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Chronologie illustrée du conflit libanais (1975-1990)

Par Hervé Amiot
Publié le 30/10/2013 • modifié le 21/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

1975-1976 : l’explosion du conflit

Après deux décennies de montée des tensions communautaires, la guerre civile éclate.

Le 13 avril 1975, des membres du Parti social nationaliste syrien (souhaitant le rattachement du Liban à la « Grande Syrie »), tuent le garde du corps de Pierre Gemayel, fondateur du parti Kataëb (ou parti phalangiste). Les Phalangistes (miliciens chrétiens maronites) ripostent immédiatement et tuent 27 passagers d’un autobus, pour la plupart palestiniens. La spirale de la violence se met en place. Une véritable guérilla urbaine, faite d’assassinats, d’embuscades, d’actions coup de poing ou de batailles rangées, embrase Beyrouth, puis le reste du pays. Elle oppose à l’origine - les choses se compliqueront par la suite - le Mouvement National (ou camp palestino-progressiste), réunissant Palestiniens, chiites, sunnites, druzes, et quelques chrétiens, au Front libanais, formé par la majorité des Chrétiens.

A la demande du camp chrétien, les Syriens renversent leur alliance et envoient des troupes au Liban à partir de juin 1976. En novembre 1976, l’armée syrienne atteint Beyrouth.

Dans les alentours de Beyrouth, la situation devient critique. Les Phalangistes attaquent les camps de réfugiés palestiniens, comme ceux de Karantina (janvier 1976) et Tel al-Zaatar (août 1876). En guise de représailles, les Palestiniens massacrent des habitants chrétiens, comme ceux de Damour le 20 janvier 1976.

Les Palestiniens sont en effet nombreux en Syrie depuis les guerres de 1948-49, 1967 et 1973, et depuis leur départ de Jordanie en 1970. Les camps de réfugiés servent de base pour les combattants de l’Organisation de Libération de la Palestine. Celle-ci est bien implantée dans le Sud-Liban et attaque régulièrement le Nord d’Israël.

1977-1981 : intervention israélienne au Sud, offensives chrétiennes au Nord

Israël se sent menacé par les forces palestiniennes réfugiées au Sud-Liban. En mars 1978, l’Etat hébreux lance l’« Opération Litani », visant à créer une zone de sécurité au Sud-Liban. L’armée israélienne envahit le Liban jusqu’au fleuve Litani, ce qui provoque le départ de nombreux Palestiniens, mais aussi des chiites, vers Saïda et surtout vers Beyrouth. Cette opération est condamnée par l’ONU. Israël doit se retirer, et le Sud-Liban est occupé par la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Toutefois, Israël maintient sa présence sur une bande de 10km au Sud du Liban, où elle maintient l’ordre avec l’aide de la milice de Saad Haddad, l’Armée du Liban Sud.

Du côté des Chrétiens, l’unité n’existe pas. Bachir Gemayel réorganise les Phalanges en leur donnant le nom de « Forces Libanaises ». Il souhaite y intégrer toutes les milices chrétiennes. Or, certains notables locaux refusent, comme la famille Frangieh, qui est proche des Syriens, ou la famille Chamoun. Les représailles ne se font pas attendre : les Forces Libanaises pénètrent à Zghorta, le fief des Frangieh, et assassinent la famille de Tony Frangieh le 13 juin 1978.

Par ailleurs, les Forces Libanaises tentent dès lors de s’opposer aux Syriens dans la Bekaa. A partir de décembre 1980, des combats s’engagent pour le contrôle de la ville chrétienne de Zahlé. Finalement, les Syriens prennent le dessus à partir d’avril 1981.

1982 : l’opération « Paix en Galilée » et ses conséquences

Israël souhaite d’une part éliminer définitivement la résistance palestinienne au Liban, et d’autre part favoriser l’accession au pouvoir du maronite Bachir Gemayel, qui a promis de signer un traité de paix libano-israélien. Le 6 juin 1982, l’opération « Paix en Galilée » débute. Les Israéliens occupent rapidement le Sud-Liban, puis ils combattent l’armée syrienne dans le Chouf et le Sud-Bekaa, la repoussant dans le Nord du pays. Un cessez-le-feu est signé le 11 juin avec la Syrie.

Les Israéliens poursuivent leur avancée et bombardent Beyrouth-Ouest, où se sont repliés les combattants palestiniens. Ils atteignent Beyrouth le 14 juin, rejoignant les Forces Libanaises, dont Gemayel a exigé qu’elles ne combattent pas pour ne pas le discréditer auprès des autres communautés. La Force Multinationale envoyée par l’ONU évacue les combattants de l’OLP à partir du 21 août, puis quitte le pays le 13 septembre.

Mais les événements vont tourner au drame. Bachir Gemayel, élu président le 23 août, est assassiné le 14 septembre, alors qu’il avait annoncé la réconciliation nationale. Les forces libanaises, contre leur promesse, entrent dans Beyrouth-Ouest et massacrent les civils palestiniens réfugiés dans les camps de Sabra et Chatila, sous les yeux des troupes israéliennes, du 16 au 18 septembre 1982. Ce massacre entraine le retour de la Force multinationale de l’ONU à Beyrouth.

1983-1984 : une situation de plus en plus anarchique

Les lieux de conflits se multiplient. En 1983, dans les montagnes du Chouf, évacuées par l’armée israélienne, une guerre s’engage entre les forces druzes soutenues par les Syriens et les Forces libanaises chrétiennes, soutenues par la Force multinationale de l’ONU. Les druzes de Walid Joumblatt emportent finalement cette « guerre de la montagne » et la Force multinationale est critiquée pour son soutien apporté aux chrétiens. Elle en subit d’ailleurs les représailles : en octobre 1983, un attentat revendiqué par le Jihad islamique tue 241 soldats américains et 58 soldats français. La Force multinationale quitte définitivement le Liban en février 1984.

L’armée israélienne n’est pas épargnée. A l’été 1983, dans le Sud du pays, elle subit les attaques du mouvement chiites Amal de Nabih Berri. Amal réussit d’ailleurs un coup de force à Beyrouth en s’emparant de la partie Ouest de la ville, en février 1982, profitant du départ de la Force multinationale.

1985 – 1987 : retrait israélien et multiplication des oppositions

Israël, voyant la guérilla s’intensifier à son encontre, décide de se retirer du Liban, de janvier à juin 1985. Elle conserve toutefois une « zone de sécurité » de 20 km de large au Sud-Liban, contrôlée par Tsahal et par la milice de l’Armée du Liban Sud.

Les forces israéliennes et syriennes s’étant retirées aux confins du territoire libanais, l’espace est libre pour l’affrontement des milices. A partir de mai 1985, les chiites d’Amal, soutenus par la Syrie, entreprennent d’éradiquer les vestiges de l’OLP restants au Liban. Ainsi s’ouvre la « guerre des camps », qui durera jusqu’en 1987, au cours de laquelle Amal assiège les camps et tue des civils. Ainsi, le camp de Sabra est totalement détruit, Chatila l’est à 85% et Bordj el Barajneh (Sud de Beyrouth), à 50%. Déplorant cette guerre inter-arabe, des membres d’Amal passent au Hezbollah, milice nouvellement créée, pilotée par l’Iran et faisant de la lutte contre Israël son objectif principal.

Avec la « guerre des camps », Amal a étendu son emprise sur Beyrouth. Mais il se heurte dans cette entreprise à la milice druze de Joumblatt. Amal va même jusqu’à s’opposer à son frère chiite du Hezbollah, qui souhaite la poursuite de la lutte contre Israël, alors qu’Amal veut l’arrêt des combats et l’éradication de l’OLP. Ainsi, des combats opposent Amal et le Hezbollah au Sud du Liban et en banlieue de Beyrouth.

Du côté des chrétiens, les divisions se font également sentir depuis la mort du grand chef Bachir Gemayel. Un conflit déchire les Forces Libanaises. Samir Geagea conteste l’orientation pro-syrienne des Forces Libanaises. Le 12 mars 1985, il conduit une insurrection à Byblos (Jbeil) et prend la tête de la milice. Mais il est rapidement renversé par Elie Hobeika, qui souhaite un rapprochement avec Damas. En janvier 1986, Geagea lance une deuxième insurrection et force Hobeika à quitter le Liban.

1988 – 1990 : diarchie, retour de la Syrie et fin de la guerre civile

A l’été 1988, aucun consensus ne se fait pour trouver un nouveau président de la République. Michel Aoun est alors chargé de former un gouvernement provisoire, en attendant l’élection du président. Cependant, le président du Conseil, Sélim Hoss, refuse de céder son poste à Aoun. Le Liban se retrouve donc avec deux gouvernements : l’un chrétien, dirigé par Aoun, et l’autre musulman, conduit par Hoss et soutenu par la Syrie.

Mais Aoun fait plus que conduire un simple gouvernement provisoire. Il souhaite restaurer l’indépendance et la souveraineté de l’Etat libanais. Cela passe par le départ des troupes syriennes et le désarmement des milices. Ainsi, le 14 février 1989, Aoun lance l’armée libanaise dans une « guerre de libération » vis-à-vis de la Syrie. Il refuse l’accord trouvé en octobre 1989 à Taëf (Arabie-saoudite) et poursuit la guerre. Il s’attaque également aux Forces Libanaises de Geagea à partir de janvier 1990 pour les forcer à déposer les armes. Cependant, l’armée libanaise est défaite par les troupes syriennes en octobre 1990 et Aoun s’exile en France. Le Liban devra se reconstruire sous la tutelle de Damas. Les troupes syriennes ne se retireront du pays qu’en 2005.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
 La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures
 Guerre civile libanaise

Bibliographie :
 Georges CORM, Géopolitique du conflit libanais, La Découverte, Paris, 1986.
 Franck DEBIÉ et Danuta PIETER, La paix et la crise : le Liban reconstruit ?, PUF, Paris, 2003.
 Eric VERDEIL, Ghaleb FAOUR et Sébastien VELUT, Atlas du Liban, Institut français du Proche-Orient, CNRS Liban, 2007.
 « Chronologie du Liban », Le Monde diplomatique
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/proche-orient/region-liban-chrono
 « Chronologie du Liban 1943-2012 », L’Express, Catherine Gouëset, 19/10/2012
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/chronologie-du-liban-1943-2011_492580.html

Publié le 30/10/2013


Hervé Amiot est Docteur en géographie, agrégé et ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm). Après s’être intéressé aux dynamiques politiques du Moyen-Orient au cours de sa formation initiale, il s’est ensuite spécialisé sur l’espace postsoviétique, et en particulier l’Ukraine, sujet de ses recherches doctorales.


 


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