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Revue Moyen-Orient, Avril-Juin 2012, Dossier spécial « Géopolitique du Maroc »

Par Lisa Romeo
Publié le 30/04/2012 • modifié le 05/03/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

Après avoir fait le point sur les principaux défis du monde arabo-musulman aujourd’hui dans un entretien avec Hasni Abidi, auteur de Où va le monde arabe ? (Editions Encre d’Orient, 2012), Moyen-Orient introduit ce dossier spécial par des données chiffrées et par des cartes, puis les principales problématiques auxquelles le pays doit faire face sont analysées.

Baudouin Dupret et Jean-Noël Ferrié rappellent, dans un premier article, que le Maroc n’échappe pas, comme ses voisins, aux nombreux défis économiques, politiques et sociaux. Les auteurs décrivent l’équilibre entre le pouvoir du roi et l’ensemble des fonctionnaires, les partis politiques et les groupes de clientèle. Ce consensus permet la stabilité du régime mais tend également à ralentir l’efficacité réformatrice. Le mouvement contestataire marocain a finalement été utilisé pour relancer les réformes qui permettent, pour le moment, d’assurer la survie du régime.

Haouès Seniguer s’intéresse, d’autre part, à la formation islamiste PJD (Partie de la justice et du développement) qui a remporté pour la première fois de l’histoire du pays les élections législatives du 25 novembre 2011. Il apparait que cette formation ne relève pas d’une forme d’opposition mais se pose en défenseur de la monarchie, affichant une volonté de maintenir la stabilité en prêtant allégeance au roi tout en tentant de se démarquer des autres partis politiques en perte de légitimité dans la société marocaine. Cette formation appelle également au changement en affirmant sa présence sur le terrain.

L’écrivain marocain exilé en France, Abdellah Taïa, donne ensuite ses impressions dans un entretien réalisé par Guillaume Fourmont sur l’évolution de son pays d’origine, sur le rapport des Marocains à la langue arabe, sur l’impact du mouvement contestataire sur les écrivains et les intellectuels, sur le devoir de les soutenir ainsi que sur ses espoirs d’un monde arabe nouveau vivant enfin dans ses droits.

Deux articles « Repères » analysent ensuite la situation actuelle du Maroc dans les domaines religieux et économiques. Mohammed-Sghir Janjar explique le rapport entre la jeunesse marocaine, qui se place dorénavant au cœur du débat avec le « printemps arabe », et la religion. Plusieurs études semblent en effet démontrer un retour du sacré dans le pays après des années d’effervescence gauchiste (1960-1970). Dans une société en pleine mutation sociale et culturelle, l’islam reste aujourd’hui très implanté mais semble moins régulier. Le rapport à la religion est devenu plus personnel et le croyant a accès à des nouvelles sources d’information plus globales et complexes. Si bien que l’on observe aujourd’hui un certain décalage entre une augmentation des pratiques d’une part et une certaine ignorance religieuse d’autre part. Sur le plan économique, Mouna Cherkaoui fait remarquer que, malgré la nécessité de créer plus d’emplois et de lutter contre la pauvreté dans un contexte de crise internationale, la croissance économique et les investissements augmentent depuis le début des années 2000. De nombreuses réformes financières et juridiques, le développement de certains secteurs, une libéralisation économique et commerciale, sont autant de politiques qui ont favorisé l’augmentation des exportations et des investissements étrangers et ont fait du Maroc un partenaire commercial privilégié de l’Union européenne.

En outre, le litige territorial du Sahara occidental, en suspens depuis près de 40 ans, reste un enjeu de la politique marocaine. Le roi lui-même, soutenu par la grande majorité des partis, se porte garant de l’unité de son royaume et interdit d’évoquer cette région sans la rattacher au territoire marocain. Karine Bennafla fait le point sur ce conflit et évoque la politique opérée par le régime pour y affirmer son administration et encourager les liens nationaux avec la zone revendiquée (migration, modernisation…).

Mehdi Alioua décrit ensuite la gestion et la manière dont le régime marocain tire profit de la question migratoire dans le cadre des relations internationales. Pierre Vermeren analyse, par ailleurs, les rapports entre Rabat et ses voisins. Il explique les tensions existantes entre l’Algérie et le Maroc depuis les années 1960 et fait remarquer que les deux pays sont aujourd’hui autant menacés par le « printemps arabe », une nouvelle conjonction qui pourrait les contraindre à faire évoluer leurs relations. Pierre Vermeren évoque également l’importance des relations entretenues avec l’Europe, et plus particulièrement avec la France, ainsi qu’avec les pays du Golfe qui investissent énormément dans le pays. Le Maroc envisage, par ailleurs, d’affirmer sa présence sur la scène africaine.

Ce dossier spécial géopolitique du Maroc s’achève par un article de Bichara Khader sur les relations entre Rabat et Washington. L’amitié entre les deux pays s’est réaffirmée au cours de la guerre froide et ne s’est jamais démentie depuis. Ils sont même liés depuis plusieurs années par un traité de libre-échange. Sur le pan international, le Maroc peut compter sur l’appui des Etats-Unis qui voient dans le plan d’autonomie proposé par Mohammed VI la meilleure solution pour résoudre le litige territorial du Sahara occidental. De plus, des accords d’ordre militaire sont en cours de négociation. Le Maroc constitue ainsi un socle stable pour la diplomatie américaine dans la région.

Ce dossier spécial Maroc est complété par une chronologie des principaux événements ainsi que par une note sur les différents mouvements et partis politiques, rédigées par Ilham Younès.

On s’éloigne alors du Maghreb pour s’intéresser à l’impact du mur de séparation, construit par Israël depuis 2002 dans le but de garantir sa sécurité. David Amsellem explique les conséquences d’une telle mesure sur l’Etat hébreu, sur les populations palestiniennes de Cisjordanie ainsi que sur l’établissement d’un futur Etat palestinien indépendant.

Dans un registre très différent, Kalthoum Saâfi Hamda analyse l’influence sur les opinions arabes de la multiplication des émissions de télévision à caractère religieux développées par les Etats du Golfe (Arabie saoudite et Qatar notamment) et diffusées par satellite dans l’ensemble du monde arabe. Les prédicateurs échappent ainsi au contrôle et à la censure nationale et apportent aux populations une vision plus rigoriste de l’islam wahhabite ou salafiste. Ces programmes télévisés pourraient alors justifier, en partie, les résultats des élections organisées dans le cadre de la révolte du « printemps arabe ».

Le « point chaud » de ce trimestre est en outre consacré au détroit d’Ormuz, par lequel transitent chaque jour 15,5 millions de barils, soit 40 % du trafic pétrolier mondial. Frank Tétart évoque les différents moyens de détourner ce trafic dans le cas où l’Iran déciderait de bloquer son accès.

Le volet géoéconomique du magazine est par ailleurs consacré au facteur foncier dans la guerre que connait l’Afghanistan depuis 1979. Après un rappel sur la complexité du conflit dans un pays dans lequel s’exerce le jeu des puissances étrangères, Fariba Adelkhah met en avant les stratégies élaborées par différents protagonistes afin d’obtenir des terres, amplifiant ainsi davantage les litiges.

Fabriche Balanche décrit, pour sa part, l’importance stratégique de la ville de Damas au fil des siècles et plus particulièrement dans la politique de contrôle du Baas. Il précise d’abord les différentes phases de la modernisation de la ville accélérée depuis les Tanzimat (période de réforme de l’Empire ottoman au XIXème siècle) puis avec l’arrivée au pouvoir de Hafez al-Assad qui organise la ville en fonction d’un plan sécuritaire bien précis.

Nadia Radwan et Aminata Temnély évoquent les nouvelles formes d’expression artistique développées par la vague de libération lié au « printemps arabe », qui utilisent la ville comme un nouvel espace de création. Tunisiens, Egyptiens, Libanais, prolongent ainsi ces mouvements contestataires et ouvrent de manière sans précédente le champ culturel dans la région.

Publié le 30/04/2012


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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