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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 24/06/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Mosquée des Omeyyades à Damas

iStockphoto

La succession de Mahomet

Mahomet, dont la famille appartient à la tribu de Quraysh, meurt en 632 à Médine sans avoir prévu sa succession. Après un moment de flottement, ses fidèles choisissent l’un d’entre eux comme successeur (ou khalifa, qui donne calife) : Abu Bakr, dont la fille Aïcha était l’épouse de Mahomet. Omar Ibn al-Khattab lui succède de 634 à 644, puis Uthman Ibn Affan de 644 à 656, année pendant laquelle il est assassiné. Le quatrième calife élu est Ali Ibn Abi Talib (656 à 661), cousin de Mahomet et époux de sa fille Fatima. Ali est mis en cause par la famille d’Uthman, qui le suspecte de l’avoir assassiné, et par d’autres, qui remettent en question son élection. En dépit de ces hostilités, Ali se proclame calife à Koufa (en Iraq actuel), mais les oppositions se renforcent contre lui. Il est finalement assassiné à Koufa par l’un de ses anciens partisans. Mu’awiya, gouverneur de Syrie, se proclame alors calife (661 à 680) et fonde à Damas la dynastie des Omeyyades (661 à 750).

Ces événements sont à l’origine de la scission de la communauté musulmane entre sunnites et chiites. Les sunnites, partisans de Mu’awiya, sont attachés à la tradition (sunna) du prophète et se considèrent comme ses successeurs. Ils légitiment les premiers califes. Les chiites, partisans (chia, en arabe) d’Ali, considèrent qu’il est le premier guide (imam) après Mahomet, et ne reconnaissent donc pas les trois premiers califes comme légitimes. Sunnites et chiites s’affrontent ainsi au départ sur la question politique de la légitimité de la succession du Prophète à la tête de la communauté des croyants. Une autre communauté se forme également, les Kharijites, anciens partisans d’Ali, dont l’un a assassiné Ali en 661. Les chiites, évincés du califat, ont alors le désir de le reconquérir et de se venger. A la suite de la dynastie omeyyade fondée par Mu’awiya, le califat abbasside couvre cinq siècles, de 750 à 1258. Les chiites considèrent les Omeyyades et les Abbassides comme les usurpateurs du califat et, en dépit de certaines victoires temporaires, ils sont réprimés sous ces deux dynasties.

Le sunnisme

Bien que connaissant des divergences religieuses, notamment des interprétations différentes du Coran et de la sunna, les sunnites et les chiites ont en commun le Coran, c’est-à-dire la Révélation transmise par Dieu à Mahomet, et la même pratique religieuse, qui repose sur les cinq piliers de l’islam : la profession de foi, la prière, l’aumône, le jeûne du Ramadan, le pèlerinage à La Mecque.

Les sunnites ont quatre écoles de pensée, l’école hanafite, l’école malikite, l’école chaféite et l’école hanbalite.

L’école hanafite est fondée par Abou Hanifa, qui vécut au VIIIème siècle à Koufa. Sa doctrine est considérée comme la plus souple et la plus influente du sunnisme. Elle accorde aux juristes une grande liberté d’interprétation sur la conformité des règles de vie à l’islam. Le Hanafisme est présent dans les Balkans, en Turquie, en Afghanistan, au Pakistan et en Inde.

L’école malikite a pour inspirateur Malik Ibn Anas, jurisconsulte du VIIIème siècle à Médine, et privilégie la tradition du prophète, par le respect du Coran et des hadith (des traditions). Le Malikisme est présent au Maghreb, en Egypte, au Soudan, en Afrique occidentale.

L’école chaféite s’appuie sur les trois principes du théoricien Muhammad al-Chafii, qui vécut de 767 à 820 : le Coran est la référence, il est possible d’avoir recours à la tradition du prophète et au consensus entre juristes. Elle est présente dans le Golfe, en Indonésie, en Asie et en Afrique orientale.

L’école hanbalite est la plus rigoriste. Elle a été fondée par Ibn Hanbal (780-855) et se fonde sur une lecture littérale du Coran. Les Hanbalites sont présents en Arabie saoudite et au Qatar.

Les sunnites considèrent qu’ils incarnent l’islam face aux partisans d’Ali, adversaires du califat et partisans de l’imamat. Le sunnisme développe l’idée que le croyant doit rester fidèle à la loi révélée, qui est immuable. Enfin, il n’y a donc pas dans le sunnisme, à la différence du chiisme, d’idée messianique.

Evolution du sunnisme de la fin de la dynastie abbasside à nos jours

En 1258, l’invasion des Mongols met fin à la dynastie des Abbassides et des Turcs seldjoukides, musulmans sunnites, qui avaient pris le contrôle du califat en 1055. En 1453, les Turc ottomans sunnites dominent la Turquie, puis s’emparent de la région : leur Empire s’étend, outre la Turquie, sur le Proche-Orient, sur le Maghreb sauf le Maroc et sur les Balkans. En parallèle, les Safavides règnent sur l’Iran du XVIème au XVIIIème siècle où ils imposent le chiisme. L’Empire ottoman est démantelé à la suite de la Première guerre mondiale, et la province arabe est partagée entre les Français et les Britanniques. La fin de l’Empire ottoman est vécue douloureusement, et les intellectuels et religieux aussi bien sunnites que chiites s’interrogent sur la nécessité de moderniser l’islam. Si cette réflexion a des incidences sur le nationalisme arabe, elle ne modifie en revanche pas la religion.

Apparaissent néanmoins dans le sunnisme des courants radicaux qui, s’ils n’envisagent pas de moderniser l’islam, ont pour objectif d’islamiser la société arabe, dont les régimes politiques sont considérés comme corrompus et non religieux. C’est ainsi que se développent les Frères musulmans en Egypte. A la suite de la révolution islamique en Iran et de la guerre entre l’URSS et l’Afghanistan, une nouvelle radicalisation donne naissance en 1988 au mouvement sunnite d’al-Qaïda, crée par le saoudien Oussama Ben Laden, qui a été combattre aux côtés des Moujahidin afghans pendant la guerre contre l’URSS. Ce mouvement islamique sunnite lutte contre les régimes musulmans mais également occidentaux considérés comme corrompus.

Aujourd’hui, sunnites et chiites se confrontent, ces derniers tentant de s’imposer sur la scène politique et de sortir de leur marginalisation, notamment en Irak, où le pouvoir a été aux mains des sunnites (minoritaires) depuis la fin de l’Empire ottoman jusqu’à la chute du régime de Saddam Hussein ; au Liban où le Hezbollah chiite entre pour la première fois au gouvernement à la suite des élections législatives de 2005. Pour leur part, les Etats sunnites du Golfe craignent les répercussions de la politique iranienne, dans le domaine nucléaire notamment.

Bibliographie :
Roger ARNALDEZ, « Sunnisme », Encyclopédie Universalis, 2009.
Albert HOURANI, Histoire des peuples arabes, Points Seuil, Paris, 1993, 732 pages.
Serge LAFITTE, Chiites et sunnites, Plon, Paris, 2007, 125 pages.
Robert MANTRAN, Les régimes politiques arabes, PUF, Paris, 1991, 578 pages.
Présenté par Xavier RAUFER, Atlas de l’islam radical, CNRS Editions, Paris, 2007, 399 pages.

Publié le 24/06/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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