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Marseille-Provence est la capitale européenne de la Culture en 2013. A cette occasion, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur fait valoir des richesses patrimoniales qui témoignent de la vivacité des échanges entre les rives de la Méditerranée.
L’exposition « Le goût de l’Orient » présente des collections de manuscrits ou objets rapportés par botanistes, linguistes ou artistes provençaux depuis le XVIe siècle, puis léguées aux collectivités locales : ces pièces, emportées par des voyageurs aventuriers ou simplement étudiées par des savants qui n’ont jamais quitté leur cabinet de travail provençal, font désormais partie des collections publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et n’ont été que rarement, voire jamais, exposées.
Quantité de tableaux, de manuscrits ou d’objets d’art sont exposés pour donner un aperçu des différentes aires culturelles méditerranéennes : c’est tout un voyage à la découverte des différentes civilisations méditerranéennes qui nous est donc proposé par cet événement organisé par Aurélie Bosc et par Mireille Jacotin, commissaires d’exposition, coproduit par la Cité du Livre, la ville d’Aix-en-Provence et la communauté du Pays d’Aix, et soutenu par Marseille-Provence 2013. Mais l’objectif de l’exposition est aussi de montrer la genèse de l’orientalisme depuis le XVIe siècle, c’est-à-dire d’un certain imaginaire de l’Orient qui aura été façonné par ces divers objets rapportés des voyages autour de la Méditerranée.
Cinq thématiques sont abordées au cours de l’exposition. La première, « l’orientalisme des savants », rassemble des objets commandés à leurs correspondants à partir du XVIIe siècle par de grands savants et collectionneurs provençaux tels que Nicolas Fabri de Peiresc ou encore Jules-François-Paul Fauris de Saint-Vincens : sont notamment exposés des livres imprimés en Turquie, ou encore une Bible Polyglotte datant de 1645. Il est rappelé que Colbert a été déterminant pour le développement de ces échanges et pour l’intérêt pour l’Orient, quand il a le projet, en 1669, de créer une Ecole des jeunes de langues : il s’agissait de tirer profit de ces connaissances culturelles et linguistiques de l’Orient pour développer le commerce français au Levant. Au-delà des savants restés dans leur cabinet qui passaient des commandes à leurs correspondants, l’exposition mentionne également d’autres figures provençales qui ont participé à la découverte de contrées méditerranéennes : Claude Sicard par exemple, né à Aubagne à la fin du XVIIe siècle, et qui a réalisé la première exploration scientifique de l’Egypte ancienne, ou encore Joseph Pitton de Tournefort (Aix-en-Provence, 1656), botaniste qui rapporta plus de huit mille spécimens de plantes d’un voyage en Orient.
La deuxième thématique présente des manuscrits religieux : peuvent ainsi être admirés l’un des premiers Coran imprimés, un manuscrit éthiopien des Psaumes ou encore un Coran perse enluminé du XVIe siècle. Autant de documents qui, une fois rapportés des voyages en Orient, auront permis, à la fin du Second Empire, un développement de connaissances philologiques. Ainsi, toute une partie de l’exposition se consacre aux documents en lien avec l’étude de l’islam.
Un troisième axe de l’exposition concerne l’étude des langues orientales et présente divers linguistes provençaux : certains, bien que considérés comme de grands spécialistes, n’ont jamais voyagé dans le pays. C’est le cas notamment de Joseph-Héliodore Garcin de Tassy, né à Marseille en 1794, spécialiste de l’Inde musulmane (et dont un manuscrit autographe est présenté lors de l’exposition) sans avoir jamais visité ce pays. Mais face à ces linguistes de renom, d’autres ajoutent au savoir académique des connaissances empiriques de la culture et des langues de l’Orient : Arsène Roux, par exemple, né à la fin du XIXe siècle à Rochegude, diplômé de langue berbère, profitera de son séjour au Maroc en tant que professeur au collège d’Azrou pour renouveler les études berbères.
Alors que l’exposition semble – d’après son titre, et d’après ces trois premières thématiques – très diversifiée au niveau régional, elle fait la part belle à l’Egypte au XIXe siècle : une partie se consacre en effet aux « Européens en Egypte au XIXe siècle », ce qui semble d’ailleurs évident, tant le pays fut transformé en un gigantesque laboratoire, véritable cabinet de curiosités pour les Européens, sous Mehmet Ali (1769-1849). Ce sont les collections de ces Occidentaux natifs de Provence qui sont exposés ici, comme par exemple ceux d’Antoine Barthélémy Clot (dit Clot Bey), médecin-chirurgien au service de Mehmet Ali, ou de Félicien David, compositeur qui rapporta de son voyage en Egypte les premiers emprunts mélodiques à la tradition musicale classique orientale (ainsi, diverses compositions – Le désert, Lalla Roukh – sont en libre écoute au cours de l’exposition).
Car l’art est aussi au cœur de ces circulations entre Occident et Orient, comme le rappelle le cinquième axe de ce parcours : plusieurs voyageurs, à l’image de Pascal Coste (1787-1879) ou Jules Laurens (1825-1901), ont en effet contribué à rapporter de l’Orient des dessins architecturaux qui ont construit tout un imaginaire et inspiré de nombreux artistes occidentaux. De plus, les dessins de Pascal Coste auront permis de recenser des monuments perses aujourd’hui disparus. Ce sont notamment de tels dessins que présente cette exposition.
Une exposition éclectique, en somme, pour afficher sous toutes ses formes l’orientalisme et ses saveurs diverses (scientifique, musicale, littéraire, artistique…).
En marge de l’exposition, plusieurs manifestations sont organisées : des visites thématiques de l’exposition (thèmes de l’orient et de l’orientalisme, des collectionneurs aux XVII et XVIII èmes siècles…) par Mireille Jacotin, commissaire de l’exposition ; des conférences par des spécialistes de l’Orient (André Miquel, Sydney H. Aufère) ; des lectures de contes et de fables ; des ateliers de calligraphie arabe ou sur les plantes et les couleurs du Moyen-Orient ; des projections de films et de documentaires (Les mille et une nuits, La dernière escale de Pierre Loti, Les livres des déserts, L’Orient des cafés).
A LIRE EGALEMENT : Entretien avec Mireille Jacotin et Aurélie Bosc, commissaires de l’exposition « Le goût de l’Orient »
Cité du Livre – Bibliothèque Méjanes
8/10 rue des Allumettes
13098, Aix-en-Provence
04 42 91 98 88
du 22 juin au 15 septembre 2013, entrée libre
http://goutdelorient.citedulivre-aix.com
Delphine Froment
Agrégée d’histoire et élève à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, Delphine Froment prépare actuellement un projet doctoral. Elle a largement étudié l’histoire du Moyen-Orient au cours de ses études universitaires, notamment l’histoire de l’Islam médiéval dans le cadre de l’agrégation.
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