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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 01/12/2010 • modifié le 17/06/2020 • Durée de lecture : 7 minutes

Iznik tiles in Topkapi Palace, Istanbul, Turkey, Europe

Godong / Robert Harding Heritage / robertharding / AFP

Formation et consolidation de l’Empire ottoman

Les Ottomans sont originaires d’une tribu d’Asie centrale, qui s’installe vers la fin du XIII ème siècle dans la région de Seuyut, puis conquiert progressivement plusieurs villes byzantines. A la fin du XIV ème siècle, les Ottomans sont présents dans les Dardanelles et en Thrace, puis s’implantent en Macédoine, en Thrace orientale et en Bulgarie. Une administration se met également en place, appelée le divan, ainsi qu’une armée. A partir de cette époque, les chefs ottomans prennent le titre de sultan. La conquête territoriale se poursuit, en Anatolie occidentale, centrale et orientale, et dans les Balkans. Cependant, les Ottomans se heurtent à l’extrême fin du XIV ème siècle aux Mongols de Tamerlan qui conquièrent en 1402, lors de la bataille d’Ankara, les territoires d’Anatolie. Ils sont cependant repris par les Ottomans lors du règne de Mehmed 1er (il meurt en 1421). Son successeur, Murad II, poursuit les conquêtes en Anatolie du Nord et en Europe. Murad II meurt en 1451 et son fils Mehmed II lui succède jusqu’en 1481. Il conquiert Constantinople le 29 mai 1453, qui devient la capitale de l’Empire, et poursuit les conquêtes territoriales : Péloponnèse, Albanie, Bosnie, Moldavie, Crimée. Succédant à Mehmed II, Bayézid II devient sultan de 1481 à 1512, puis Selim 1er, de 1512 à 1521. Sous son règne, l’Azerbaïdjan, la Cilicie et le Kurdistan sont intégrés à l’Empire en 1515, la Syrie et la Palestine en 1516, puis l’Egypte en 1517. Le fils de Selim 1er, Soliman le Magnifique, règne de 1521 à 1566. Il étend l’Empire aux pays arabes : Irak, Arabie, Afrique du Nord sauf le Maroc, au Yémen et à Aden en 1548. A la suite de la soumission du chérif de La Mecque, le sultan est considéré comme le gardien des lieux saints de l’islam (La Mecque, Médine) et devient le « serviteur des deux sanctuaires ». Ainsi, à son pouvoir temporel s’ajoute le pouvoir spirituel. En Europe, Soliman le Magnifique conquiert une partie de la Hongrie, la Transylvanie et arrive aux portes de Vienne en septembre 1529.

Il est généralement admis que la splendeur de l’Empire ottoman a duré un siècle, du règne de Mehmed II à la fin de celui de Soliman le Magnifique en 1566. Sur le plan territorial, l’Empire ottoman s’étend à cette date sur les Balkans, l’Europe centrale, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord hormis le Maroc. Sur le plan administratif, le conseil du gouvernement ou divan est placé sous la responsabilité du Grand Vizir, secondé par des vizirs, des responsables de la justice, des finances et de l’armée. Le divan est en charge des décisions sur le plan politique et diplomatique (c’est lui qui reçoit notamment les ambassadeurs étrangers). Le Grand Vizir a également en charge de contrôler les gouvernements de province. Concernant la population de l’Empire, les juifs et les chrétiens ont un statut particulier, celui de « protégés ». Avec l’Europe, en plus des relations diplomatiques, la Porte entretient des liens commerciaux : si les Génois et les Vénitiens ont des liens commerciaux privilégiés, ceux-ci sont étendus au XVI ème siècle à d’autres puissances européennes (France, Grande-Bretagne, Hollande) par les Capitulations, qui seront renouvelées aux XVI et XVII ème siècles. Sur le plan architectural et artistique, c’est le moment où sont construites les grandes mosquées et où les monuments sont agrémentés de faïences. L’Empire ottoman est également une puissance maritime, en Méditerranée orientale et en Mer rouge.

A la suite du règne de Soliman le Magnifique, l’Empire ottoman entre dans une période de déclin : défaites militaires comme celle de Lépante en octobre 1571, révoltes, assassinat du sultan Osman II en 1622 par des janissaires (infanterie), querelles de successions, révoltes de l’armée… Sur le plan territorial, les Ottomans subissent des défaites, notamment en 1683 où les troupes turques sont battues à Vienne. Au XVIII ème siècle, les Ottomans subissent des échecs militaires et des territoires leurs sont repris, comme en 1736 lorsque les Perses prennent le Caucase. Les Russes progressent également dans l’Empire ottoman, à la suite de guerres contre les Turcs. En 1774, ils obtiennent notamment l’accès à la mer Noire et le droit d’y naviguer. Ces avancées provoquent les interventions diplomatiques et militaires des Britanniques, des Français et des Autrichiens, l’Empire ottoman devenant un théâtre de confrontations sur lequel les Occidentaux préservent leurs intérêts. Ces événements sont connus sous le nom de Question d’Orient.

Intérêts des grandes puissances et montée du nationalisme

Sous le règne de Selim III, qui arrive au pouvoir en 1789, des guerres se déclenchent avec les Russes et avec les Autrichiens. Des territoires sont notamment cédés à la Russie en 1792. Ce contexte de troubles est renforcé par des révoltent dans les provinces arabes et dans les Balkans (Serbie et Bulgarie), et par l’expédition de Bonaparte en 1798 en Egypte, en Syrie et en Palestine. A cet égard, selon Albert Hourani, « c’était la première grande incursion d’une puissance européenne au cœur même du monde islamique, la première fois que ses habitants se trouvaient exposés au nouveau type de puissance militaire des grands Etats d’Europe, et à leurs rivalités ». [1] L’expédition de Napoléon est suivie par l’influence grandissante des puissances dans l’Empire ottoman. Selim III tente de rénover l’Empire en organisant une nouvelle armée et en réformant la fiscalité, mais ses efforts n’aboutissent pas. Il est exécuté en 1808 à la suite de la révolte des janissaires. Mahmud II devient sultan et poursuit les réformes. Il signe la paix avec la Russie en 1812 et finit de réformer l’armée, avec la suppression des janissaires en 1826. Le sultan Abdul-Medjid va encore plus loin dans les réformes, les Tanzimat, qui assurent l’égalité des sujets de l’Empire. D’autres réformes portant sur l’organisation du pouvoir politique sont également instituées, sous le règne du sultan Abdulaziz. Mais ces réformes sont considérées par les puissances comme susceptibles de consolider la puissance de l’Etat ottoman. N’y ayant pas intérêt, elles oeuvrent par des pressions sur les populations et par des conflits militaires.

Les populations souhaitent obtenir leur émancipation, en particulier en Serbie, en Egypte et en Grèce. A la suite de diverses tractations dans lesquelles interviennent les puissances européennes, la Grèce devient indépendante en 1829. En Egypte, à la suite de la volonté d’indépendance de Muhammad Ali, gouverneur d’Egypte, celui-ci obtient de la Porte le droit pour lui et sa famille de régner, soutenu dans sa demande par les interventions européennes.

A partir des années 1840, plusieurs événements concourent à fragiliser l’Empire ottoman : la question de la protection des Lieux saints par les puissances, la guerre de Crimée, les massacres de 1860 au Liban. Les révoltes de populations se poursuivent également, notamment en 1870 en Serbie, Bosnie, Roumanie, Bulgarie. En parallèle, les réformes politiques entreprises par le sultan Abdul-Hamid II, au pouvoir de 1876 à 1908, aboutissent à l’adoption d’une constitution en 1876. Mais les mouvements d’indépendance poussent au démembrement de l’Empire et plusieurs provinces deviennent indépendantes, comme la Serbie et la Roumanie. La Grèce quant à elle annexe des territoires (Thessalie, Epire), de même que l’Autriche. La Russie obtient pour sa part trois régions de Kars, Ardahan et Batoum et la Grande-Bretagne occupe Chypre. L’Afrique du Nord et l’Egypte sont également partagées entre la Grande-Bretagne, la France et l’Italie.

Dans ce contexte de dislocation de l’Empire ottoman, le sultan Abdul-Hamid II rétablit le pouvoir absolu et tente d’unifier les musulmans de son Empire. Cette politique n’aboutit pas, d’autant plus que la crise économique et financière sévit. En effet, dès le milieu du XIX ème siècle, l’Etat ne peut payer ni l’armée ni l’administration et s’appuie sur le financement européen. En parallèle, les Balkans se révoltent.

Dès le début du XIX ème siècle, les puissances, s’appuyant sur leurs diplomates et sur les hauts fonctionnaires ottomans, développent leurs intérêts et leurs zones d’influence dans l’Empire. Elles utilisent pour ce faire divers moyens, comme la protection de certaines communauté de l’Empire : la France a dans sa sphère d’influence des chrétiens, la Russie des orthodoxes. De même, la volonté d’acquérir des zones d’influence va de pair avec le développement et la maîtrise des voies de communication. C’est ainsi que les Allemands construisent le Bagdadbahn, voie ferrée reliant l’Anatolie à Bagdad, et devant atteindre Bassora. Les capitaux français contrôlent également les routes, les ports et le chemin de fer (Smyrne-Cassaba et prolongements en Anatolie ; Beyrouth-Damas-Hama et prolongements dans la province syrienne). La Grande-Bretagne contrôle les transports fluviaux du Tigre et de l’Euphrate. En outre, les capitaux européens permettent également de contrôler des sociétés ottomanes : l’Administration des Phares de l’Empire ottoman, les eaux de Constantinople, le Gaz de Beyrouth pour la France ; le Téléphone de Constantinople pour la Grande-Bretagne. Européens et Américains défendent également leurs intérêts dans les domaines culturels, scolaires et hospitaliers, par la présence de congrégations religieuses notamment, contribuant au rayonnement de leurs pays respectifs.

Fin de l’Empire ottoman

En 1908, la révolution jeune turc éclate, et une politique libérale se met en place, cependant vite remplacée par une politique autoritaire et panturque. Le démembrement de l’Empire se poursuit, en Afrique du Nord, et dans les Balkans à la suite de la première guerre balkanique de 1912.

Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, le jeu des alliances fait que l’Empire ottoman combat du côté de l’Allemagne et de l’Autriche. L’Empire devient alors un théâtre d’opérations, notamment en Palestine et en Irak. Dans le même temps, en 1915, les Britanniques, à la suite de la correspondance Hussein-MacMahon, obtiennent du chérif de La Mecque la participation des troupes hachémites au côté des troupes britanniques, contre les troupes ottomanes. En 1916, Français et Britanniques se partagent les provinces arabes, par les accords Sykes-Picot.

A l’issue de la guerre, l’Empire, ayant perdu la guerre, est totalement démembré. Les provinces arabes de l’Empire ottoman sont notamment partagées entre les Français et les Britanniques, qui obtiennent de la Société des Nations des mandats, les premiers sur la Syrie et le Liban, les seconds sur l’Irak, la Palestine et la Transjordanie. L’Empire ottoman n’est alors constitué que de l’Anatolie et de Constantinople. Le traité de Sèvres d’août 1920 démembre l’Empire ottoman, mais l’opposition s’organise sous l’impulsion de Mustapha Kemal, officier turc. Une guerre d’indépendance est ainsi menée de 1920 à 1922 contre les Grecs qui souhaitaient s’emparer de l’Anatolie. Le 2 novembre 1922, le sultanat est aboli et des négociations sont entamées afin de réviser le traité de Sèvres. Elles aboutiront à la signature du traité de Lausanne du 24 juillet 1923. La république turque est alors proclamée le 29 octobre 1923 et Mustapha Kémal est élu à la présidence de la République.

Bibliographie :
Dominique Chevallier et André Miquel (sous la direction), Les Arabes, du message à l’histoire, Paris, Fayard, 1995, 650 pages
Albert Hourani, Histoire des peuples arabes, Paris, Seuil, 1993, 732 pages,
Robert Mantran, « L’Empire ottoman », Encyclopédie universalis 2009
Robert Mantran (sous la direction), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1994, 810 pages
Jacques Thobie, Ali et les 40 voleurs, impérialismes et Moyen-Orient de 1914 à nos jours, Paris, Editions Messidor, 1985, 370 pages

Publié le 01/12/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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