszka Holland, 2011). En hommage aux grandes figures disparues récemment, des sections consacrées aux acteurs qui ont fait la gloire du cinéma égyptien permettaient de (re)voir les grands classiques, animés par Faten Hamama (I need a solution, Said Marzouk, Egypte, 1975), Omar Sharif (Sira’ fi-l-Wadi (Ciel d’enfer), Youssef Chahine, Égypte, 1953), Nour El Sherif (Darbet Shams, Mohamed Khan, Égypte, 1975), ou encore le Hussein Fahmy (Allaeb ma’a alkebar (Dans la cour des grands), Sherif Arafs, Égypte, 1991), lui-même ancien président du festival du Caire.

Une série de films d’auteurs fut également sélectionnée pour la « semaine internationale des critiques », parmi lesquels l’on comptait Journey to Rome de Tomasz Mielnik (Pologne, 2015), Tuk tuk de Romany Saad (Égypte, 2015) ou encore The Red Spider de Marcin Koszalka (Pologne/République Tchèque, 2015).

Le festival a organisé en outre des projections spéciales de films hors-compétition mais internationalement reconnus dans d’autres grands festivals, à l’image de Dheepan de Jacques Audiard (France, 2015), Greenery will bloom again d’Ermanno Olmi (Italie, 2015), Journey to the Shore de Kiyoshi Kurosawa (Japon, 2015). Le film d’ouverture, Ricki and the Flash (États-Unis, 2015), réalisé par Jonathan Demme avec la participation de Meryl Strip, est l’un d’entre eux.

La compétition internationale réunissait quant à elle seize long-métrages, du film danois de Samanou Acheche Sahlstrom In your arms (Danemark, 2015) au film français de Laurent Larivière Je suis soldat (France, 2015) en passant par le film bosniaque Our everyday life (Ines Tanovic, Bosnie-Herzégovine, 2015) ou le film islandais Virgin Mountain (Dagur Kari, Islande, 2015). Merzak Allouache présentait son Madame Courage (Algérie, 2015). Deux films égyptiens se sont trouvés sélectionnés, malgré la crise artistique et qualitative que connait le cinéma égyptien depuis quelques années et malgré les réticences de nombreux critiques à leur sujet : Men Dahr Raguel (De la côte d’Adam) de Karim Al-Sobki, et Al Leila Al Kibira (Le jour J) de Sameh Abdel Aziz. Le jury était présidé par le producteur Paul Webstar (Royaume-Uni), et composé par le réalisateur péruvien Jonathan Relayze Chiang, la comédienne indienne Radhika Apte, la réalisatrice marocaine Leila Marrakchi, la productrice française Anne-Dominique Toussaint, la comédienne égyptienne Dalia Al-Béheiri, la comédienne et productrice japonaise Mitsue Eguchi et le réalisateur égyptien Marwan Hamed. Nombreux ont été les prix décernés au cours de ce festival, et particulièrement à l’occasion de cette compétition internationale. Nous ne retiendrons que le grand prix, qui revenait cette année au film croate de Dalibor Matanic, The High Sun (Croatie - Serbie - Slovénie, 2015). Il est intéressant de noter également qu’aucun film arabe des compétitions internationales n’a été récompensé, malgré la remise de sept prix pour la compétition internationale, de quatre prix pour la section "Cinémas de demain" et trois prix pour la semaine internationale des critiques.

L’action du Festival International du Film du Caire ne s’arrête pas néanmoins aux simples projections : chaque année, de nombreux séminaires sont organisés à la haute école du cinéma du Caire. Un programme parallèle est mis en place sur une plateforme numérique intitulée "Film TV School" (www.arabfilmtvschool.edu.eg) qui propose la diffusion des séminaires en question. De quoi avoir bon espoir pour la création des jeunes générations en activité, et de cultiver cette idée poétique selon laquelle l’art peut battre la violence, car, comme le disait le cinéaste marocain Faouzi Bensaïdi, il semble encore que « faire des films, du théâtre, de la peinture, et faire que l’art qui est le synonyme même de la liberté devienne une nécessité dans nos sociétés est la meilleure façon de réponde à tout extrémisme et obscurantisme » (2) .

Notes :
(1) Le Festival international du Film du Caire est le seul festival du monde arabe et d’Afrique à être classé par la FIAPF.
(2) Propos cités par Olivier Barlet in. Cinémas d’Afrique des années 2000, L’Harmattan, 2013.

Pour en savoir plus sur le cinéma égyptien et arabe :

 Yves Thoraval, Regards sur le cinéma égyptien, Paris, L’Harmattan, 1997.
 Hamid Hamzaoui, Histoire du cinéma égyptien, Temps, mémoire, PUF, 1997.
 Khémais Khayati, Cinémas arabes : topographie d’une image éclatée, Paris, L’Harmattan, 1996.
 Roy Armes, New Voices in Arab Cinema, Indiana Press, 2015.

Publié le 01/12/2015


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


 


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