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Compte-rendu de la conférence à l’Institut du monde arabe du 3 février 2011 sur la question de « la Palestine face aux impasses de la paix »

Par Lisa Romeo
Publié le 11/02/2011 • modifié le 05/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Ziyad Clot, Bernard Philippe et Jean-Paul Chagnollaud étaient invités, jeudi 3 février, dans le cadre des cycles de conférences des Jeudi de l’Institut du Monde Arabe. Ils ont fait part de leurs expériences et de leur point de vue sur l’état actuel des relations israélo-palestiniennes, dans un débat animé par Karim Bitar, chercheur et professeur des relations internationales et d’histoire des idées politiques à l’Instituts des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et directeur de la revue L’ENA hors les murs. La conférence était initialement prévue autour de l’ouvrage de Ziyad Clot, Il n’y aura pas d’Etat palestinien (éd. Max Milo), mais celui-ci étant retenu au dernier moment au Qatar, il n’a finalement pas pu le présenter.

Bernard Philippe, fonctionnaire européen ayant travaillé de nombreuses années sur les relations israélo-arabes, et auteur de l’ouvrage Le Prix de la paix, Israël/Palestine un enjeu européen ? (Riveneuve éditions), s’interroge sur le rôle que pourrait avoir l’Europe aujourd’hui dans le processus de paix dans la région. Il rappelle que la construction de l’Union européenne s’est faite dans le cadre d’un processus de paix et de reconstruction. En effet, selon lui, en retraçant les grandes lignes de l’histoire de l’Europe, on peut constater que le traité de Versailles de 1919, qui instaure les conditions de paix entre l’Allemagne et les Alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale, et qui en fait porter l’entière responsabilité à l’Allemagne a fourni un cadre propice à la venue d’Hitler au pouvoir et engendré le Second conflit mondial de 1939-1945. A l’inverse, le traité de Rome de 1957, en dépit de l’esprit revanchard et de l’autodénigrement allemand régnant ces années là, a permis de changer la donne en réintégrant l’Allemagne et en reconnaissant les torts des différents protagonistes. Au regard de cette évolution, qui était loin d’être garantie dans les années 1950, Philippe Bernard se demande alors dans quelle mesure on pourrait s’inspirer de l’expérience de la réconciliation franco-allemande dans le conflit israélo-arabe, sans nier bien sûr son particularisme.

Il faudrait alors, selon lui, que des bases de départ soit correctement fixées au Proche-Orient en procédant à une réorientation visant à inverser la violence, comme l’Europe a su dissiper un siècle de haine franco-allemande qui a engendré trois guerres dévastatrices.

Karim Bitar reprend alors cette nécessité d’établir une base de reconnaissance des souffrances aussi bien palestiniennes qu’israéliennes et rompre ainsi avec le déséquilibre des forces.

Pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de la revue Confluences Méditerranée et professeur de sciences politiques à l’université de Cergy-Pontoise qui a récemment publié avec Sid Ahmed Souiah, un Atlas des Palestiniens (éd. Autrement), le tableau est aujourd’hui assez négatif. Il met en avant le glissement à droite de la Knesset et de la société israélienne depuis dix ans, qui laisse entrevoir une attitude de racisme très marquée dans le pays. Il rappelle également que le fait que le ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Lieberman, fasse partie de l’extrême droite, ne facilite pas les discussions, comme on a pu le constater avec le refus (lors des négociations de septembre 2010) de cesser la colonisation, pourtant contraire au droit international. Par ailleurs, il déplore les multiples contractions existant au sein même des autorités palestiniennes, notamment en ce qui concerne les relations avec le Hamas, voyant dans ce manque d’unité une grande faiblesse. Devant cet état de fait, Jean-Paul Chagnollaud voit alors dans le recours à l’extérieur une unique solution, que ce soit vers les Etats-Unis ou l’Europe.

Or, selon lui, l’Europe est incapable de penser à Israël sans être pétrifiée par le poids du souvenir (colonisation, Shoah) et reste ainsi enfermée dans des rapports de culpabilité. La vision de l’Europe envers l’Islam bloque également les diplomaties et joue sur les inconscients. Il fait remarquer, par exemple, que 40 % des Français considèrent l’Islam comme une menace. Par ailleurs, il doute de la capacité décisionnelle de la diplomatie d’une Europe à 27 et se montre assez pessimiste quant à ses actions sur la question, malgré le fait qu’elle ait déclaré en 1999 que le moment venu elle reconnaitrait l’Etat palestinien. Finalement, pour Jean-Paul Chagnollaud, les seuls qui semblent à même de jouer un rôle dans la résolution du conflit israélo-arabes sont les Etats-Unis. L’arrivée du Président Obama au pouvoir depuis janvier 2009 et ses déclarations sur la nécessité de créer un Etat palestinien avaient suscité une vague d’espoir. Aujourd’hui, malgré ses multiples contradictions, la diplomatie américaine reste au moins active, ce qui maintient peut être, dans une certaine mesure, une possibilité d’amélioration.

En ce qui concerne l’évolution future de la situation, deux hypothèses peuvent être alors envisagées selon lui. La première, qu’il redoute, serait la reprise des violences : les soulèvements en Egypte pouvant renforcer l’obsession de puissance d’Israël. La seconde serait qu’une nouvelle directive soit envisagée, surprenant ainsi les plus pessimistes, comme les soulèvements en Tunisie et en Egypte ont pu étonner la communauté internationale.

Karim Bitar a alors conclu cette conférence en rappelant les quatre points qui bloquent le processus de la paix au Proche-Orient, à savoir : l’occupation, la question des réfugiés, le statut de Jérusalem et la question de l’eau. Avec la poursuite de la colonisation, les Etats-Unis semblent avoir perdu le bras de fer qui les opposait sur cette question à Israël. Peut-être alors qu’un deuxième mandat d’Obama pourrait entrainer des pressions sur Jérusalem ? En attendant, devant l’impuissance d’une solution politique, une issue ne semble pouvoir venir que de la culture et du dialogue et de l’émergence d’une personnalité susceptible de relancer les négociations à l’instar de Pierre Mendès France, français, juif et républicain, qui a su entendre les arguments des deux parties. Il s’agit alors de transformer le regard porté sur l’autre, reconnaissant les souffrances de chacun. Les Palestiniens ont aujourd’hui un besoin de reconnaissance et de dignité, et souhaitent que les événements de 1948 ne soient plus déniés.

C’est donc en sortant des sentiers battus, avec une certaine dose d’imagination, tout en prenant garde de ne pas répéter les erreurs du passé, que l’on pourrait parvenir à établir un traité de paix réel au Proche-Orient.

Publié le 11/02/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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