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Synthèse : Profiling Jabhat al-Nusra, Charles Lister, The Brookings Project on U.S. Relations with the Islamic World n°24, juillet 2016 (2/2)

Par Matthieu Eynaudi
Publié le 22/02/2017 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 12 minutes

Lire la partie 1 : Synthèse : Profiling Jabhat al-Nusra, Charles Lister, The Brookings Project on U.S. Relations with the Islamic World n°24, juillet 2016 (1/2)

II. Jahbat al-Nosra aujourd’hui [Juillet 2016]

Idéologie et vision stratégique

Jahbat al-Nosra semble développer en Syrie une stratégie de long terme. Mohammad al-Jolani a constaté qu’en Irak, l’imposition par la brutalité de la loi islamique et des principes djihadistes par l’Etat islamique en Irak, a eu pour conséquence leur rejet populaire, quand celui-ci pouvait s’exprimer. Ainsi, Jahbat al-Nosra s’oriente vers une stratégie opposée : devenir tout d’abord un acteur local pour parvenir, à long terme, à la réalisation d’un objectif plus large : « l’imposition de la loi de Dieu sur terre ».

Les références religieuses explicites formulées par al-Jolani montrent bien l’orientation djihadiste du groupe. Al-Jolani et al-Zawahiri utilisent d’ailleurs la situation géographique du conflit syrien pour lier ce territoire, Bilad al-Cham [qui correspondrait au « Levant »], à des références théologiques. En effet, plusieurs hadiths pointent l’importance de ce territoire dans le corpus islamique.

En outre, le nom même de Jahbat al-Nosra fait référence à des exaltations d’un salafiste-djihadiste syrien des années 1960 et 1970, Abu Musab al-Souri, qui avait en son temps pris les armes contre le régime de Hafez al-Assad. Il s’agit ainsi pour al-Nosra de revendiquer l’héritage d’anciens mouvements djihadistes syriens qui s’opposaient au régime baasiste dès ses débuts et ainsi, d’y puiser une source de légitimité et des liens de loyauté.

Il apparaît donc que l’ancrage local d’al-Nosra est une étape d’un processus dont la progression serait la suivante : infiltration du conflit syrien en tant qu’acteur local, création d’émirats islamiques, proclamation du califat mondial. Cette stratégie n’est pas uniquement issue d’un pragmatisme pur, mais possède également une source théologique : le qital al-tamkin : la bataille pour la consolidation d’une présence tierce au sein d’un territoire. Cependant, la réalisation de cette vision a, fin 2015 et début 2016, provoqué des dissensions au sein de Jahbat al-Nosra. Au nord-ouest de la Syrie, al-Nosra avait fait de la province d’Idlib sa place forte. Là, après une consultation entre les cadres du groupe et plusieurs islamistes syriens influents, il était clairement apparu que les Syriens ne voulaient pas de la proclamation d’un émirat. Dès lors, une dispute éclata entre ceux qui souhaitaient poursuivre la stratégie d’enracinement et d’infiltration locale et ceux qui voulaient accélérer la proclamation de l’émirat. En réponse, al-Zawahiri, le leader d’Al-Qaïda, envoya à Idlib et Alep d’autres figures djihadistes liées à Al-Qaïda, dont Saif al-Adel, un ancien officier des forces spéciales égyptiennes et Abu al-Khayr, marié à une des filles d’Oussama Ben Laden. En leur présence, des médiations furent mises en place, portant sur la proclamation de l’émirat, mais aussi sur le futur des liens entre al-Nosra et Al-Qaïda. Cependant, selon l’auteur Charles Lister, la rupture officielle entre les deux organisations ne signifierait en aucun cas une rupture idéologique, mais plutôt un moyen pour al-Nosra de se préserver des interventions internationales, tout en confirmant son ancrage auprès des rebelles syriens.

Similairement, pour continuer à s’intégrer au mieux au sein des populations et éviter d’apparaître comme une force d’occupation étrangère, le commandement d’al-Nosra découragea ses combattants étrangers de servir au sein des unités « civiles », par exemple, de police des mœurs. De même, dans certaines zones critiques, par exemple Hama, le commandement local fut confié à des Syriens. Toutefois, les décisions stratégiques et le commandement général restent largement sous l’influence des cadres étrangers.

Ce faisant, Jahbat al-Nosra continuait à se différencier de l’Etat islamique en Irak et en Syrie, dont la proclamation du califat et l’attention qu’il retenait avait fait de l’ombre à al-Nosra. Sur le plan idéologique, al-Jolani chercha encore une fois à tirer une légitimité issue de l’Histoire. Il remonta cette fois plus loin que les réseaux djihadistes opposés au baasisme en revendiquant un « djihad hérité » : « Si l’ère de notre déclin a duré presque deux siècles, nous fûmes autrefois habitués à diriger ce monde pendant plus de douze siècles ». Selon al-Jolani, en prenant fait et cause pour le peuple syrien, al-Nosra doit être en Syrie un outil du renouveau islamique au sein de la société. D’ailleurs, selon lui, en 2016, la société syrienne a changé et l’idéologie défendue par le groupe progresse. Partant de ce constat, al-Nosra radicalise son discours. Le chef religieux du groupe, Sami al-Oraydi prononce le 3 juin 2016 une allocution extrêmement brutale, dans laquelle il compare la communauté alaouite aux apostats, appelant ainsi à purger le territoire de leur présence.

L’alliance avec Ahrar al-Cham

Ahrar al-Cham est un des groupes les plus puissants de l’opposition syrienne. Il est composé d’éléments de l’islamisme politique traditionnel, mais aussi d’anciens membres d’Al-Qaïda, l’ensemble formant un groupe salafiste et nationaliste. La coopération militaire entre Ahrar al-Cham et Jahbat al-Nosra s’est plusieurs fois révélée être une des combinaisons les plus efficaces sur le terrain. Toutefois, les liens entre Jahbat al-Nosra et Al-Qaïda ont toujours provoqué le véto d’Ahrar al-Cham face aux propositions venue d’al-Nosra d’approfondir leur coopération, notamment sur le plan civil.

Fin 2015 et début 2016, les efforts internationaux pour l’obtention d’une trêve en Syrie résultèrent en une baisse dans l’intensité des hostilités. Pour al-Nosra, cet état de fait fut néfaste, le groupe nécessitant, pour se maintenir, une haute intensité de conflit (1). Ahrar al-Cham cependant, bien qu’ayant refusé de s’engager publiquement dans un processus politique, maintenait des contacts avec l’équipe de négociateurs envoyée par l’opposition. Cette dualité résulta en une dispute interne à Ahrar al-Cham, qui éclata au cours de l’été 2016. D’un côté se tenaient les partisans d’une ligne dure : l’extension du combat à une lutte plus large visant à renforcer l’emprise de l’islam et l’approfondissement de l’alliance avec al-Nosra ; l’autre camp souhaitait pour sa part maintenir des contacts - fussent-ils indirects - avec les parties du processus politique et surtout : réaffirmer l’attachement primordial d’Ahrar al-Cham à la révolution syrienne.

Au cours de l’été 2016, le processus de Genève trouvait difficilement une résonnance, tandis que la situation de l’opposition se détériorait en Syrie. Les voix les plus radicales au sein d’Ahrar al-Cham s’en trouvèrent renforcées. Toutefois, le groupe procéda à plusieurs changements successifs au sein de ses cadres. Ces nouvelles nominations confirmèrent les influences turques et qataries sur le groupe et de fait, un renforcement de la ligne opposée à l’approfondissement de la coopération avec al-Nosra. D’ailleurs, en juillet 2016, Charles Lister recueillit plusieurs citations formulées par des cadres d’Ahrar al-Cham, déplorant le fait que Jahbat al-Nosra « mène la révolution [syrienne] sur le mauvais chemin ». Ahrar al-Cham a donc joué un rôle très ambivalent vis-à-vis d’al-Nosra : il a, à la fois permis à al-Nosra de s’imposer comme acteur légitime en le faisant participer à de grandes offensives (la conquête d’Idlib par exemple), tout en restant extrêmement critique à l’égard des liens qui unissent al-Nosra et Al-Qaïda.

C’est d’ailleurs dans la province d’Idlib que la tactique d’infiltration développée par Jahbat al-Nosra s’est révélée. En août 2015, la ville de Kafranabel vit son conseil civil être destitué et remplacé par des assemblées locales composées de membres loyaux à al-Nosra. Ahrar al-Cham s’opposa à ce qu’un procédé similaire soit mis en œuvre dans les autres villes de Salqin et Saraqeb, faisant obstacle au phagocytage des instances civiles de l’opposition par Jahbat al-Nosra. Un membre du conseil d’Idlib a d’ailleurs déclaré : « sans Ahrar [al-Cham], al-Nosra aurait mis la main sur tout [le gouvernorat d’Idlib] ».

Conformément au principe de tamkin (cf. supra), Jahbat al-Nosra souhaite éviter de se créer des rivaux. Aussi, plutôt que de rechercher la confrontation avec Ahrar al-Cham, al-Nosra préféra tenter de renforcer l’influence de ceux qui lui sont favorables au sein d’Ahrar al-Cham. Pour ce faire, la création d’un groupe parallèle composé d’ex-membres d’al-Nosra considérés plus proches de la ligne défendue par Ahrar al-Cham serait envisagée. Ce groupe pourrait à la fois contribuer à flouer les contours idéologiques entre Ahrar al-Cham et al-Nosra, ainsi qu’à attirer vers lui les militants les plus radicaux au sein d’Ahrar al-Cham. Pendant ce temps, Jahbat al-Nosra continuerait à favoriser la poursuite des hostilités et à torpiller les initiatives de résolution politique du conflit, pour perpétuer un climat de violence qui renforcerait l’influence d’al-Nosra - comme il l’a déjà fait - et pour qu’une fusion apparaisse de plus en plus nécessaire.

Organisation et structure

Le commandement central de Jahbat al-Nosra est exercé au plus haut niveau par Mohammad al-Jolani, « émir » de l’organisation et Sami al-Oraydi, chef religieux du groupe, prenant ainsi la place de numéro deux. Une assemblée composée de douze membres, dont plusieurs vétérans d’Al-Qaïda, forme avec al-Jolani et al-Oraydi la direction du groupe. Elle élabore la stratégie globale et communique avec le commandement d’Al-Qaïda.

Cette structure est reproduite au niveau provincial, où des « émirs provinciaux », secondés par des chefs religieux, sont responsables des activités du groupe et coordonnent les opérations militaires quotidiennes, déléguées à des cadres locaux.

Plusieurs structures sont dépendantes du groupe, par exemple : le « Département du Secours » (Qism al-Ighata), ou celui de l’« Administration et du Service public » (Idarat al-Khidamat al Ammah) et le Conseil central du Trésor. Enfin, au niveau provincial, « l’Administration des Districts Libérés » (Idarat al-Manateq al-Muhara) forme un organe de gouvernance locale, indépendant des structures de l’opposition. On trouve également une instance judiciaire islamique nommée Dar al-Qadaa, théoriquement placée au-dessus de toutes les autres.

Sur le plan militaire, Jayish al-Nosra fait office de force « d’opérations spéciales » propre au groupe. La coordination militaire avec les autres factions d’opposition est limitée à ceux qui se réclament de valeurs islamiques. Elle s’exerce notamment dans le cadre des coalitions ou des cellules d’opérations conjointes, par exemple Jayish al-Fatah.

Finances

Jusqu’à leur scission en avril 2013, l’Etat islamique en Irak participait au budget opérationnel de Jahbat al-Nosra à hauteur de 50%. Cet état de fait n’a bien sûr pas été maintenu après la rupture, mais plus encore, en 2014, l’Etat islamique en Irak et en Syrie s’est emparé par la force de tous les puits de pétroles qui servaient au financement d’al-Nosra. Le groupe s’est ainsi trouvé dans une position de dépendance accrue aux financements extérieurs, pourvus par des réseaux d’Al-Qaïda. Selon une enquête du Département américain du Trésor, la majorité des sources individuelles de financement externes (à la Syrie) d’al-Nosra seraient koweitiennes. Plusieurs millions de dollars proviendraient de ces sources individuelles de devises.

Outre le Koweït, le Qatar a également été accusé d’avoir favorisé le financement d’al-Nosra. En effet, le Qatar a joué un rôle d’intermédiaire dans la plupart des négociations relatives aux paiements de rançons. Le montant des sommes perçues par al-Nosra en échange de la libération d’otages est inconnu, mais il devrait s’élever à plusieurs millions de dollars par an, voire centaines de millions selon les sources. Cette activité constitue ainsi un revenu existentiel pour al-Nosra qui a d’ailleurs fait des enlèvements une de ses spécialités.

Enfin, en Syrie, Jahbat al-Nosra collecte des impôts auprès des populations civiles sous son contrôle et impose des taxes de passage sur les axes de transport. Al-Nosra demanderait également fréquemment aux autres groupes armés un tribut en nature, composé d’équipement militaire et de matériel. Cependant, son apport principal en matériel de guerre provient des prises saisies au cours des combats. Dans le cas d’opérations conjointes, al-Nosra monnaie avant les combats son efficacité militaire contre les parts les plus importantes du butin de guerre.

Stratégies et tactiques militaires

Sur le terrain, Jahbat al-Nosra a multiplié les coopérations militaires avec les autres groupes armés, prouvant ainsi son efficacité. Ainsi, le groupe est devenu respecté, mais également craint, notamment lorsqu’al-Nosra s’est opposé à des groupes jugés trop proches de l’Occident. Similairement, les groupes sympathisants d’Al-Qaïda ont été favorisés, sans pour autant être intégrés. L’existence de factions autonomes favorables à al-Qaïda a permis de constituer autour de Jahbat al-Nosra un glacis défensif lui permettant de prospérer.

Après la proclamation du califat par l’Etat islamique en Irak et en Syrie en 2014 et son avance à l’est du territoire syrien, Jahbat al-Nosra a recentré son action au nord-ouest de la Syrie. En s’implantant solidement le long de la frontière turque, Jahbat al-Nosra a sécurisé des points de passages qui lui ont permis de continuer à s’alimenter en financements, en matériel et en combattants étrangers. Cette stratégie a permis à al-Nosra de survivre à l’essor de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Cet ancrage géographique présente d’autres bénéfices, les zones montagneuses de la frontière turco-syrienne occidentale sont habitées par des populations traditionnellement hostiles au régime syrien, les montagnes fournissent un avantage géographique naturel et la proximité de la frontière turque permet de contrôler les flux d’approvisionnement, de taxer les échanges ou encore, de se réfugier à l’abri des bombardements.

Enfin, pour étendre son territoire, le groupe a utilisé une technique éprouvée de l’insurrection : occuper d’abord les territoires ruraux et les périphéries avant de conquérir les centres urbains affaiblis par les raids et les bombardements. Ainsi, entre 2013 et 2015, Jahbat al-Nosra a recentré ses activités pour se concentrer sur l’occupation des zones urbaines. Cependant, l’intervention russe a changé la donne et les forces d’al-Nosra ont été forcées de se déconcentrer et de se diluer pour être moins vulnérables aux bombardements. Le soutien militaire russe a également déstabilisé le rapport de force et le régime syrien a soudainement retrouvé sa capacité à entreprendre de larges offensives pour regagner du territoire. Les négociations secrètes conduites début 2016 avec d’autres groupes armés rebelles dans la province d’Idlib montrent qu’al-Nosra semble se préparer à une nouvelle phase du conflit syrien. Sous la pression militaire, Jahbat al-Nosra pourrait profiter des revers subis par les petites factions d’opposition traditionnelle pour leur proposer une fusion et évoluer vers des modes d’actions spécifiques à la guérilla. Si la situation devait évoluer ainsi, le savoir-faire militaire des vétérans d’al-Qaïda en matière de guerre asymétrique serait encore davantage réclamé et loué par les autres groupes rebelles syriens, fortifiant ainsi Jahbat al-Nosra.

Recrutement et combattants étrangers

Soucieux d’apparaître comme un acteur local, Jahbat al-Nosra tente de recruter parmi la population syrienne. Début 2016, le groupe était composé d’environ 70% de combattants syriens et 30% d’étrangers. De plus, les combattants étrangers ayant rejoint al-Nosra apparaissent plus efficaces et fiables que les recrues étrangères fraîchement converties qui ont grossi les rangs de l’Etat islamique. Chez Jahbat al-Nosra, les combattants étrangers semblent avoir des liens plus anciens avec l’idéologie djihadiste. Leur recrutement est d’ailleurs conditionné par au moins une recommandation personnelle d’un membre existant d’al-Nosra, excepté pour ceux qui étaient déjà membres d’un autre groupe djihadiste. Un niveau minimum de maîtrise de la langue arabe est également requis pour intégrer le groupe.

Après son recrutement, la jeune recrue est entraînée pendant six à huit semaines. Cette période inclut un enseignement religieux, de l’entrainement physique et une instruction militaire. Cette dernière rompt les recrues à l’utilisation du matériel le plus commun en Syrie, à savoir des armes légères de conception soviétique ainsi que des lances roquettes de type RPG.

Gouvernance

En accord avec sa stratégie d’infiltration rampante, al-Nosra n’a jusqu’à récemment pas cherché à gouverner unilatéralement les zones sous son contrôle, préférant partager pragmatiquement le pouvoir avec d’autres acteurs, fussent-ils tenant d’une idéologie différente. Cependant, après la consolidation de son ancrage dans la province d’Idlib en 2015, le groupe s’est retrouvé en position d’exercer le monopole de la gouvernance dans plusieurs villes.

Afin de garantir une base populaire dans chacune des zones qu’il régit actuellement, Jahbat al-Nosra y a d’abord développé son volet social. Ainsi, la distribution de biens de première nécessité et d’énergies a précédé l’imposition d’autres formes de gouvernance. Al-Nosra mise donc sur son intégration sociale avant de mettre en œuvre son projet de société. Al-Jolani a lui-même déclaré qu’il était impossible d’attendre des Syriens, d’agir du jour au lendemain en « purs musulmans » en raison des décennies de dictature séculière auxquelles ils avaient été soumis. C’est d’ailleurs la proclamation du califat par l’Etat islamique en Irak et en Syrie qui a accéléré l’imposition par al-Nosra de normes morales. Afin de conserver sa crédibilité djihadiste face à son frère ennemi, al-Nosra a graduellement demandé aux femmes de s’habiller de façon conservatrice, ou aux hommes d’effectuer les cinq prières quotidiennes. Ces initiatives ne semblent pas avoir eu l’effet escompté au vu des critiques dont elles ont fait l’objet par les populations, lors du cessez-le-feu en février 2016.

Commentaire

Les extraits du rapport de Charles Lister, fondés sur une observation de l’évolution de Jahbat al-Nosra sur le temps long, sont précieux pour comprendre le comportement actuel du groupe.

Quatre jours après la publication du rapport de Charles Lister, en juillet 2016, Jahbat al-Nosra annonce, par la voix d’al-Jolani, rompre avec al-Qaïda et prendre le nom de Fatah al-Cham, afin de « protéger la révolution syrienne », mais aussi de se prémunir des frappes de la communauté internationale (2). Cette initiative rapproche l’ex-Jahbat al-Nosra d’Ahrar al-Cham qui exigeait cette rupture de longue date ainsi que nous l’avons vu. Plus récemment, le 28 janvier 2017, le groupe fusionne avec plusieurs autres factions rebelles islamistes pour créer Hayat Tahrir al-Cham. Cette évolution confirme la stratégie décrite par Charles Lister : Jahbat al-Nosra agrège des groupes moins importants pour se diluer dans une coalition islamiste globale.

Dans ce contexte, il convient justement de rappeler que, selon l’auteur du rapport, une scission officielle avec Al-Qaïda, ainsi qu’une fusion du groupe, ne signifierait pas l’abandon des objectifs initiaux par les cadres de l’organisation, mais plutôt la réalisation d’une étape supplémentaire vers la confiscation de la révolution syrienne.

Notes :
(1) Voir la première partie de l’article.
(2) « Le front al-Nosra rompt avec al-Qaëda et devient le front Fateh el-Cham », L’Orient le Jour (avec AFP), 28 juillet 2017
https://www.lorientlejour.com/article/998956/el-qaeda-se-prepare-a-une-rupture-avec-al-nosra-sa-branche-en-syrie.html

Publié le 22/02/2017


Diplômé d’un master en relations internationales de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Matthieu Eynaudi est actuellement en master à Sciences Po.
Ancien chargé d’études en alternance au ministère de la Défense, il a également travaillé en Turquie au sein d’un think-tank spécialisé en géopolitique et mené des recherches de terrain à Erbil auprès de l’Institut Français du Proche-Orient.
Il a vécu en Turquie et à Chypre. Il s’intéresse particulièrement à la géopolitique de la région ainsi qu’à la question kurde au Moyen-Orient et en Europe.


 


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