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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 01/02/2010 • modifié le 24/02/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Le protectorat britannique

Village traditionnel du Qatar
Crédit photo : M.C. Vignal-Souleyreau

Après le départ des Portugais en 1538 (région du Golfe), Qatar est rattaché à l’Empire ottoman, mais ce rattachement n’a que peu d’influence. Au XVIIIème siècle, Qatar est convoité par les cheikhs de la famille al-Khalifa de Bahreïn, qui occupent Zubarah au nord. Mais les Qataris contestent l’autorité de Bahreïn et des guerres éclatent avec le cheikh de Bahreïn Muhammad Ibn al-Khalifa. Afin de juguler ces désordres qui pourraient nuire à la sécurité de la route des Indes, les Britanniques interviennent : en septembre 1868, ils destituent le cheikh de Bahreïn et le remplacent par son frère Ali Ibn al-Khalifa et lui demandent de financer la reconstruction du Qatar.

Fort de Zubara datant du XIXeme siècle
Crédit photo : M.C. Vignal-Souleyreau

Le 12 septembre 1868, au Qatar, le cheikh Muhammad Ibn Thani signe un traité avec les Britanniques par lequel il renonce à faire la guerre sur mer et accepte d’entretenir de bonnes relations avec Bahreïn. En 1872, le fils de Muhammad Ibn Thani, Qasim, accepte une alliance avec les Ottomans, et ce contre la volonté de son père, plaçant Qatar sous la tutelle turque. Qasim devient cheikh en 1878, à la mort de son père, et entreprend d’unifier le Qatar, qui se composait à l’époque des deux villes de Doha à l’est et de Wakrah au sud-est. L’ensemble du Qatar, sauf Zubarah occupé par Bahreïn, passe alors sous l’autorité de la famille al-Thani. En 1913, le fils de Qasim, Abdallah Ibn Qasim al-Thani lui succède. Pendant la Première Guerre mondiale, les Ottomans présents au Qatar se rendent aux Britanniques, et ces derniers signent un traité le 3 novembre 1916 avec le cheikh Abdallah Ibn Qasim al-Thani, qui place Qatar sous protectorat britannique. En 1937, la ville de Zubarah occupée par Bahreïn est reprise par Qatar. En 1949, le cheikh Ali Ibn Abdallah al-Thani remplace son père Abdallah qui abdique en sa faveur et meurt en 1956.

A partir du milieu du XXème siècle, les Britanniques se recentrent sur la région du Golfe, à la suite de la crise de suez, où ils renforcent leur présence militaire. Mais en 1969, le gouvernement britannique annonce son intention de quitter la région en 1971 pour des raisons budgétaires, tout en indiquant vouloir aider les sept émirats (qui formeront les Emirats Arabes Unis), Bahreïn et Qatar à assurer leur sécurité par la création d’une fédération. Une conférence réunit le 25 février 1968 les neuf cheikhs au cours de laquelle les bases d’une fédération sont jetées. Cette conférence est suivie par d’autres, mais les négociations afin d’en définir les modalités (emplacement de la capitale, choix du président de la fédération, modalités de vote et nombre des représentants de chaque émirat) révèlent les désaccords entre les différents émirats. D’autre part, la mise en application de ce projet est lié à l’évolution politique de la région : en avril 1970, l’Iran renonce à revendiquer Bahreïn, et en juillet un coup d’Etat est réalisé à Oman par le fils du roi. Ces événements modifient la nécessité de créer une fédération, car ils assurent aux émirats du Golfe la sécurité : Bahreïn, qui n’est plus menacée par l’Iran, remet en question les décisions acceptées auparavant, et le changement de pouvoir à Oman assure aux émirats du Golfe une protection contre les incursions venant du sud Yémen.

Oeil du Qatar
Crédit photo : M.C. Vignal-Souleyreau


En 1970, le nouveau gouvernement conservateur britannique arrivé au pouvoir en juin décide de maintenir la décision du gouvernement travailliste de quitter la région en 1971. Cette décision relance les négociations afin de faire aboutir la fédération. Mais aucun accord n’est trouvé, et l’idée d’une fédération à neuf échoue avec la proclamation par Bahreïn de son indépendance le 15 août 1971, suivie par celle du Qatar le 1er septembre.

Sur le plan économique, Qatar, comme les autres émirats du Golfe, vit de la pêche des perles, de la pêche des poissons et de la construction navale. La crise de 1929 et le développement des perles de cultures japonaises, moins chères que les perles naturelles du Golfe, entrainent le déclin progressif de cette activité. A la fin des années 1930, la découverte et l’exploitation du pétrole ont une très forte incidence sur l’économie du Qatar. Le pétrole est découvert en 1939 dans la région de Dukhan à l’ouest de la péninsule, mais en raison du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, son exploitation ne commence qu’en 1949.

La politique intérieure de Qatar de 1971 à nos jours

Le cheikh Khalifa Ibn Hamad al-Thani, qui accède au pouvoir en février 1972, donne une impulsion à la politique du Qatar, par la création la même année d’un Conseil consultatif (Parlement) composé de 20 membres. Modifié en 1975, le Conseil comprend 30 membres. En juin 1995, le cheik est renversé par son fils Hamad Ibn Khalifa al-Thani mais celui-ci poursuit les réformes politiques entamées par son père : une femme est nommée ministre de l’Education en 2003, une constitution entre en vigueur en 2005 et le Conseil est porté à 45 membres, dont les deux tiers sont élus au suffrage universel et le tiers restant choisis par le cheikh. Ces changements politiques sont à rapprocher, entre autres, des évolutions économiques consécutives à l’exploitation du pétrole et des mutations sociales qui en sont le corollaire.

Les réalisations économiques

Qatar produit du pétrole et du gaz. Outre la région de Dukhan, trois gisements offshores sont découverts dans les années 1950 à l’est de Qatar. La production de ces différents gisements était de 570 000 barils par jour en 1973 et de 900 000 barils par jour en 2007. Qatar est également producteur de gaz, et dispose de la plus grande réserve de gaz naturel du monde, celle du gisement offshore de Norh Dome (6000 km2) dont l’exploitation en fait le premier exportateur mondial de gaz liquéfié. Les deux sociétés, Qatargas et Rasgas, produisent 49 milliards de m3 de gaz naturel liquéfié en 2006 (contre 24 milliards en 2000).

Vue de Doha
Crédit photo : G. Faure

Qatar se diversifie également dès les années 1970 dans l’activité industrielle. Dans le complexe industriel d’Umm Saïd au sud de Doha, plusieurs usines sont ouvertes : une usine d’engrais azotés, une aciérie et un complexe pétrochimique. Dans la zone industrielle de Messaied, une fonderie d’aluminium sera construite d’ici à 2010 ainsi qu’une usine de production d’ammoniac et d’urée courant 2011.
Dans le domaine agricole, même si Qatar doit importer des produits alimentaires, il cultive néanmoins des légumes et fait de l’élevage de volaille ainsi que de l’élevage de bovins pour la production laitière.

Dans le domaine des infrastructures, plusieurs projets sont en cours de réalisation : nouvel aéroport en 2012, construction d’un port et d’une zone franche en 2010, construction d’un pont de 40 km reliant Qatar et Bahreïn dont la mise en service est prévue pour 2013.

Les transformations de la société

Musée d’arts islamiques de Doha
Crédit photo : G. Faure

La population est à majorité sunnite de rite wahhabite. Mais les revenus pétroliers et les transformations économiques ont bouleversé cette société traditionnelle. Afin de répondre à ces nouvelles réalisations économiques, de la main d’œuvre étrangère, originaire d’Asie pour la plupart, s’est installée au Qatar. En 1985, les Asiatiques représentent 75% de la main d’œuvre étrangère, ce qui a sensiblement augmenté la population du Qatar (372 millions en 1986 et estimation de 550 millions en 1993). La majorité de la population vit dans les villes, portant le taux d’urbanisation à 90%.

Des réalisations sont faites sur le plan social, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation : soins médicaux gratuits pour tous, nombreux centres hospitaliers, création d’écoles pour garçons et pour filles dans les années 1950 et d’une université en 1977, création du Conseil de l’Education en 2002 mettant en place les réformes éducatives et scolaires.

Politique extérieure

Musée d’arts islamiques de Doha
Crédit photo : G. Faure

Qatar est très impliqué dans les relations régionales et internationales.
Sur le plan régional, Qatar assure en 2003 la présidence de l’organisation de la conférence islamique, accueille le sommet du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe de décembre 2007, Conseil dont il assure la présidence en 2008. Enfin, il accueille en mars 2009 le sommet de la Ligue des Etats arabes. Qatar poursuit une politique d’équilibre régional avec les Etats arabes. Le conflit israélo-palestinien est notamment une de ses préoccupations. Assurant son soutien à l’autorité palestinienne, à qui il apporte son appui financier, Qatar reçoit également des personnalités israéliennes en visite officielle : Shimon Pérès en janvier 2007, ainsi que la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni les 13 et 14 avril 2008 lors de la Conférence de Doha sur la démocratie, le développement et le libre échange. Qatar intervient également dans les difficultés rencontrées au Liban, lors du conflit qui l’a opposé à Israël en juillet 2006, par sa participation militaire à la FINUL et par son aide financière. Il propose également une médiation dans la crise politique et institutionnelle qui secoue le Liban en 2007-2008. Une conférence réunit les représentants des factions politiques libanaises le 21 mai 2008 à Doha et permet de trouver une issue à la crise. Qatar normalise également ses relations avec Bahreïn concernant le contentieux territorial sur les îles Hawar en mars 2001 et se rapproche de l’Arabie Saoudite. Avec l’Iran dont il surveille l’évolution, comme les autres Etats de la région, Qatar maintient de bonnes relations. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad participe notamment au sommet du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe de décembre 2007.
Sur le plan international, Qatar accueille en 2001 la conférence de l’OMC et est, en 2006 et 2007, membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Qatar entretient également des relations avec les Etats-Unis dans le domaine militaire. Des accords sont signés en 1992, en 1996 et en 2002, qui permettent aux Etats-Unis d’avoir des bases militaires et aériennes au Qatar.

Bibliographie
Salem AL-JABIR AL-SABAH, Les Emirats du Golfe, histoire d’un peuple, Fayard, Paris, 1980, 261 pages.
André Bourgey, « Qatar », Encyclopédie Universalis, 2008.
Le Monde, "Etats du Golfe, la renaissance arabe", hors-série février-mars 2009, 98 pages.
Site du ministère des Affaires étrangères, Qatar, présentation du Qatar.

Publié le 01/02/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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